3  -  Diagnostic prénatal et diagnostic préimplantatoire


Le diagnostic prénatal est un acte médical individuel qui concerne une femme enceinte et s’intéresse à l’état de santé de l’enfant qu’elle porte. Le but est de prévenir certaines des conséquences de l'affection diagnostiquée par exemple en organisant une prise en charge précoce et adaptée de l’enfant, dès la naissance.
Cependant, pour ce qui concerne les affections génétiques, elles sont souvent graves et incurables. Le médecin se trouve alors confronté à ses limites thérapeutiques et peut accepter de pratiquer une interruption de la grossesse si le couple parental informé en fait la demande.
En effet, en France, depuis la loi du 17 janvier 1975 (loi Veil), l'interruption de grossesse pour motif médical (IMG) est possible à tout moment de la grossesse en particulier lorsque « existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».

L’encadrement juridique du diagnostic prénatal (L2131-1 à 3 et L.2213.1 à 3 du CSP)

  • Une consultation médicale est nécessaire avant la réalisation de toutes analyses biologiques dans le cadre du diagnostic prénatal
  • En cas de risque avéré, l’information est donnée par un praticien d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal et porte « sur les objectifs, les modalités, les risques, les limites et le caractère non obligatoire des examens proposés », ainsi que « sur les caractéristiques de l'affection suspectée, les moyens de la détecter et les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge adaptée du fœtus ou de l'enfant né ».
  • Au terme de cette information, la femme enceinte doit consentir par écrit à la réalisation des analyses proposées.
  • Toute décision d’IMG fait l’objet d’une discussion collégiale au sein d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN).
  • La femme enceinte ou le couple peut participer à la décision : en rencontrant des membres de l'équipe du CPDPN préalablement à la concertation, et en étant représenté par un médecin de son choix lors de la concertation.
  • « Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d'au moins une semaine avant de décider d'interrompre ou de poursuivre sa grossesse ».
  • Une IMG ne peut être pratiquée qu’avec le consentement de la femme enceinte.



Le diagnostic préimplantatoire consiste à réaliser un diagnostic biologique à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro. Il offre la possibilité de distinguer, parmi un lot d’embryons, ceux qui pourront être transférés dans l’utérus maternel, poursuivre leur développement et donner naissance à un enfant. Ainsi, dans le DPI, après la phase du diagnostic vient inéluctablement une deuxième phase, celle de la sélection. C’est cette démarche de tri embryonnaire qui appelle à une réflexion éthique.

L’encadrement juridique du diagnostic préimplantatoire (L.2131-4 du CSP)

  • Un médecin exerçant son activité dans un CPDPN « doit attester que le couple, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».
  • « Le diagnostic ne peut être effectué que lorsqu'a été préalablement et précisément identifiée, chez l'un des parents ou l'un de ses ascendants immédiats …, l'anomalie ou les anomalies responsables d'une telle maladie ».
  • Le consentement des deux membres du couple doit être recueilli, par écrit.
  • Le recherche de caractéristiques biologiques supplémentaires pouvant bénéficier à un enfant malade de la fratrie (par exemple : recherche de la compatibilité HLA en vue d’une greffe de sang de cordon en cas de thalassémie majeure) est autorisée, dans le cadre d’une démarche de diagnostic préimplantatoire, au cas par cas, sous conditions, et sous couvert de la délivrance d’une autorisation par l’Agence de la Biomédecine.


Les principaux enjeux éthiques du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire au niveau individuel et collectif

• Questionnement éthique au sein des CPDPN, face à une décision difficile : discussion collégiale et examen de chaque situation au cas par cas.

Comment définir les critères de « particulière gravité » et « d’incurabilité »?
Qui doit juger de la particulière gravité : les familles en fonction de leur vécu, les médecins sur des bases scientifiques ou la société sur des éléments socio-économiques ? Et comment agir lorsque les avis des uns ou des autres divergent ?
Pour être considérée comme « particulièrement grave », une maladie doit-elle être mortelle dans l’enfance, ou bien à l’origine d’un handicap mental, ou peut-être d’un handicap physique, esthétique ou fonctionnel ? Que dire d’une maladie rapidement évolutive mais qui ne se déclarerait qu’à l’âge adulte ? Que dire d’une maladie chronique, peu grave, mais nécessitant des soins quotidiens tout le long de la vie ?
Comment gérer l’incertitude diagnostique, fréquente en période prénatale ?
Que faire lorsque persiste un doute, quand, arrivé aux limites des connaissances médicales, il faut dire son ignorance, dire que « probablement tout ira bien, mais…. »

Actuellement, le recours au CPDPN pour toute décision d’IMG cherche à garantir que :

  • elle soit contextualisée, analysée au cas par cas
  • elle émane d’une discussion collégiale
  • elle prenne en compte la position des parents jusque dans leur perception subjective et traumatisante de la situation 
  • soit mis en place un accompagnement psychologique du couple afin de réhabiliter l’écoute et le temps


La question de l’eugénisme

La question du potentiel eugéniste des pratiques de DPN et de DPI est parfois éludée, ne serait-ce que dans leur énoncé même. C’est la dimension diagnostique qui est valorisée quitte à passer sous silence ce qu’il advient en cas de résultat défavorable : l’interruption de la grossesse ou la sélection embryonnaire c'est-à-dire la décision d’arrêter la vie débutante du fœtus ou des embryons.
En France, la loi est formelle, elle interdit et puni sévèrement toute pratique eugénique :
« Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite. » (L.16-4 du Code Civil)
« Le fait de mettre en œuvre une pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 Euros d'amende. » (L.214-1 du Code Pénal)
Comme démarche individuelle, résultant du choix libre, éclairé et toujours difficile d’un couple confronté à la perspective des souffrances à venir (pour l’enfant s’il venait à naître, pour leur entourage et pour eux-mêmes), DPN ou DPI sont socialement acceptés et encadrés.
Les craintes de dérive eugéniste portent sur le passage possible d’une démarche individuelle à un choix collectif, soit par la somme de démarches individuelles normalisées (par exemple, par la banalisation du recours à l’IMG en cas de diagnostic d’une déficience mentale), soit par l’organisation de dépistage en population (par exemple, par l’extension et la systématisation de l’évaluation du risque de trisomie 21 au cours des grossesses).

Ce qui peut protéger ces pratiques, DPN comme DPI, d’un penchant par trop eugénique c’est :

  • la conscience de chacun, praticien comme citoyen, du potentiel eugéniste que recèlent certaines démarches en génétique
  • l’encadrement juridique : loi de bioéthique régulièrement réévaluée à la suite de débats de société
  • le choix délibéré et assumé (tant sur le plan éducatif que financier) de développer la recherche, les outils thérapeutiques et les structures adaptées pour les personnes souffrant de ces maladies graves et aujourd’hui incurables
  • la volonté de ne pas occulter les questions de fond, questions cruciales pour l’avenir puisqu’elles touchent au rapport entre savoir et pouvoir, au respect de la vie et de la dignité, au regard que nous portons sur l’autre dans sa différence et sa singularité.
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