Dans le domaine du DNN, l’avancée majeure récente correspond à la mise au point de la spectrométrie de masse en tandem (MS/MS), qui fait passer de la situation « 1 test-1 maladie » à « 1 test-30 maladies » (sans compter les variantes). Cette technique est déjà utilisée dans plusieurs pays avec un nombre variable de maladies dépistées, mais intéressant le plus souvent le déficit en MCAD (medium-chain acyl-CoA deshydrogenase), maladie non exceptionnelle (1/17000 à 1/20000 en Europe du Nord), s’exprimant par des crises de décompensation sévères rapidement mortelles, parfois dans un tableau de syndrome de Reye, favorisées par une infection ou un jeûne prolongé. La HAS vient de rendre un avis favorable quant à l’introduction de ce nouveau dépistage après une évaluation socio-économique [5]. De nouvelles évaluations doivent avoir lieu pour d’autres erreurs innées du métabolisme car, à côté de ces avantages, cette nouvelle technologie comporte aussi des aspects négatifs dont l’impact ne peut être mésestimé quand on s’adresse à l’ensemble d’une population : défaut de dépistage des maladies les plus fréquentes du cycle de l’urée ; dépistage de maladies sévères pour lesquelles n’existe aujourd’hui aucun traitement efficace, ou pour lesquelles les prises en charge les plus attentives et les plus lourdes ne mettent pas à l’abri de décompensations brutales souvent mortelles ; dépistage de maladies métaboliques « bénignes ».
La MS/MS permet aussi de doser des enzymes lysosomales de maladies de surcharge à partir des gouttes de sang séché du papier buvard. Certaines de ces maladies (Fabry, Gaucher, Hürler, Krabbe, Niemann-Pick A et B, Pompe) peuvent maintenant bénéficier de nouveaux traitements, certes très onéreux mais qui amélioreraient le pronostic et pourraient ainsi bénéficier d’une prise en charge précoce [6].
Tout ceci montre que la méthodologie MS/MS éloigne des critères de Wilson, qui limitent le dépistage aux maladies bien connues, d’évolution sévère, accessibles à un traitement efficace prévenant cette évolution et ayant une fréquence suffisante pour justifier l’effort financier nécessaire [6].
Dans tous les cas, l’extension du DNN à d’autres maladies doit obligatoirement être accompagnée d’une information claire, précise, compréhensible et approuvée non seulement par des professionnels de la santé, des éthiciens, des économistes, des associations de malades, mais aussi de la population générale. Il faut aussi s’assurer que la prise en charge de maladies aussi rares et spécifiques soit assurée par des spécialistes en nombre suffisant.
Par ailleurs, d’autres dépistages sont réalisés et en voie de généralisation pour des affections fréquentes, sans utiliser une méthodologie biologique, tel le DNN de la surdité [7]. Ce dépistage, à l’initiative des ORL, est motivé par la forte incidence de cette anomalie (environ 1‰) et par la possibilité d’une prise en charge précoce permettant à l’enfant de garder un développement quasiment normal. Outre le fait qu’il ne s’agit pas d’un dépistage biologique, il se différencie des autres DNN par le fait que le résultat est donné dès la maternité lors de la réalisation du test par oto-émissions acoustiques ou potentiels évoqués automatisés.
Le bien fondé de la démarche de prévention infantile des maladies graves par le DNN systématique a largement été démontrée depuis sa mise en place depuis 40 ans. Il est possible que dans un avenir proche, d’autres maladies pourront avoir accès à ce dépistage, mais il faudra rester vigilant quant à leur pertinence.
Faut-il : faire tout ce qui est faisable ? Faire ce qui est demandé par le patient ? Faire même ce qui est très coûteux ? Faire sans réellement informer ? Faire sans véritable bénéfice pour l’individu ? Au maximaliste qui dirait : "dépistons tout ce qui est dépistable", le sage répondra : "ne dépistons que ce qui est utile et en fonction de nos capacités médicales et financières". N'oublions pas que le seul objectif du DNN est d'apporter un bénéfice direct et immédiat au bébé malade. Cette éthique prévaut sur toutes les polémiques possibles. Le programme de DNN peut s'élargir à de nouvelles maladies à condition qu'on puisse les traiter et permettre ainsi aux enfants de vivre normalement.