L’histoire du dépistage néonatal (DNN) systématique, à partir de taches de sang séché sur papier buvard, remonte à 1963 avec la mise au point du test permettant de dépister la phénylcétonurie (PCU), « le test de Guthrie », réalisé à trois jours de vie. Ce test permet de doser la phénylalanine (PHE) dans le sang et donc son élévation, toxique pour le développement cérébral de l’enfant. La PCU, maladie héréditaire, de transmission autosomique récessive, devenait ainsi la première arriération mentale évitable grâce à l’établissement précoce d’un régime spécifique pauvre en PHE à un stade pré-symptomatique, permettant à des enfants de rester normaux. Le concept de DNN au moyen de gouttes de sang était né.

Le dépistage néonatal (DNN) a donc été introduit en France il y a plus de 40 ans à la suite de la découverte de Guthrie et depuis d’autres dépistages sur ce papier buvard dit de « Guthrie » ont pu être mis en place progressivement dans la plupart des pays développés.

Le DNN consiste donc à identifier parmi tous les nouveau-nés ceux qui sont susceptibles d'être atteints d'une maladie qui, bénéficiant d'un diagnostic précoce, auront accès à un traitement efficace pouvant modifier le cours de l’évolution de leur maladie avant que n’apparaissent des lésions irréversibles.

1  -  Les critères d’un DNN


Les programmes de DNN sont variables selon les pays mais la France a constamment visé 3 objectifs :

  • « l’égalité », avec un accès identique de tous les nouveau-nés aux tests de dépistage et à la prise en charge thérapeutique : Métropole, Collectivités d’Outre-Mer (COM), Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM) et Pays d’Outre-Mer (POM ex-TOM) (Polynésie, Nouvelle-Calédonie).
  • « l’efficacité », avec la recherche d’une sensibilité et d’une spécificité maximales limitant les possibilités de faux négatifs (enfants malades non dépistés) et de faux positifs (enfants dépistés mais non malades) ;

et

  • surtout « l’utilité », avec en priorité le bénéfice direct pour l’individu malade. Autrement dit, le programme ne vise que des affections dont le diagnostic précoce engendre une amélioration directe de la qualité de vie du malade. En cela, le programme français est en adéquation avec les critères de dépistage en population générale, dits critères de Wilson et Jungner, édités par l’OMS en 1968 [1] :


1. la maladie doit être un problème important de santé ;
2. on doit disposer d’un traitement ;
3. il faut organiser le diagnostic et le traitement des malades ;
4. la maladie doit être reconnue à un stade pré-symptomatique ;
5. la confirmation du dépistage par des méthodes de certitude est obligatoire ;
6. le test doit être accepté par la population ;
7. l’histoire naturelle (évolution) de la maladie doit être comprise ;
8. le protocole de traitement doit être défini ;
9. le rapport économique coût/bénéfice doit être apprécié ;
10. la pérennité du programme doit être assurée.

Plusieurs conférences de consensus ont repris ultérieurement ces différents critères mais sans en modifier les principes fondamentaux originels ; ont ainsi été précisés l’exhaustivité, la nécessité d’une information suffisante des familles, une confidentialité des résultats individuels, une prévalence suffisante de la maladie dépistée, un recueil simple de l’échantillon biologique nécessaire (test simple et reproductible), et toujours en insistant sur le fait que tout dépistage devait apporter un réel bénéfice pour le nouveau-né lui-même [2]. Bien que le consentement parental explicite ne soit pas nécessaire pour le dépistage des nouveau-nés effectué dans le cadre d’une action de santé publique, les différents programmes mis en place soulignent toutefois la nécessité d’éduquer le public et d’avoir en place un système qui informe adéquatement les parents sur leur choix de ne pas participer au programme de DNN et des conséquences possibles qui sont associées à cette option. En France, c’est pratiquement 100 % des nouveau-nés qui bénéficient d’un tel dépistage, alors qu’en fait celui-ci n’est pas obligatoire pour les familles, mais les professionnels ont l’obligation de le proposer [3].

Cependant, des entorses relatives à ces critères de DNN sont apparues du fait des progrès technologiques (biologie moléculaire, spectrométrie de masse), des acquisitions médicales (par exemple, amélioration de la prise en charge des enfants atteints de mucoviscidose), voire de la demande des populations. De ce fait, la liste des maladies pouvant être dès maintenant dépistées en période néonatale devient techniquement très importante et doit être sans cesse mise à jour. Chaque nouveau dépistage doit faire l’objet d’une évaluation scientifique et médico-économique, notamment par la Haute Autorité de Santé (HAS), avant d’être validé par l’Agence de Biomédecine et décidé en dernier ressort par le Ministre de la Santé.

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