2  -  Découverte de l'adénome hypophysaire devant un syndrome d'hypersécrétion

2 . 1  -  Hyperprolactinémie

L’hyperprolactinémie est une pathologie fréquente (1 à 1,5 % des adultes). La découverte d’une hyperprolactinémie fait chercher (et parfois trouver) un adénome hypophysaire (qu’il s’agisse d’un adénome à prolactine ou qu’il s’agisse d’un adénome d’une autre nature, responsable d’une hyperprolactinémie dite de déconnexion). Mais n’oublions pas que, dans la majorité des cas, l’hyperprolactinémie est d’origine médicamenteuse.

2 . 1 . 1  -  Signes amenant à chercher une hyperprolactinémie

2 . 1 . 1 . 1  -  Chez la femme

Galactorrhée

La galactorrhée est spontanée ou plus souvent uniquement provoquée (dans 80 % des cas). Elle n’est significative que si elle est faite de liquide lactescent et qu’elle survient à distance du post-partum. La découverte d’une galactorrhée n’est pas synonyme d’hyperprolactinémie : la grande majorité des femmes consultant pour une galactorrhée ont même une prolactinémie normale. Toutefois, toute galactorrhée impose un dosage de PRL (10 % des femmes hyperprolactinémiques ont une galactorrhée isolée sans troubles des règles).

Perturbations du cycle menstruel ou infertilité

L’aménorrhée est le signe le plus fréquent : plus de 90 % des femmes ayant une hyperprolactinémie ont une absence totale de règles (aménorrhée) ou une oligoménorrhée (moins de 4 cycles par an) et, dans la moitié des cas, des irrégularités menstruelles ou un allongement progressif des cycles (spanioménorrhée) avaient été notés dans les mois ou les années précédents.

L’hyperprolactinémie, en inhibant de façon plus ou moins complète la sécrétion pulsatile de GnRH hypothalamique et, par voie de conséquence, la sécrétion de LH et de FSH, perturbe l’ovulation et le développement du corps jaune. Il existe souvent une baisse de la libido et parfois une dyspareunie liée à la sécheresse vaginale qui indique un effondrement de l’estradiol.

Parfois, les règles sont bien régulières et le tableau clinique se limite à une anovulation (5 % des cas environ) avec une courbe de température plate, une absence de sécrétion de progestérone et une infertilité (20 % des infertilités d’origine hormonale sont liées à une pathologie de la PRL). Tout trouble des règles, à type d’aménorrhée ou d’oligoaménorrhée, toute infertilité justifient donc un dosage plasmatique de la PRL (voir aussi items aménorrhée et infertilité).

2 . 1 . 1 . 2  -  Chez l'homme

L’hyperprolactinémie peut provoquer une galactorrhée ou une gynécomastie (rare). Plus fréquemment, elle est à l’origine de troubles sexuels : baisse de la libido, voire troubles de l’érection. En fait, ces signes sont souvent négligés par le patient ou son médecin et, si c’est une tumeur volumineuse qui est à l’origine de l’hyperprolactinémie, c’est plus souvent un syndrome tumoral (troubles visuels par compression du chiasma optique, céphalées, etc.) ou encore un panhypopituitarisme qui amènent à suspecter le diagnostic. Quoi qu’il en soit, l’exploration d’un hypogonadisme chez l’homme impose un dosage de PRL (+++).

2 . 1 . 1 . 3  -  Dans les deux sexes

À long terme, la persistance d’une hyperprolactinémie, du fait des conséquences de l’hypogonadisme, est responsable d’une déminéralisation osseuse et d’un risque d’ostéoporose.

2 . 1 . 2  -  Stratégie diagnostique devant une hyperprolactinémie

L’hyperprolactinémie, lorsqu’elle dépasse 20 ng/mL chez l’homme comme chez la femme, impose une stratégie diagnostique assez stéréotypée, résumée dans la figure 12.3.

Fig. 12.3. Schéma de la stratégie diagnostique face à une hyperprolactinémie

2 . 1 . 2 . 1  -  1ère étape : vérifier la réalité de l'hyperprolactinémie

Un contrôle de la prolactinémie dans un laboratoire d’hormonologie spécialisé est indispensable. En effet, des fausses hyperprolactinémies sont souvent observées, liées aux kits de dosage utilisés dans certains laboratoires non spécialisés.

Parfois, alors même qu’il n’existe aucun symptôme en rapport avec une hyperprolactinémie, le dosage de PRL (réalisé de façon « systématique ») trouve une valeur élevée, en rapport avec une « macroprolactinémie », c’est-à-dire des agrégats de PRL perturbant le dosage et donnant ce résultat de fausse hyperprolactinémie. La chromatographie de la PRL, en séparant la PRL monomérique de la PRL présente sous forme polymérique (agrégats de PRL par des immunoglobulines), permet de corriger l’erreur de dosage (on ne doit tenir compte que de la PRL monomérique).

2 . 1 . 2 . 2  -  2ème étape : éliminer les hyperprolactinémies non hypothalamiques liées à une lésion hypohysaire

Au niveau de cette étape il s’agit, après confirmation de l’hyperprolactinémie, d’écarter les hyperprolactinémies de cause générale et d’origine médicamenteuse.

La grossesse (marqueur bhCG), l’hypothyroïdie périphérique (marqueur TSH, cause classique mais très rare d’hyperprolactinémie) et l’insuffisance rénale chronique sont facilement écartées.

Un interrogatoire soigneux doit permettre enfin de s’assurer de l’absence de prise médicamenteuse susceptible d’élever la prolactinémie (tableau 12.I). L’hyperprolactinémie peut dépasser 200, voire 350 ng/mL, en particulier chez les patients traités par des neuroleptiques retard.

Tableau 12.I.Principales causes médicamenteuses d’hyperprolactinémie
   Neuroleptiques (phénothiazines, halopéridol, sulpiride) 

   Antidépresseurs (tricycliques et IMAO)

   Métoclopramide, dompéridone

   Estrogènes

   Morphiniques

   Vérapamil

   Méthyldopa

2 . 1 . 2 . 3  -  3ème étape : trouver la lésion hypothalamo-hypophysaire responsable

Lorsque les causes médicamenteuses ou générales sont éliminées, il faut envisager la possibilité d’une tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire. Pour cela, ce n’est pas la classique radiographie du crâne, centrée sur la selle turcique, qui est aujourd’hui abandonnée, mais une imagerie par résonance magnétique (IRM) qui permet de découvrir des lésions tumorales de taille très variable (cf. supra et item 5). Lorsque l’IRM n’est pas disponible ou contre-indiquée, on peut se contenter d’un scanner hypophysaire.

Il peut s’agir d’un microadénome intrasellaire (diamètre < 10 mm) souvent intra-hypophysaire ; la prolactinémie est alors modérément augmentée, entre 30 et 100 ng/mL.

À l’opposé, l’examen neuroradiologique peut révéler une volumineuse tumeur de la région hypophysaire, comprimant parfois le chiasma optique (et imposant alors la réalisation urgente d’un examen du champ visuel et la mesure de l’acuité visuelle). Cette volumineuse tumeur peut correspondre à :

  • un macroadénome à PRL ou macroprolactinome ;
  • ou une tumeur d’une autre origine, non prolactinique (à point de départ hypophysaire ou hypothalamique), associée à une hyperprolactinémie de déconnexion hypothalamo-hypophysaire.


La distinction entre ces deux étiologies est difficile.

En cas de tumeur non prolactinique avec hyperprolactinémie de déconnexion, la prolactinémie est très rarement supérieure à 150-200 ng/mL.

En cas de prolactinome, la PRL est fonction de la masse tumorale (si > 150-200 ng/mL, c’est quasiment obligatoirement un prolactinome, mais si < 150-200 ng/ mL, ce peut être un prolactinome comme une tumeur non prolactinique).

L’évolution de la masse tumorale sous agoniste dopaminergique peut aider à faire la distinction : la lésion diminuera de taille si c’est un prolactinome et restera de taille identique si c’est une tumeur non prolactinique.

L’évaluation des autres fonctions hypophysaires est indispensable en cas de lésion hypophysaire tumorale (cf. infra).

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