4 . 2  -  Cellulites faciales

Les cellulites faciales constituent de loin la première complication des foyers infectieux dentaires et représentent la principale urgence en chirurgie maxillofaciale.
 
Mécanisme
 
Position des dents

La situation des apex dentaires par rapport aux tables osseuses et aux insertions musculoaponévrotiques détermine la localisation des cellulites.
 
Tissu celluleux

Le tissu celluleux est compartimenté en régions par des muscles et des cloisons musculoaponévrotiques. Celles-ci s’insérent sur le maxillaire et la mandibule. Ces espaces, ou loges celluloadipeuses faciales, sont en continuité avec la région submandibulaire puis le reste de la région cervicale ; enfin, les loges cervicales communiquent avec les régions médiastinales. C’est en suivant ces espaces que l’infection se propage.
 
Germes

Ce sont ceux qu'on retrouve habituellement dans la cavité buccale. L’infection est donc polymicrobienne, avec des germes aussi bien aérobies qu’anaérobies. Les germes anaérobies ont la propriété de produire des enzymes protéolytiques et des gaz qui compriment les vaisseaux et dilacèrent les tissus.
 
Voies d’entrée

On distingue trois sortes de voies :

  • la voie ostéopériostée : c’est la principale voie. Les germes qui ont atteint l’apex et le péri-apex traversent l’os et le périoste, gagnent les tissus celluleux buccofaciaux ;
  • la voie lymphatique et veineuse : elle se rencontre dans les formes graves (cellulites diffuses) ;
  • la voie directe : elle se rencontre dans les traumatismes maxillofaciaux avec plaies.

 
Avant le stade de cellulite proprement dite

On peut observer deux stades :

  • une desmodontite aiguë ou desmodontite chronique réchauffée ;
  • un abcès sous-périosté, un abcès sous-muqueux.


Non traitée ou mal traitée, une desmodontite peut donner lieu à un abcès au travers de l’os alvéolaire et aboutir sous le périoste, formant ainsi l’abcès sous-périosté. Lorsque le périoste est traversé, on passe de l’abcès sous-périosté à l’abcès sous-muqueux. Très fréquent chez les enfants (parulie), il s’observe en regard des molaires lactéales mortifiées. Il s’agit d’une tuméfaction tendue, fluctuante, recouverte d’une muqueuse. La douleur est fonction de la distension des tissus mous. Des signes généraux sont possibles, avec fièvre, céphalée, asthénie. La radiographie rétroalvéolaire montre alors une ostéolyse au niveau de l’apex de la dent causale.
 
Formes évolutives des cellulites proprement dites

Cellulites aiguës

Plusieurs stades peuvent être distingués.

  • Premier stade : cellulite séreuse

C'est la forme de début. On retrouve les signes d'une desmodontite ou d'infection apicale avec une tuméfaction douloureuse aux limites imprécises qui comble le sillon et efface les méplats. La peau est tendue, chaude, légèrement érythémateuse ; les mouvements mandibulaires ou linguaux sont gênés à la suite de l'infiltration des tissus par le processus infectieux. Les signes généraux commencent à s'installer (fébricule, céphalées) et, en l'absence de thérapeutique, la cellulite séreuse évolue vers la suppuration.

  • Deuxième stade : cellulite suppurée ou cellulite collectée

La tuméfaction a tendance à se limiter ; la peau devient rouge, tendue, luisante, chaude, la masse adhère au plan osseux. Le palper bidigital met en évidence une fluctuation signant la collection. La douleur est plus importante qu'au stade précédent ; elle est intense, continue, lancinante, à prédominance nocturne, entraînant l'insomnie, entravant l'alimentation, la déglutition et l’élocution. Le trismus, secondaire à la contraction douloureuse des muscles masticateurs, infiltrés, est d'autant plus marqué que la dent causale est postérieure. D'autres signes sont possibles, suivant la localisation et la gravité : dysphagie, haleine fétide avec salivation abondante, insomnie, fièvre à 38–39 °C, asthénie, hébétude, malaise général. Sans traitement, le pus se crée un chemin vers la peau qui s'amincit, se sphacèle, ou vers la muqueuse, faisant ainsi une fistule de taille variable. L'infection peut aussi diffuser aux tissus cellulaires d'une région voisine, vers les muscles (myosites). Le passage à la chronicité est de règle s'il n'y a pas de traitement bien conduit.

  • Troisième stade : cellulite gangreneuse ou cellulite diffusée

Heureusement rare, elle peut faire suite à la cellulite suppurée ou cellulite collectée et est caractérisée par une destruction tissulaire nécrotique. En plus des signes cliniques de la cellulite suppurée, on palpe des crépitations dues à la présence de gaz. La ponction ramène du pus brunâtre et fétide ; la culture retrouve des germes anaérobies.

Cellulites subaiguës et chroniques


Les cellulites subaiguës et chroniques résultent des cellulites suppurées mal traitées. Elles se présentent sous forme d'un nodule d'aspect variable, indolore à la palpation, adhérant à la peau, avec présence d'un cordon induré le reliant à la zone en cause. Dans les formes chroniques, il faut citer la cellulite actinomycosique due à un anaérobie, l’Actinomyces israeli. Le pus qui s’écoule de la fistule contient des grains jaunes.

Formes topographiques des cellulites proprement dites

Cellulites circonscrites

En fonction de la dent causale, le drainage naturel suit les espaces celluleux en regard. Ainsi, par exemple, les incisives centrales supérieures seront responsables de cellulites sous-narinaires, les prémolaires seront responsables de cellulites géniennes.

Cellulites diffuses (cellulites malignes)

Les cellulites sont d'emblée diffuses et il faut les distinguer des cellulites diffusées qui font suite à des cellulites circonscrites.

Il y a prédominance de la flore anaérobie ; les toxines et les gaz ont un rôle important dans la diffusion de l'infection : localement, l'affection est caractérisée par une nécrose rapide et extensive des tissus.

Les cellulites diffuses sont redoutables et de pronostic grave. Sur le plan général, ces cellulites sont caractérisées par un choc infectieux grave. Elles surviennent sur un terrain débilité ou normal. La diffusion de l'infection peut se faire vers le médiastin. Le pronostic vital est engagé.

Quelques formes cliniques de début (initiales) concernent les localisations particulières :

  • l’angine (pseudo-angine) de Ludwig intéresse la région sus-mylohyoïdienne, débute par un empâtement le long de la table interne de la mandibule en regard de la dent causale, puis diffuse d'heure en heure à tout le plancher ;
  • le phlegmon de Lemaitre et Ruppe intéresse la région sous-mylohyoïdienne. Le début est au niveau du plancher sous-mylohyoïdien postérieur ; en quelques heures, la diffusion se fait au côté opposé, à la région sous-mentale, mais aussi vers le médiastin ; les complications sont très rapidement respiratoires.
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