1 . 3  -  Diagnostic étiologique

Ulcération unique

Aphte

  • Aphte isolé commun

L’aphte isolé commun (Fig.5.1) est une ulcération de petite taille, de forme arrondie ou ovalaire, à fond jaune cerné d’un bord rouge régulier, non indurée, douloureuse, évoluant en huit à dix jours.

  • Aphtose idiopathique bénigne

L’aphtose idiopathique bénigne est la forme la plus fréquente : le patient, régulièrement, présente un ou quelques aphtes banals. Il existe souvent une réactivation par certains contacts alimentaires (agrumes, tomate, noix, gruyère).

  • Aphte géant

L’aphte géant (Fig.5.2) est une variante. Sa taille est supérieure à 1 cm, la forme est plus ou moins régulière et ses bords sont quelquefois œdématiés. Il dure souvent plus d’un mois.

  • Aphte creusant

L’aphte creusant (ou nécrotique) a un fond nécrotique et, si le bord est irrégulier, il n’est ni dur ni éversé. La base est œdématiée mais souple. Il dure plus d’un mois et laisse des cicatrices.
Aphte géant et aphte creusant doivent faire rechercher une positivité de la sérologie VIH.


Figure 5.1 : Aphte banal
Figure 5.2 : Aphte géant

Ulcération traumatique

Souvent douloureuse, elle est envisagée sur :

  • l’aspect (contours géographiques, bords réguliers, absence de halo érythémateux, oedème périphérique et sous-jacent, base souple, nécrose jaunâtre) (Fig.5.3) ;
  • la topographie ;
  • l’anamnèse (bord ou crochet de prothèse inadaptée, dent cariée, couronne défectueuse, morsure, hygiène buccodentaire agressive, contact caustique).


Les ulcérations traumatiques ou chimiques doivent guérir en huit à quinze jours après suppression de la cause : en l’absence de guérison, le passage à la chronicité doit faire suspecter un phénomène d’entretien, par complication infectieuse, ou un carcinome.

Il convient d’évoquer une pathomimie devant une ulcération sans étiologie évidente chez un patient en difficulté psychologique. Ce diagnostic sera un diagnostic d’élimination, après contrôle histologique.

Figure 5.3 : Ulcération traumatique

Carcinome épidermoïde

Une ulcération buccale chronique et indolore doit faire évoquer un carcinome épidermoïde ulcéré (Fig. 5.4) : la lésion est de taille et de forme variables, irrégulières, les bords sont surélevés, éversés, durs, le fond est granité ou végétant ou bourgeonnant.

La base est indurée, dépassant l’ulcération.

La lésion saigne au contact.

Elle peut survenir sur un terrain particulier (lésion précancéreuse leucoplasique ou lichen ancien), avec influence de cofacteurs (tabac, alcool, mauvaise hygiène buccodentaire).

Figure 4 : Carcinome épidermoïde lingual

Autres tumeurs ulcérées

Ces ulcérations n’ont pas le caractère typique des carcinomes épidermoïdes, en particulier en ce qui concerne le terrain.
Dans le cas du lymphome malin non hodgkinien, la tumeur est congestive, sans induration. L’ulcération a un aspect inflammatoire.

Dans le cas des tumeurs salivaires, la localisation au palais est très fréquente. Un nodule sous-muqueux, souvent bien circonscrit, est sous jacent à l’ulcération.

Autres ulcérations uniques exceptionnelles

  • Syphilis primaire

Le chancre syphilitique d’inoculation apparaît trois semaines après le contage : c’est une érosion indolore, localisée surtout à la lèvre ou à la langue, propre et bien limitée, à bord régulier avec quelquefois un halo érythémateux. Le fond est plat et lisse, avec un exsudat gris (fourmillant de tréponèmes). L’induration de la base est peu épaisse (dite en "carte de visite").
La présence d’une adénopathie satellite est constante. Le chancre syphilitique est parfois multiple, avec d’autres localisations possibles (génitale ou anale).

La gomme ulcérée du voile du palais, dont les bords sont « à pic » est observée dans la syphilis tertiaire.

  • Tuberculose

L’ulcération buccale tuberculeuse, très douloureuse, siège souvent au niveau de la langue. Le contour est irrégulier, le fond est irrégulier, jaunâtre. Elle est à distinguer de l’aphte géant (absence de halo rouge). La base est empâtée, ferme, mais non dure. Une adénopathie satellite est constante. Les réactions tuberculiniques sont très fortement positives. Les lésions pulmonaires sont souvent évidentes à la radiographie.

  • Lymphoréticulose bénigne d’inoculation (ou maladie des griffes du chat)

Le chancre d’inoculation (griffure) est situé sur la gencive, nécrotique, quelquefois retrouvé en présence d’une volumineuse adénopathie cervicale chronique qui peut en imposer pour une tuberculose. La ponction ramène une goutte de suc ou un pus stériles.

Autres ulcérations infectieuses

Les autres ulcérations infectieuses sont très rares et sont surtout observées chez les malades immunodéprimés : ulcération à cytomégalovirus (CMV) ou histoplasmose.

Ulcérations multiples

Aphtoses multiples

  • Aphtose multiple commune

Les éléments typiques (voir « aphte isolé ») mesurent moins de 1 cm. Il n’y a pas de fièvre, ni d’adénopathie. La durée de chaque élément est de huit  jours, mais l’évolution décalée des aphtes (jusqu’à dix, simultanés ou successifs) prolonge la poussée sur plusieurs semaines.

  • Aphtose miliaire


Les éléments sont typiques mais de petite taille (2 à 5 mm), nombreux (dix à cent éléments). Quelquefois, un ou deux éléments sont plus importants.
L’aspect de l’éruption est très proche de celui de l’herpès buccal (érosions arrondies post-vésiculeuses), mais il n’y a pas de syndrome général, pas de ganglion, et surtout, on ne retrouve aucune lésion péribuccale évocatrice de l’éruption herpétique. En cas de doute, on recherche l’effet cytopathogène d’un frottis du fond d’une ulcération, positif dans l’herpès, négatif dans l’aphtose miliaire.

  • Aphtose géante


Le diagnostic d’aphtes géants repose sur l’aspect d’une lésion typique (ulcération arrondie de plus de 1 cm, régulière, entourée d’un liseré érythémateux, à base souple). Le problème posé par les aphtes géants multiples est celui du contexte de survenue :

  • sans particularités (périadénite de Sutton) ;
  • par prise médicamenteuse (nicorandil, antirétroviraux) ;
  • par la présence d’une grande aphtose récurrente multipolaire (maladie de Behçet) ;
  • surtout, par la survenue d’une grande aphtose, souvent nécrotique, du sida.


Les localisations au palais doivent être distinguées de la sialométaplasie nécrosante, très rare, ou la notion de vomissements est habituellement retrouvée (anorexie, grand alcoolisme). Un bourrelet périphérique peut aussi évoquer un carcinome.

Le caractère bipolaire d’une aphtose (orogénitale) impose de rechercher des éléments suggestifs d’une maladie de Behçet (aphtes plus graves, pseudofolliculites cutanées, hypersensibilité aux points d’injection, uvéite antérieure, atteinte neurologique ou articulaire, phlébite superficielle, terrain génétique HLA B5).

Lichen buccal

Le lichen buccal atteint de façon prépondérante les femmes et peut se localiser au niveau de la muqueuse buccale comme au niveau de la peau. Le mécanisme de son apparition n’est pas connu mais il pourrait s’agir d’une réaction inflammatoire de l’organisme contre la muqueuse buccale déclenchée par différents stimuli.

Généralement non douloureux, il peut se révéler par une sensation de brûlure ou de goût métallique dans la bouche. Il prend, le plus souvent, un aspect de stries blanchâtres entrelacées, localisées au niveau de la face interne des joues. Au niveau lingual, il se présente plus volontiers sous la forme de plaques kératosiques. Des érosions douloureuses peuvent apparaître lors des poussées.

L’aspect de ce lichen est toutefois très variable : il peut s’agir en effet d’une zone rouge érodée, d’une zone fibreuse, atrophique ou encore pigmentée et même d’une vésicule.

Le diagnostic est assuré, en dehors des formes blanches réticulées typiques, par une biopsie.

Certaines formes sont susceptibles de dégénérer en carcinome épidermoïde, ce qui implique la mise en place d’une surveillance semestrielle.

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