Ulcérations virales (post-vésiculeuses) – Item 84

  • Herpès


Il s’agit de la cause virale la plus fréquente : l’érosion est polycyclique et succède à un bouquet de vésicules sur une base érythémateuse. L’évolution est suintante et douloureuse, parfois croûteuse ou aphtoïde, accompagnée parfois d’adénopathies satellites et d’une fébricule.

La forme majeure de gingivostomatite fébrile érosive est caricaturale d’une primo-infection herpétique.

La forme récurrente d’érosions récidivant au même site, en particulier sur la lèvre, sous l’effet de facteurs déclencheurs (épisodes d’affections fébriles, exposition solaire, stress, menstruation) est une évidence diagnostique. Les récurrences herpétiques sont rarement strictement muqueuses ; elles surviennent plus souvent sur le vermillon des lèvres et autour. En cas de doute, le diagnostic est assuré formellement par la recherche du virus en culture (résultat en 24 à 48 heures), qui permet de préciser la souche en cause, HSV-1 (herpes simplex virus) étant plutôt impliqué dans les lésions buccales et HSV-2 dans les lésions génitales. Le sérodiagnostic (IgM) n’a d’intérêt que pour la primo-infection.

  • Autres infections virales


Les autres infections virales peuvent induire des érosions ou des ulcérations buccales qui ne sont en général pas au premier plan :

  • varicelle et zona : les lésions sont similaires à celles de l’herpès, mais plus étendues, endojugales, d’évolution aphtoïde pour la varicelle, ou avec regroupement lésionnel sur le territoire muqueux des nerfs V (trigéminé), VII (facial) ou IX (glosso-pharyngien) en accompagnement d’un zona cutané ;
  • ulcérations buccales liées aux virus coxsackie : herpangine, syndrome main-pied-bouche ;
  • toutes les infections virales peuvent s’accompagner de lésions ulcérées des muqueuses.


Ulcérations post-bulleuses

Toute lésion érosive persistante ou récidivante peut être la conséquence d’une nécrose épithéliale intervenant dans le cadre d’une toxidermie, d’un érythème polymorphe ou d’une maladie bulleuse auto-immune.

Les lésions sont volontiers recouvertes de lambeaux persistants du toit des bulles, formant des pseudomembranes nécrotiques ou des croûtes sur les lèvres.

  • Erythème polymorphe et le syndrome de Stevens-Johnson


Ces dermatoses aiguës érythémato-bulleuses (Fig. 5.5), parfois récidivantes, peuvent être de localisation muqueuse prédominante. Les lésions muqueuses sont douloureuses, de siège diffus dans la cavité buccale, avec prédominance de l’atteinte labiale. Le diagnostic clinique est évident en présence des lésions cutanées caractéristiques, en cocarde (au niveau des paumes de mains en particulier). En cas d’atteinte muqueuse grave, la cause est surtout médicamenteuse : toxidermie aux sulfamides, anti-inflammatoires non stéroïdiens, antibiotiques, barbituriques.

Dans le syndrome de Stevens-Johnson, les croûtes labiales et cutanées sont hémorragiques. L’atteinte oculaire peut entraîner la cécité ; l’atteinte pulmonaire ou rénale est mortelle dans 10% des cas.

Figure 5.5 : Érythème polymorphe
  • Maladies bulleuses auto-immunes


Les lésions muqueuses peuvent être le mode de début plus ou moins étendu (érosion isolée ou stomatite érosive) d’une maladie bulleuse cutanéomuqueuse auto-immune dont le diagnostic repose sur la clinique, la biopsie et la recherche d’anticorps.

La plus fréquente des causes est le pemphigus, maladie cutanéomuqueuse à bulles flasques par clivage interkératinocytaire (ou acantholyse).

Dans la pemphigoïde cicatricielle, les lésions siègent essentiellement sur la gencive, évoquant une gingivite desquamative, quelquefois une gingivite ulcéronécrotique. Les érosions suivies d’atrophie confèrent une rougeur diffuse à la muqueuse avec, quelquefois, de petites bulles encore intactes et des cicatrices au niveau des muqueuses libres. L’atteinte oculaire doit être recherchée. L’immunofluorescence directe signe le diagnostic sur une biopsie de muqueuse non ulcérée (bande d’anticorps au niveau de la lame basale).

Autres causes peu fréquentes

  • Des stomatites érosives surviennent au cours d’hémopathies à la suite d’agranulocytoses (stomatite avec pseudomembranes) ou de chimiothérapies (Adriamycine®, Méthotrexate®).
  • La maladie de Crohn peut s’exprimer par des ulcérations inflammatoires aphtoïdes, buccales ou péri-anales. En l’absence de manifestation digestive, seule l’histologie permet d’orienter le diagnostic avec le constat de granulomes épithélioïdes non caséeux.
  • Les gingivites ulcéronécrotiques à germes banals sont surtout observées chez les immunodéprimés. Elles commencent par l’amputation nécrotique d’une languette interdentaire. Puis elles s’étendent horizontalement à toute l’arcade, en hauteur à toute la gencive attachée, en profondeur à l’os sous-jacent dénudé, puis nécrosé. La gingivite ulcéronécrotique doit être distinguée des aphtes nécrotiques ou ulcères nécrotiques gingivaux observés dans le sida, ainsi que des lésions gingivales de l’histiocytose langerhansienne (histiocytose X) qui procèdent de l’atteinte osseuse en premier lieu (granulome éosinophile).


Conclusion
En pratique, devant une érosion ou une ulcération muqueuse, ce sont l’anamnèse et l’analyse précise de la lésion élémentaire et de sa topographie, en prenant en considération le profil évolutif, qui donneront des orientations diagnostiques distinctes (Fig.5.6).

Une ulcération chronique est toujours suspecte d’une nature carcinomateuse et impose toujours une biopsie. Une ulcération orale aiguë est aussi bien suggestive d’une cause extrinsèque traumatique ou chimique que d’une origine virale ou médicamenteuse.

Compte tenu des remaniements infectieux ou inflammatoires qui ne manquent pas de survenir sur les muqueuses, il faut une grande précision dans la démarche diagnostique pour dégager l’essentiel de l’anamnèse et de la sémiologie, en faisant préciser plus particulièrement l’aspect lésionnel initial de la lésion.


Ulcérations et érosions buccales


  • Lésion unique
    • Aphte, commun, géant, creusant
    • Ulcération traumatique
    • Carcinome épidermoïde
    • Autres tumeurs malignes : lymphome malin non hodgkinien, tumeurs salivaires
    • Syphilis primaire, tertiaire
    • Tuberculose
    • Maladie des griffes du chat
    • Infection à CMV
    • Histoplasmose
  • Lésions multiples
    • Aphtose multiple, commune, miliaire, géante, multipolaire
    • Lichen plan buccal érosif
    • Ulcérations post-vésiculeuses : herpès, varicelle, zona
    • Virus coxsackies (herpangine, syndrome pied-main-bouche), primo-infection par le VIH
    • Ulcérations post-bulleuses : érythème polymorphe, Stevens-Johnson, maladies bulleuses auto-immunes (pemphigus, pemphigoïde cicatricielle)
    • Autres causes plus rares : agranulocytoses (hémopathies, chimiothérapies), Syndrome de Zinsser-Engman-Cole, maladie de Crohn, gingivite ulcéronécrotique
Figure 5.6. Conduite à tenir devant une ulcération de la muqueuse buccopharyngée
ATB, antibiothérapie ; NFS, numération-formule sanguine ; IF, immunofluorescence ; LMNH, lymphome malin non hodgkinien.
3/5