Comment apprendre aux élèves à s'auto-réguler : quelles aides, quels outils ?
Différentes modalités pour s'informer sur sa propre action
Tout comme pour l'enseignant qui observe les élèves pour s'informer sur leur action, les élèves de leur côté peuvent recourir à différentes modalités pour contrôler et auto-réguler leur action. Ils peuvent ainsi adopter une modalité instrumentée ou intuitive, rigoureuse ou superficielle, délibérée ou fortuite, quantitative ou qualitative, longue ou brève, ponctuelle ou systématique, individuelle ou collective...
Instrumenter l'observation des élèves pour faciliter leur auto-évaluation
Même si l'évaluation intuitive ou spontanée fait partie de tout acte d'apprentissage et d'enseignement, cette forme d'évaluation a ses limites : comme elle repose sur l'intuition, sur des impressions subjectives, elle peut nuire à un jugement objectif. Une évaluation instrumentée et instituée devient alors nécessaire pour que les élèves puissent réaliser une auto-évaluation davantage fiable et objective.
Parmi les outils possibles pour instrumenter l'observation et l'auto-régulation des élèves, des critères ou indicateurs sont alors nécessaires. Ils peuvent être soit donnés par l'enseignant, soit élaborés par les élèves eux-mêmes, et ils remplissent plusieurs fonctions :
- ils aident l'élève à sélectionner son attention, à repérer une information précise, à prendre position et décider lui-même de ce qu'il doit modifier dans son action ;
- ils l'aident à connaître ses difficultés et à visualiser ses progrès ;
- ils participent à développer chez lui l'autonomie et l'initiative comme méthode pour apprendre à apprendre ;
- ils stimulent l'échange et la confrontation de jugements évaluatifs entre les élèves ;
- ils facilitent la compréhension mutuelle de ce qu'il y a à apprendre entre l'élève et l'enseignant.
Des observables pour lire/interpréter l'action des élèves et apporter de l'aide : lesquels ?
Apprendre aux élèves à s'auto-réguler consiste pour l'enseignant à construire – ou faire construire par les élèves eux-mêmes - un système d'observation, d'interprétation et d'action régulatrice. Le choix de critères ou d'indicateurs explicites, suppose pour l'enseignant de s'appuyer sur un cadre de référence qui permette de lire et d'interpréter les productions des élèves en situation d'apprentissage et qui aide l'élève à progresser.
Ainsi, comme le soulignait Perrenoud (1991), ce qui compte le plus, dans l'observation, c'est moins son instrumentation que les cadres théoriques qui la guident et gouvernent l'interprétation des observables. Sur quoi faut-il alors orienter l'observation ?
La littérature fait état de deux façons d'instrumenter l'observation et l'auto-évaluation :
- des indicateurs sur le produit observable ou résultat de l'apprentissage : les repères proposés pour s'auto-évaluer sont des « indicateurs observables », de nature comportementale. Ils renvoient à des traces directement identifiables, par un regard extérieur ou médié par une interface type vidéo, de l'activité d'apprentissage. Cette forme d'auto-évaluation critériée, proposée par l'enseignant d'EPS, repose sur un modèle du comportement moteur ;
- des indicateurs sur les conditions et processus d'apprentissage : les repères proposés pour s'auto-évaluer sont des indicateurs portant soit, sur les conditions environnementales (comme le matériel, les formes de travail...), soit sur les processus sous-jacents aux comportements observables (comme les sensations, les ressentis émotionnels, les connaissances). Ces repères portent sur des dimensions non directement observables de l'apprentissage et représentent le principal levier pour apprendre.
Pour les défenseurs de l'auto-évaluation comme aide à l'apprentissage, et pas seulement comme aide à l'action, il convient de centrer davantage l'observation et l'évaluation des élèves sur les processus et conditions d'apprentissage plutôt que sur les résultats (Cardinet, 1986a, 1986b ; Perrenoud, 1991).
L'observation par les pairs et la co-évaluation
La question de la facilitation des apprentissages par la médiation d'autrui en EPS a été particulièrement étudiée dans le cadre des approches socio-constructivistes et psychosociales (Byra, 2006; Darnis, 2010, pour une revue), mais aussi du courant intitulé « Sport Education » (e.g., Kirk & Kinchin, 2003) et des approches situées de l'apprentissage (Saury, Adé, Gal-Petitfaux, Huet, Sève & Trohel, 2013). Ces travaux ont décrit différentes modalités d'interaction sociale entre les élèves pouvant favoriser l'apprentissage (e.g., tutorat entre pairs, coopération, imitation, confrontation interindividuelle). Ils défendent l'idée d'une « auto-socio-construction des savoirs » : l'interaction sociale est une ressource majeure pour s'auto-évaluer, construire des connaissances et progresser.
Dans les situations favorisant un travail par groupes ou par équipes en EPS, différentes stratégies d'autorégulation sont utilisées par les élèves :
- des stratégies d'autorégulation instituées par l'enseignant, qui consistent à mettre en place des dispositifs collectifs et coopératifs impliquant les élèves dans des démarches de co-observation, co-évaluation, échanges et restitutions collectives, et développant la capacité des élèves à se guider mutuellement et à s'auto-évaluer grâce au feedback d'un pair.
- des stratégies d'autorégulation spontanément utilisées par des élèves, mais non prescrites par l'enseignant. Elles traduisent la capacité des élèves à exploiter à chaque instant de multiples éléments du contexte de la classe, notamment les pairs, comme des ressources pour apprendre.
Vidéo d'entretien avec l'enseignant : "L'usage des données relevées par les élèves " (Yoann)