La goutte résulte d’une hyperuricémie chronique supérieure à 420 µmol/l (70 mg/l), seuil de saturation du plasma en urate de sodium. Au pH neutre des tissus, l’équilibre entre l’acide urique et son sel est déplacé vers l’urate de sodium, dont les dépôts cristallins se forment très lentement et sont à l’origine des tophus et des arthropathies. Dans les urines, le pH peut être acide inférieur à 6), ce qui, en cas d’hyperuricurie, permet la formation de lithiases, faites d’acide urique, qui cristallise très vite. La goutte est le rhumatisme inflammatoire le plus fréquent dans nos pays industrialisés (prévalence supérieure à 1 %), en particulier chez l’homme adulte.
Les cristaux d’UMS sont responsables d’accès articulaires aigus — la goutte aiguë — et, avec le temps, de la constitution de dépôts tissulaires d’UMS (intraarticulaires, périarticulaires, osseux, cutanés) — les tophus goutteux. Les arthropathies chroniques sont la conséquence des tophus intra-articulaires et osseux. La goutte peut donner lieu aux manifestations suivantes :
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accès goutteux : ils débutent habituellement au membre inférieur, en particulier au pied (articulation métatarsophalangienne du gros orteil, cheville, puis genou). Après plusieurs années, ils peuvent toucher les membres supérieurs. La goutte touche exceptionnellement le rachis, la hanche, l’épaule. Des polyarthrites goutteuses sont possibles. À ce stade d’accès aigus, les articulations sont normales entre les crises ;
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arthropathies chroniques : si la goutte n’est pas traitée, il pourra apparaître des arthropathies chroniques, avec douleurs mécaniques chroniques, particulières par la présence de dépôts uratiques visibles sous la peau, les tophus (photo 17 dans le cahier couleur). Les tophus se localisent autour des articulations atteintes, mais aussi dans des sites électifs : pavillon de l’oreille, coudes (bursite olécrânienne), tendons d’Achille, articulations interphalangiennes distales arthrosiques ou pulpe digitale chez les sujets sous diurétiques ;
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manifestations rénales : lithiase urique radiotransparente, à l’origine de crises de colique néphrétique chez des sujets hyperexcréteurs. Elles sont favorisées par un pH urinaire bas, une uricurie des vingt-quatre heures élevée et un faible volume urinaire, augmentant la concentration d’acide urique. Une précipitation d’acide urique dans les structures rénales est possible en cas de lyse cellulaire massive au cours de chimiothérapie et peut conduire à une anurie calculeuse. La néphropathie uratique est devenue rare ; observée dans les gouttes sévères et négligées, elle est source d’insuffisance rénale chronique aggravée par les
AINS.
Le diagnostic de la goutte repose sur :
– le terrain (homme de plus de trente-cinq ans, femme ménopausée, traitement par diurétiques au long cours, transplantés d’organe, excès de boissons alcoolisées dont la bière avec ou sans alcool, alimentation trop calorique et riche en protéines animales) ;
– l’anamnèse (accès antérieurs, antécédents de lithiase urique, antécédents familiaux) ;
– les caractéristiques des accès (début brutal, intensité de l’inflammation et des douleurs, localisation à la métatarsophalangienne du gros orteil) ;
– leur sensibilité rapide à la colchicine ;
– la présence de tophus ;
– la mise en évidence de microcristaux d’UMS dans le liquide articulaire : c’est l’examen le plus contributif au diagnostic ;
– l’uricémie, qui est le plus souvent trouvée supérieure à 420 µmol/l mais qui peut être normale lors des accès (il faut répéter le dosage à distance) ou, à l’inverse, qui peut être trouvée élevée alors que le patient ne souffre pas de goutte : l’hyperuricémie asymptomatique est fréquente ;
– la radiographie, qui ne montre que très tardivement l’aspect d’arthropathie uratique, faite de géodes ou d’encoches épiphysaires, avec conservation prolongée de l’interligne et ostéophytose marginale (figure 31.1).