4 . 2  -  Corps étranger trachéobronchique


Les symptômes et l’évolution sont différents. Certes, la symptomatologie initiale est alarmante, très particulière, stéréotypée, quasi pathognomonique. Mais bien souvent, l’épisode aigu inaugural a été méconnu ou oublié ; le diagnostic peut être difficile, fonction des données de l’anamnèse, de l’examen clinique et de la radiographie. Il faut toujours évoquer la possibilité d’un corps étranger devant une symptomatologie bronchopulmonaire aiguë, récidivante, surtout si elle reste localisée à un même territoire (segment, lobe ou poumon entier).

4 . 2 . 1  -  Diagnostic


Il repose sur la notion d’un syndrome de pénétration. Élément fondamental, donnée de l’interrogatoire, le syndrome de pénétration est un accès de suffocation brutal, inopiné et spontanément résolutif survenant chez un enfant en bonne santé. Il est associé à des quintes de toux violentes, expulsives, angoissantes avec tirage et cornage. Il est en règle générale diurne. Ce syndrome très fugace (quelques minutes) est caractéristique de l’inhalation d’un corps étranger dans les voies aériennes inférieures. Il impose à lui seul un examen endoscopique dans les meilleurs délais.

4 . 2 . 2  -  Évolution


Après ce tableau aigu initial, deux éventualités sont possibles :

  • le corps étranger reste mobile se déplaçant dans la trachée et/ou d’une bronche à l’autre :
    • les signes fonctionnels persistent : épisodes de dyspnée trachéale intermittents, quintes de toux expulsives ou toux spasmodique,
    • l’auscultation pulmonaire est caractéristique si elle révèle le classique bruit de drapeau qui correspond au va-et-vient du corps étranger,
    • le risque d’un corps étranger mobile est double : aggravation brutale lors de la mobilisation de l’enfant ; mort subite en cas d’enclavement laryngé (région sous-glottique) ou trachéal (carène) ;
  • le corps étranger est enclavé dans une bronche :
    • on assiste à une accalmie fonctionnelle totale après le syndrome de pénétration,
    • l’importance et la précocité des signes physiques et radiographiques témoins d’un trouble de ventilation, la tolérance du corps étranger sont alors fonction de son volume, de sa forme et du calibre de la bronche obstruée (bronche souche : retentissement ventilatoire de tout un poumon) (figure 4).
Figure 4 : Corps étranger végétal (cacahuète) dans la bronche souche doite.
Vue endoscopique lors d'une bronchoscopie diagnostique et thérapeutique au tube rigide.

Le tableau clinique est soit celui d’une obstruction bronchique aiguë, soit d’accidents bronchopulmonaires infectieux chroniques ou aigus itératifs.

  • L’examen clinique recherche :
    • une diminution ou abolition du murmure vésiculaire ;
    • des râles bronchiques en foyer systématisé ;
    • une matité.
  • L’examen radiographique montre suivant les cas :
    • un corps étranger radio-opaque ;
    • une atélectasie ;
    • un emphysème obstructif ;
    • un déplacement médiastinal.

Tous ces signes sont très évocateurs ou caractéristiques. Parfois l’examen radiographique classique est normal, il est très utile alors de faire réaliser un cliché comparatif en inspiration et expiration de face pour mettre en évidence le trouble de ventilation (balancement médiastinal) (figure 5).

Figure 5 : Aspects radiologiques possibles en cas de corps étranger bronchiques de l'enfant.
Le corps étranger est ici radio-opaque dans la tranxhée (A) ou dans la bronche souche gauche (B). Le corps étranger est responsable d'un emphysème obstructif : à chaque inspiration, la bronche se dilate et laisse passer l'air, qui ne peut ressortir lors de l'expiration car la bronche se referme sur le corps étranger ; l'air emprisonné est responsable d'une distension thoracique avec hyperclarté du côté pathologique, élargissement des espaces intercostaux, abaissement du diaphragme et refoulement de la silhouette cardiaque du côté sain (C et D).

4 . 2 . 3  -  Complications

  • Précoces à type :
    • de bronchoalvéolite (surtout si le corps étranger est végétal) ;
    • d’œdème réactionnel localisé.
  • Tardives à type de bronchorrhée avec parfois des séquelles bronchiques définitives : sténose bronchique ou bronchectasies

4 . 2 . 4  -  Traitement


Toute notion ou toute suspicion de syndrome de pénétration impose un examen endoscopique.
L’endoscopie trachéobronchique pour extraction d’un corps étranger requiert :

  • une anesthésie générale adaptée (immobilité parfaite donc une collaboration étroite entre anesthésiste et opérateur) ;
  • un matériel d’endoscopie rigide ou souple et une instrumentation d’extraction complets adaptés à tout âge, et la possibilité d’une trachéotomie immédiate (figure 6).
Figure 6 : Bronchoscopes rigides de différents calibres employés chez l’enfant pour l’extraction des corps étrangers trachéobronchiques.

Elle doit donc être réalisée au bloc opératoire. L’opérateur rompu aux techniques d’endoscopie peut ainsi repérer :

  • le siège du corps étranger ;
  • sa nature (végétale ou autre, acérée ou non) ;
  • le nombre de corps étrangers.

Le corps étranger est désenclavé puis extrait avec prudence sous contrôle permanent de la vue. Un contrôle endoscopique est impératif immédiatement après l’extraction. Cette extraction est toujours difficile si elle est tardive ou répétée (corps étrangers multiples) du fait de l’œdème réactionnel et de la suppuration dus au corps étranger.
Le traitement médical après extraction combat :

  • l’œdème local ou pharyngé par les corticoïdes ;
  • la suppuration par antibiothérapie, soit systématique, fonction du type du corps étranger (végétal), soit guidée par le germe mis en évidence dans le prélèvement bronchique ;
  • l’humidification par aérosols.

Les complications de l’extraction sont exceptionnelles :

  • médiastinites ;
  • pneumo-médiastin : surtout par rupture alvéolaire liée à l’hyperpression endobronchique ;
  • l’échec de l’extraction endoscopique est rarissime. Il impose alors le recours à la thoracotomie.

L’éducation des parents reste le meilleur traitement préventif de ce type d’accident : ne rien laisser à portée de main qui puisse pénétrer les voies aériennes, ne pas donner de cacahuètes à un nourrisson ou enfant en bas âge (c’est le corps étranger le plus fréquent).

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