La dépense énergétique est extrêmement variable d’une personne à l’autre. Ceci est un facteur très important à prendre compte dans la définition des besoins énergétiques individuels. En effet, à cause cette variabilité, une prescription calorique généralisée n’a pas de sens. Par exemple, il serait illusoire de prescrire 1 800 kilocalories par jour à tous les patients hospitalisés ; cette valeur pourrait s’avérer insuffisante pour certains patients ou, à l’inverse, excessive pour d’autres.
Il est connu depuis longtemps que la dépense énergétique est proportionnelle au poids. Ainsi, de nombreuses équations ont été établies pour calculer la dépense énergétique de repos à partir du poids. En fait, depuis les travaux de Ravussin, la masse maigre (se rapporter au chapitre « composition corporelle ») détermine la dépense énergétique de façon beaucoup plus précise que le poids. Ceci est vrai tant pour la dépense énergétique des 24 h que pour le métabolisme de base. Malgré cela, la plupart des équations qui permettent de calculer le métabolisme de base ou la dépense énergétique totale sont établies à partir du poids. Il n’y a pas encore d’équation satisfaisante permettant d’estimer le métabolisme de base à partir de la masse maigre.
Dans la dernière version les apports nutritionnels recommandés pour la population française (2001) deux équations sont proposées pour estimer le métabolisme de base à partir du poids. Ces deux équations ont été validées :
Equations de Harris et Benedict :
Femmes MB = 2,741 + 0,0402 P + 0,711 T – 0,0197 A
Hommes MB = 0,276 + 0,0573 P + 2,073 T – 0,0285 A
Equations de Black :
Femmes MB = 0,963 . P0,48 . T 0,50 . A-0,13
Hommes MB = 1,083 . P0,48 .T 0,50 . A-0,13
avec MB en MJ.j-1, P = poids en kg, T = taille en m et A = âge en années
La dépense énergétique totale diminue au cours de l’âge, pour deux raisons. D’une part, le métabolisme de base diminue (environ 2 % tous les 10 ans, a priori à cause de la réduction de la masse maigre associée à l’âge sans qu’il soit possible de déterminer s’il existe un défaut métabolique spécifique du vieillissement). D’autre part, la dépense énergétique liée à l’activité physique est diminuée à cause de la réduction du temps passé en activités physiques. Il semble que le coût énergétique de chaque activité diffère très peu au cours de l’âge, à l’exception de certaines activités comme la marche quand elle s’accompagne de déficits physiques ou de handicaps. Il y a donc une réduction des besoins énergétiques liés à l’âge.
Dans un précédent chapitre, il était montré que la composition corporelle varie avec le sexe. Même après prise en compte de ces différences de composition corporelle, il semble que la femme dépense moins d’énergie (environ 10 %) que l’homme. Il n’y a pas d’explications satisfaisantes à cet état de fait.
La grossesse est une période d’adaptation du métabolisme énergétique. La femme va construire un organisme nouveau et mettre de l’énergie en réserve pour préparer la période d’allaitement. Ceci entraîne des modifications de la composition corporelle (augmentation du volume de certains organes, création de nouveaux organes comme leplacenta, et augmentation de la masse grasse). Étant donné le peu de variations de la consommation alimentaire induites par la grossesse, il doit exister une adaptation des différents postes de la dépense d’énergie.
La dépense énergétique de repos est augmentée en proportion de l’augmentation de la masse corporelle, et de la masse maigre ; c’est la partie la plus coûteuse de la grossesse. L’effet thermique de l’alimentation n’est pas modifié par la grossesse. Pour ce qui est des activités physiques pour lesquelles le poids a peu d’importance (par exemple la pratique de la bicyclette) le coût énergétique n’est pasmodifié jusqu’au troisième trimestre. À la toute fin de la grossesse des modifications de la gestuelle (l’allure de la marche est différente) l’efficacité énergétique s’améliore, et permet de réaliser une certaine économie. L’intensité et la durée de l’activité physique varie énormément en fonction de critères culturels et environnementaux (dans les pays en voie de développement, il n’est parfois pas envisagé qu’il y ait une période de repos avant et après l’accouchement).
On estime les besoins énergétiques supplémentaires associés à la grossesse à environ 260 kilocalories par jour, pendant les trois trimestres. Ceux-ci assurent une prise de poids raisonnable (entre 10 et 12 kg). Le niveau d’activité physique (NAP) évolue au cours de la grossesse puisqu’il passe de 1,8 fois le métabolisme de base avant la gros¬sesse, à 1,5-1,6 à la fin de celle-ci (essentiellement par une augmentation de la dépense énergétique de repos).
L’allaitement représente un coût énergétique supplémentaire à cause de la production du lait, du coût induit par le changement de masse grasse, et de ceux liés à la variation d’activité physique. Le volume de lait produit par jour est remarquablement constant entre les femmes, mais évolue au cours de l’allaitement. La valeur énergétique du lait est d’environ 0,61 kilocalories par g. Il en coûte environ 20 % de kilocalories en plus pour en assurer la synthèse.
La dépense énergétique de repos et l’effet thermique des aliments ne sont pas modifiés au cours de l’allaitement. Il existe une réduction importante de l’activité physique dans les sociétés occidentales, chez les femmes ayant choisi l’allaitement. La prise alimentaire moyenne des femmes au cours de l’allaitement (entre 70 et 380 kilo-calories par jour) ne suffit pas à compenser son coût énergétique (environ 600 kilocalories par jour lors de l’allaitement exclusif). L’allaitement favorise donc la perte de poids après l’accouchement.