2  -  Histoire de la puériculture et de la pédiatrie:

La pédiatrie et la puériculture sont des termes peu anciens : 1872 pour la pédiatrie (médecine qui concerne les enfants) et 1883 pour la puériculture sous la plume du docteur Caron (éducation des enfants). Ce n’est pas pour autant que les pratiques n’ont pas devancé l’apparition des mots.
Depuis l’antiquité on retrouve des recommandations sur l’hygiène, les soins et l’alimentation des nouveau-nés Souvent ces écrits retrouvés sont le fait des personnes qui assistent la naissance.

Dans le monde grec, Hippocrate, Celse et Galien s’intéressent aux enfants. Ils décrivent la spécificité des affections et traitements chez les enfants C’est le début de la spécialisation des médecins en maladies infantiles.

A Rome au début du IIème siècle, Soranos d’Ephèse écrit un ouvrage d’obstétrique «Maladies des femmes».Des chapitres y sont consacrés à la prise en charge du nouveau-né par les sages-femmes: le bain, l’alimentation qui débute par une diète et ensuite le lait d’une nourrice (les croyances relatent le fait que si la mère nourrit l’enfant elle risque de s’affaiblir et de vieillir prématurément !). Les nourrices sont employées depuis l’antiquité grecque dans la classe aristocratique, et cette organisation durera jusqu’à la fin du 19ème siècle au moins.

Puis plus tard, durant le Moyen Age, Rhazès le Perse médecin, alchimiste et philosophe (865-923) est l’auteur d’une multitude de livres et traités incluant la gynécologie, l’obstétrique et la pédiatrie. Ses ouvrages sont un bilan des connaissances médicales du 10ème siècle, avec des inspirations grecques et hindoues. Il fut traduit en latin au 13ème siècle et fut la référence dans de nombreuses spécialités médicales en Europe. De nombreux auteurs durant le Moyen Age dans toute l’Europe (France, Allemagne, Angleterre, Hollande…) se sont intéressés aux enfants en décrivant certaines affections et traitements : Sudhoff, Bagellardo, Mettlinger, de le Boë, Stahl, Harris et d’autres. Toutefois ces études restent dans le domaine de la médecine générale, sans s’intéresser spécifiquement à l’enfant dans sa globalité.

Les progrès en physiopathologie et le développement des techniques chirurgicales ont permis la naissance des différentes spécialités, cependant la pédiatrie ne s’adresse pas à un organe ou un système, ni à une technique particulière mais à un sujet : l’enfant.

Grâce aux philosophes du 17ème et 18ème siècle [Locke (1632-1704) en Angleterre, Rousseau (1712-1778) en France], à l’évolution des découvertes et à un mouvement culturel européen, certains médecins ont pris conscience que l’enfant mérite une attention particulière, un traitement spécifique. Il se doit d’être mieux considéré pour qu’il devienne plus « parfait ». Ces médecins du 18ème siècle tentent d’étudier les enfants, leurs maladies, leur développement. De nombreux ouvrages sur le sujet paraissent dans toute l’Europe à cette époque. Ils abordent également l’éducation, « l’élevage », l’alimentation des enfants. Mais ces ouvrages ne s’adressent qu’à la faible partie lettrée de la société. En parallèle se crée une littérature médicale écrite par des sages-femmes (traité de la sage-femme Marie-Angélique Le Rebours « avis aux mères qui veulent nourrir leur enfant, 1770») ou des mères de famille. Mais dans les campagnes et les petites villes, la situation évolue très lentement, les écrits ont peu d’influence. face aux traditions et coutumes qui perdurent.

A la fin du 18ème siècle et au 19ème siècle alors que la politique de santé donne une place centrale à la famille les médecins accoucheurs pour la plupart se spécialisent également en pédiatrie, A cette époque, la mortalité infantile est très élevée, avec un quart à un tiers des enfants qui meurent la première année.de vie. Cette mortalité varie en Europe d’un pays à l’autre, et d’une région à l’autre, avec le taux le plus bas dans les pays nordiques et surtout en Suède. Pour les Etats il est nécessaire de remédier à ce problème. Les famines, les épidémies des siècles passés ainsi que ainsi la guerre de 1870 ont fait chuter la démographie,. Le développement industriel se poursuivant, il est nécessaire que la population s’accroisse pour assurer la main d’Ĺ“uvre. L’Etat décide d’interférer en créant la « Protection de l’Enfance. » C’est le début de l’intervention des pouvoirs publics dans la sphère privée. La mortalité infantile est plus importante dans les milieux urbains (misère chez les ouvriers des villes, étroitesse des logements, allaitement artificiel), chez les enfants en nourrice et dans les hôpitaux. Le taux de mortalité maternel est également élevé, avec un taux plus élevé dans les hôpitaux qu’à domicile (population très défavorisée, infections puerpérales, surpopulation…).

La situation de la France implique des réformes. La loi de Protection de l’enfance que Dr Théodore Roussel fait voter par le Parlement en 1874 a pour but d’établir une surveillance administrative et médicale de tous les enfants placés en nourrice jusqu’à l’âge de 2 ans. Les enfants de ces nourrices, privés de l’allaitement maternel sont également concernés par cette loi ; Ces mesurent entrainent une diminution de la mortalité infantile dans les départements où la loi est bien appliquée. En 1893 l’assistance médicale gratuite pour les femmes enceintes est instaurée. Afin de protéger les enfants plus grands, la scolarité obligatoire est instaurée en 1874, et le travail des enfants n’est plus admis avant douze ou treize ans en 1892.
Des initiatives privées voient également le jour. En 1874, Madame de Fougeret fonde une « Société de charité maternelle » pour empêcher l’abandon des enfants, assister les mères, distribuer de la layette… Jean Dollfus (Manufacture de Mulhouse) en assurant un salaire pendant 6 semaines après l’accouchement à ses ouvrières abaisse la mortalité infantile de 40 à 25 pour 100. Jean-Baptiste Firmin Marbeau (docteur en droit), fondateur de l’institution des crèches à Paris en 1844, permet aux ouvrières de garder leurs enfants avec elles sans renoncer au travail en leurs procurant le salaire nécessaire pour vivre. On note également un grand nombre de dispensaires pour enfants à Paris et dans les grandes villes. Ils ont pour missions de donner des soins aux enfants malades, d’initier à l’hygiène infantile les classes les plus pauvres des villes.

Le Dr Jean-Baptiste Fonssagrives crée en 1869 un « Livret maternel pour prendre des notes sur la santé des enfants ». Ce carnet de santé, dont différents modèles voient le jour à partir des années 1880, reste un objet privé jusqu’à ce que les pouvoirs publics s’y intéressent. Son utilisation est alors recommandée dans le décret-loi de 1935 mais ne devient obligatoire qu’en 1942.

En même temps que l’intervention de Roussel, tout un groupe de médecins accoucheurs de Paris et de province animent la campagne contre la mortalité infantile : Budin, Pinard (père de la puériculture en France), Marfan, Tarnier (inventeur de la couveuse et du gavage)… Ils prônent le repos en fin de grossesse, des congés les premières semaines après l’accouchement pour les ouvrières (les résultats positifs sont prouvés par les différentes initiatives privées des industriels), l’allaitement maternel, l’éducation sanitaire avec l’hygiène durant les accouchements et lors des soins aux enfants (Semmelweis, Pasteur, Bernard, Behring). Malgré le soutien de l’Etat, cette bataille s’avère très difficile pour tous ces précurseurs compte tenu des résistances importantes quelles que soient les couches sociales.

A la fin du 19ème siècle, grâce aux progrès (médecine, hygiène), les médecins peuvent imposer aux mères des règles de conduite. Mais dans le discours médical il y a peu de place pour l’enfant. L’accent est mis sur l’éducation des mères, leur donner des repères stricts sur la propreté, les pesées régulières, les horaires des tétées et du sommeil. Cette rigueur laisse peu de place à l’affectivité. Il est essentiel que les enfants soient bien portants et bien élevés, soumis à l’autorité paternelle dans la famille, et plus tard à celle de l’employeur dans le monde du travail. C’est en 1872 que le mot « pédiatre » est créé et en 1878 que l’enseignement de la pédiatrie est officialisé en France.

La première partie du 20ème siècle est marquée par le bilan démographique catastrophique suite aux deux guerres mondiales. Malgré une diminution depuis le 19ème siècle, la mortalité infantile reste élevée avec 15 % en 1938 et 22 % en 1945.

Durant la deuxième guerre mondiale et dans la période d’après-guerre apparaissent les théories sur l’hospitalisme et la carence maternelle :les nourrissons placés dans des structures et séparés de leurs mères sont privés de liens d’attachement stables (Spitz 1946). Ces constatations jettent pour quelques temps le discrédit sur les lieux d’accueil de la petite enfance. La psychanalyse fait irruption à partir de ce moment dans la pédiatrie. avec l’apparition de l’affectivité dans les soins prodigués aux enfants Les soins (toilette, repas, sommeil…) deviennent des moments privilégiés, d’échange entre la mère et l’enfant, un moment de plaisir.

Après la deuxième guerre mondiale, les gouvernements s’orientent vers des programmes de réforme de grande envergure. La création de la sécurité sociale et de la Protection Maternelle et Infantile a comme objectif principal la lutte contre la mortalité et la morbidité infantile. La politique de prévention définie par l’État concerne toute la population et vise à protéger les femmes enceintes et les enfants de moins de six ans. Des consultations de suivi de grossesse et de pédiatrie préventive, ainsi que des visites à domicile par des infirmières se mettent en place.

Les découvertes médicales, l’éducation sanitaire, le suivi des grossesses permettent de diminuer la mortalité infantile. Dans les années 50 se développe une sous-partie de la pédiatrie : la médecine néonatale. L’organisation des services de réanimation néonatale en équipements et personnels adaptés permet d’améliorer les conditions de survie d’enfants jadis condamnés. Une meilleure connaissance des mécanismes physiologiques permet de développer les nouvelles méthodes de réanimation.

Dans les années 1970-1920, l’école de puériculture de la faculté de médecine de Paris est créé puis, par décret, le 13 août 1947, le Diplôme d’Etat de Puéricultrices. Il s’adresse aux Assistantes Sociales, Sages-Femmes et Infirmières.

Alors que le taux de natalité a atteint un niveau record en 2010 en France, nous comptons le moins de pédiatres de ville. Actuellement, en 2011, en ce qui concerne les études de pédiatrie, le numérus clausus de 280 ne permet pas de combler la pénurie de pédiatre.

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