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Maladies auto-immunes spécifiques d'organe
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Les endocrinopathies dysimmunitaires
L'origine auto-immune de nombreuses endocrinopathies est connue depuis le milieu du XX° siècle. Certaines ont une forte incidence et l'atteinte auto-immune constitue le facteur essentiel de leur pathogénie. C'est le cas pour les maladies auto-immunes thyroïdiennes (thyroïdite chronique lymphocytaire de Hashimoto, maladie de Basedow) ou du pancréas (diabète de type 1). D'autres sont plus rares et l'élément dysimmunitaire ne constitue qu'une des étiologies, parmi d'autres, de l'atteinte endocrinienne. C'est le cas de certaines insuffisances surrénaliennes primitives ou d'atteintes ovariennes responsables par exemple d'une ménopause précoce. Toutes ces atteintes endocriniennes peuvent rester isolées ou s'intégrer dans le contexte plus vaste des polyendocrinopathies auto-immunes (PEA).
4. 2. 2. 1. 1 - Aspects immunologiques
4. 2. 2. 1. 1. 1 - Rôle des auto-anticorps
Bien que le rôle prépondérant des lymphocytes T soit démontré dans la pathogénie des atteintes glandulaires dans ce type de pathologie, les marqueurs d'auto-immunité sont les auto-anticorps circulants spécifiques d'organe. À l'exception des anticorps anti récepteurs de la TSH, ces auto-anticorps ne sont pas directement impliqués dans le processus pathologique. La genèse proprement dite de la pathologie dysimmunitaire reste inexpliquée bien que certains caractères génétiques (diabète de type 1) ou des infections virales (diabète de type 1, thyroïdite de Hashimoto) puissent être suspectés. La cytotoxicité des auto-anticorps vis-à-vis de la glande n'est pas prouvée.
En bref : les auto-anticorps sont les marqueurs de la pathologie utiles au diagnostic et au suivi des patients mais ne constituent pas l'élément déterminant de la pathologie.
4. 2. 2. 1. 1. 2 - Les auto-anticorps circulants
4. 2. 2. 1. 1. 2. 1 - Ils sont détectés par immunofluorescence indirecte, par ELISA ou par radio-immunologie. Leur sensibilité est de l'ordre de 60 à 90 %. Ce sont pour les principales maladies :
- diabète de type 1 : anticorps anti-cellules d'îlots, anti-glutamate décarboxylase (GAD), anti-phosphatase et anti-insuline.
- thyroïdite : anticorps anti-thyropéroxydase (TPO), anti-thyroglobuline (TG).
- Basedow : anticorps anti-TPO, et anti-TG ; et anticorps thyréostimulants anti-récepteur de la TSH (TRAC).
- insuffisance surrénale : anticorps anti-cellules surrénaliennes et antienzymes de la stéroïdogénèse (anti-21-hydroxylase et anti-20-22 desmolase).
- insuffisance gonadique : anticorps anti-ovaire.
- hypoparathyroïdie : anticorps anti-parathyroïde.
4. 2. 2. 1. 1. 2. 2. - Intérêt de la recherche des auto-anticorps
La recherche systématique des auto-anticorps permet de faire le diagnostic de l'étiologie auto-immune de la pathologie endocrine. Dans le cadre des PEA elle permet, chez les sujets atteints et les apparentés, la détection des atteintes infracliniques, qui se traduiront plus tard par une atteinte biologique puis clinique, et donc d'orienter les paramètres de la surveillance.
Dans les populations à risque, la détection d'auto-anticorps pourra permettre d'envisager des traitements immunomodulateurs à visée préventive, lorsqu'ils auront prouvé leur efficacité, ce qui n'est pas le cas actuellement.
4. 2. 2. 1. 2 - Les principales atteintes endocriniennes
Thyroïde. Il s'agit de la thyroïdite de Hashimoto qui évolue à long terme vers une hypothyroïdie avec goitre hétérogène, du myxœdème primitif par thyroïdite atrophique, et de la maladie de Basedow (hyperthyroïdie avec goitre diffus et exophtalmie).
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Diabète de type 1. Il s'agit du diabète maigre du sujet jeune, insulino-dépendant.
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Insuffisance surrénalienne primitive non tuberculeuse. Elle est rare mais constitue maintenant en France la première cause de l'insuffisance surrénalienne depuis la diminution de la tuberculose.
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Insuffisance gonadique. Elle atteint essentiellement les femmes et se manifeste par une ménopause précoce avec stérilité.
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Diabète insipide central. Les étiologies les plus fréquentes du diabète insipide central acquis de l'adulte sont d'origine organique (tumeurs hypothalamo-hypophysaires). En l'absence d'étiologie tumorale il faut évoquer la possibilité d'une atteinte auto-immune, qui doit être un diagnostic « par défaut », difficile à prouver car la recherche des auto-anticorps anti-posthypophyse est délicate.
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Hypophysite : À prédominance féminine, elle se manifeste chez l'adolescente et la femme adulte par des céphalées frontales et des troubles du cycle menstruel, parfois associés à une galactorrhée. La prolactinémie peut être modérément élevée, ce qui peut conduire à la présomption d'adénome hypophysaire à prolactine. L'image IRM de l'hypophyse est assez caractéristique : hypophyse globalement augmentée de volume, hyperdense et hétérogène, sans image d'adénome individualisable, ce qui conduit à un diagnostic par défaut. Le diagnostic est difficile à prouver compte tenu de l'absence habituelle d'anticorps circulants spécifiques.
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Hypoparathyroïdie. Les hypoparathyroïdies acquises de l'adulte sont rares en dehors des causes iatrogènes (post-chirurgicales). En l'absence d'autre étiologie on peut envisager une origine dysimmunitaire.
Toutes ces endocrinopathies, hormis le cas de la maladie de Basedow, ont en commun une destruction progressivement totale du parenchyme endocrine atteint et se traduisent par un syndrome déficitaire en règle générale facile à substituer. Il n'y a pas à l'heure actuelle de traitement immuno-modulateur susceptible de prévenir, faire régresser ou ralentir la maladie dysimmunitaire.
4. 2. 2. 1. 3 - Les PolyEndocrinopathies Auto-immunes (PEA)
4. 2. 2. 1. 3. 1 - Définition
Les PEA sont définies par l'existence, chez un même individu, d'au moins 2 affections endocriniennes d'origine auto-immune. Elles sont fréquemment associées à d'autres maladies auto-immunes spécifiques d'organe, non endocrines.
4. 2. 2. 1. 3. 2 - Prévalence
Elle est de l'ordre de 10 à 15 % au cours des diabètes de type 1 et des maladies thyroïdiennes auto-immunes, et atteint 50 % au cours des insuffisances surrénales primitives auto-immunes.
4. 2. 2. 1. 3. 3 - Classification
Elle se fait sur des critères cliniques et génétiques qui sont résumés sur les tableaux suivants.
PEA de type 1 :
C'est la forme la plus rare. Elle se caractérise par l'association PEA-candidose-dystrophie ectodermique. Elle peut être sporadique ou familiale avec une transmission autosomique (chromosome 21) récessive. Les manifestations débutent dans l'enfance ; la candidose apparaît vers l'âge de 5 ans, l'hypoparathyroïdie vers l'âge de 10 ans, les autres atteintes, variables, complètent progressivement le tableau jusqu'à l'âge adulte.
PEA de type 2 :
Elle correspond au syndrome de Schmidt. Dans sa forme familiale (50 % des cas) la transmission est polygénique à pénétrance variable et à prédominance féminine, associée aux allèles HLA DR3 et DR4. La maladie se révèle habituellement après 20 ans. Les endocrinopathies les plus fréquemment associées à l'insuffisance surrénale, qui est quasi toujours présente, sont la thyroïdite de Hashimoto, le diabète de type 1 et l'insuffisance gonadique. Les atteintes non endocriniennes les plus fréquemment rencontrées sont le vitiligo, l'anémie de Biermer et un syndrome de malabsorption (maladie cœliaque).
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La maladie cœliaque
C'est une maladie fréquente avec une prévalence en Europe pouvant aller jusqu'à 1/ 200. En France, la maladie cœliaque atteindrait 120 000 à 600 000 sujets. Elle est surtout observée chez l'enfant entre 6 et 12 mois (après l'introduction du gluten alimentaire), mais elle peut aussi être diagnostiquée à tout âge, même après 65 ans. La maladie cœliaque est plus fréquente chez les blancs et chez les femmes.
La maladie cœliaque résulte d'une hypersensibilité à un antigène contenu dans le gluten alimentaire. Le gluten est présent dans les céréales, essentiellement le blé, le seigle, l'avoine et l'orge. C'est la fraction protéique appelée prolamine qui est responsable de la toxicité des céréales. Les prolamines du blé sont les gliadines, celles du seigle sont les sécalines et celles de l'orge les hordéines. Ces protéines sont riches en lysine et en glutamine. Le mécanisme physiopathogénique le plus admis est le suivant : dans la lamina propria de la muqueuse digestive, la gliadine forme un complexe avec la transglutaminase, enzyme qui déamine certains résidus glutamine. Il en résulte une augmentation de l'immunogénicité de la gliadine. Les macrophages de la muqueuse digestive présentent ensuite le complexe transglutaminase/gliadine aux lymphocytes T CD4+. Les lymphocytes T activés vont alors stimuler la production d'anticorps anti-gliadine et d'auto-anticorps anti-transglutaminase par les plasmocytes à immunoglobuline A des muqueuses. Les anticorps sont retrouvés dans les muqueuses mais aussi dans le sérum où ils sont habituellement dosés. Ils sont capables d'induire des lésions digestives par un mécanisme de cytotoxicité dépendante des anticorps et par activation du complément. L'immunité cellulaire est aussi fortement impliquée et il existe une forte expansion dans les muqueuses des lymphocytes T intraépithéliaux capables de sécréter des cytokines, en particulier l'interferon-gamma. L'activation cellulaire (macrophages, lymphocytes, plasmocytes) et la synthèse locale de cytokines sont responsables des lésions histologiques observées. Il existe aussi une susceptibilité génétique à la maladie cœliaque et la plupart des patients sont porteurs d'un phénotype HLA DQ2 et DR3 (ou, pour ceux n'exprimant pas le DR3, DR7 et DR5).
La forme classique est celle d'une diarrhée chronique d'intensité variable avec stéatorrhée macroscopique. Elle est associée à un syndrome de malabsorption, une perte de poids et de fréquentes douleurs abdominales et/ou un météorisme abdominal. Cette forme correspond généralement à une atteinte étendue de l'intestin grêle. Il n'est pas rare que la maladie cœliaque ait une présentation extra-digestive avec des symptômes digestifs discrets voire absents. Il peut alors exister des manifestations articulaires (arthrites périphériques), des manifestations neurologiques (état démentiel, épilepsie, affections démyélinisantes et polyneuropathie), une élévation des transaminases hépatiques, une aphtose récurrente, une ostéopénie, une dermatite herpétiforme (la maladie cœliaque s'observe dans 75 % des cas chez les patients atteints de dermatite herpétiforme), une aménorrhée primaire ou secondaire et une anémie microcytaire par carence en fer ou macrocytaire par carence en folates. Cette forme correspond, en général, à une atteinte limitée du grêle proximal.
L'évaluation biologique révèle le plus souvent des signes de malabsorption d'intensité variable ; hypocholestérolémie, hypocalcémie, hypokaliémie, hypoalbuminémie, baisse du temps de prothrombine…
La maladie cœliaque s'accompagne de trois types principaux d'anticorps : les anticorps anti-gliadine, les anticorps anti-endomysium des fibres musculaires lisses et les anticorps anti-transglutaminase tissulaire. Ces anticorps peuvent être d'isotype G ou A. Il faut penser au déficit sélectif en IgA qui peut provoquer des faux négatifs dans la sérologie pour les auto-anticorps d'isotype A. Les taux de ces anticorps diminuent sous régime sans gluten et sont indirectement un bon moyen d'apprécier la bonne observance du régime par le patient.
La maladie cœliaque s'étend du duodénum au grêle distal. C'est au niveau de la jonction duodéno-jéjunale que se fait généralement la biopsie. La lésion caractéristique comprend une atrophie villositaire totale ou subtotale, une hypertrophie des cryptes, une dystrophie entérocytaire, une lymphocytose intraépithéliale et un infiltrat de neutrophiles, éosinophiles et plasmocytes dans la lamina propria.
Trois critères sont reconnus pour poser le diagnostic de la maladie cœliaque ; la présence d'une lésion histologique caractéristique, un syndrome de malabsorption et une amélioration clinique et histologique (régression de l'atrophie villositaire en un an environ) sous régime sans gluten. Des études sont en cours pour apprécier la pertinence de la positivité des anticorps observés au cours de la maladie cœliaque dans le diagnostic de la maladie. La MC peut être associée à d'autres maladies comme le diabète insulino-dépendant, la cirrhose biliaire primitive, l'hypothyroïdie, le déficit en immunoglobuline A, la colite microscopique, la trisomie 21 et, surtout, la dermatite herpétiforme, qui est une autre forme d'intolérance au gluten.
Le traitement de la maladie cœliaque est essentiellement fondé sur le régime sans gluten. Il permet d'obtenir une rémission clinique, biologique et histologique. Il existe des listes de régimes spéciaux adaptés aux patients. Chez l'adulte, le régime sans gluten doit rester strict et définitif. L'Association Française des intolérants au gluten (AFDIAG) met à disposition des documents et des conseils. Un remboursement des produits de substitution (45 €/mois) est offert aux patients. La maladie cœliaque peut se compliquer de lymphome malin non Hodgkinien (de localisation le plus souvent digestive) et de cancers épithéliaux (grêle, pharynx et œsophage), surtout en cas de régime non ou mal suivi. On appelle sprue réfractaire les maladies cœliaques résistantes au régime sans gluten (après avoir éliminé une mauvaise observance au régime). Il existe dans ce cas un risque important de lymphome intestinal.
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