Introduction
Objectifs de l'ASSIM
Prévalence : En constante augmentation depuis 30 ans dans tous les pays développés ; concerne actuellement environ 25 % de la population française, tous âges confondus.
Urgence : Le choc anaphylactique, l'œdème de Quincke, l'asthme grave, sont des situations cliniques auxquelles tout médecin peut être confronté et qui requièrent un diagnostic et un traitement en urgence.
Intervention : La plupart des pathologies et des accidents allergiques peuvent être modifiées dans leur survenue ou leur évolution et leurs complications par une intervention préventive, curative, et éducative.
Gravité : Les situations d'urgence font courir un risque mortel ; par ailleurs la morbidité chronique en relation avec les pathologies allergiques a un impact important sur la qualité de vie et génère des coûts sociaux directs et indirects élevés.
Exemple éducatif : Les allergies constituent un modèle de pathologie « transversale » et « longitudinale » :
- expression clinique interdisciplinaire, susceptible de toucher des organes différents simultanément ou successivement ;
- pathologie possible tout au long de la vie : la prise en charge pédiatrique engage l'avenir ; par ailleurs le diagnostic d'allergie chez l'adulte peut avoir des conséquences sur la prise en charge des enfants de la famille concernée ;
- gestion « familiale » d'un problème de santé, en relation avec une prédisposition génétique ;
- importance des interventions non médicamenteuses (éviction, action sur l'environnement, alimentation, modification des activités professionnelles…). Une prise en charge « intelligente » implique une connaissance « intégrée » de la physiopathologie. Les recettes ne suffisent pas. Interférence avec les prises en charge nutritionnelle, vaccinale et infectiologique de la petite enfance. Nécessité de coordination avec des intervenants non médicaux (pour les mesures sur l'environnement ; à l'école, dans la pratique sportive, au travail…).
1. Objectifs généraux
- Savoir repérer la nature allergique d'un symptôme (A).
- Connaître les principaux allergènes (B).
- Savoir argumenter et mener un programme global de prise en charge d'un patient allergique (B).
- Savoir décrire les mécanismes essentiels de la réponse allergique pour comprendre la place des thérapeutiques immunologiques dans la prise en charge du patient allergique (C1).
- Savoir discuter la notion de « terrain atopique » (B).
- Savoir hiérarchiser et interpréter les examens qui permettent : (B)
- d'évoquer l'allergie,
- de confirmer la sensibilisation allergénique,
- de prouver la présence de l'allergène dans l'environnement des patients.
2. Objectifs spécifiques
- Savoir hiérarchiser les principaux allergènes environnementaux en termes de fréquence, en relation avec l'âge, en termes de sévérité/urgence des manifestations cliniques (B).
- Savoir suspecter par l'interrogatoire les allergènes concernés dans la pathologie allergique présentée par le patient (B).
- Connaître l'existence des réactions croisées, savoir énumérer les principaux allergènes concernés et expliquer à un patient les conséquences possiblse de cette particularité des réactions immunitaires en matière d'allergie (A).
- Discuter la place des examens complémentaires au cours d'une enquête allergologique (B).
- Savoir mener une enquête clinique et hiérarchiser les examens complémentaires après la découverte d'une éosinophilie sanguine (B).
- Savoir mener une enquête clinique et hiérarchiser les examens complémentaires après la découverte d'une hyper-IgE sérique (B).
- Savoir mener le raisonnement clinique permettant de suspecter la nature allergique d'une « intolérance médicamenteuse », d'une « intolérance alimentaire », d'une « pathologie professionnelle » (B).
- Savoir différencier « sensibilisation » et « allergie » et en tirer les conséquences pratiques pour la prise en charge du patient (B).
- Savoir expliquer les modalités pratiques de réalisation des tests cutanés (B).
- Savoir expliquer les tests de provocation en pathologie allergique. Décrire les tests possibles, leur intérêt respectif, leurs risques (B).
- Savoir conseiller un patient au décours d'un accident allergique (A).
- Reconnaître et traiter en urgence l'asthme allergique (A).
- Reconnaître et traiter en urgence l'œdème de Quincke et le choc anaphylactique (A).
- Savoir établir une prescription de trousse d'urgence chez un patient à risque allergique (A).
- Donner les règles de prescription et de surveillance des corticoïdes à usage local et systémique dans les pathologies allergiques (B).
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Épidémiologie
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Épidémiologie des maladies fréquentes
Ces affections touchent plus de 20 % des populations occidentales, affectant toutes les tranches d'âge. On peut considérer qu'à une période ou l'autre de sa vie, un français sur quatre a été, est ou sera allergique. Cette proportion est certainement sous-estimée si l'on prend en compte tous les types de manifestations allergiques, sachant, de plus, que certains patients n'auront jamais eu recours à un diagnostic ou à un suivi médical. Les manifestations cliniques en relation avec une hypersensibilité immunologique (allergie) peuvent être systémiques (œdème facial, dit œdème de Quincke, choc anaphylactique) ou localisées dans des organes-cibles : nez (rhinite et/ou sinusite allergique), œil (conjonctivite allergique), larynx (spasme laryngé, souvent dans le contexte d'une manifestation systémique), bronche (asthme), poumon (alvéolite allergique extrinsèque), tube digestif (spasmes, œdème muqueux, diarrhée, urticaire colique, rectite allergique), et peau (angio-œdème, urticaire, eczéma (dermatite de contact, eczéma (dermatite atopique)). Cette question n'envisagera l'étude clinique que des manifestations systémiques, les autres manifestations, ciblées sur des organes, faisant l'objet de questions séparées.
Plus de 150 millions d'individus sont asthmatiques dans le monde – 3 millions en France. De 10 % à 20 % des enfants ont un eczéma dans certaines régions. La prévalence cumulative des rhinites et/ou conjonctivites allergiques est d'environ 30 millions en France.
Ces maladies sont chroniques évoluant par poussée. Le plus souvent, elles guérissent dans des délais variables, qui se comptent en général en années (> 90 %). Elles peuvent persister toute la vie voire être fatales.
Elles constituent un problème de santé publique, du fait des consultations répétées, de la consommation médicamenteuse et de l'impact des manifestations cliniques, même bénignes, sur la qualité de vie.
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L'influence de l'environnement
L'augmentation de l'incidence de ces maladies au cours du dernier quart du 20e siècle est considérable. De nombreuses études ont été réalisées depuis le début des années 1990, et d'autres sont en cours, pour comprendre les causes de cette augmentation et en assurer la prévention.
Une concentration élevée d'allergènes atmosphérique au cours de la petite enfance augmente l'incidence des maladies allergiques dont témoignent :
- une augmentation de la susceptibilité chez les enfants nés pendant la période pollinique,
- une fréquence plus élevée chez les enfants vivants dans des intérieurs à forte concentration en acariens.
L'influence d'un mode de vie occidental a été démontrée par l'augmentation de l'incidence de ces maladies dans les pays (ou les populations) dont les modes de vie ont changé rapidement en l'espace de quelques années, comme les pays de l'ex-bloc soviétique, l'Allemagne de l'Est après la réunification, la Chine urbaine du sud-est, après les changements politico-économiques survenus dans ces pays. Pour expliquer cette augmentation de l'incidence de la maladie atopique, des modifications du mode de vie sont incriminées. Un mode de vie de type « occidental », propre aux pays dits « développés », semble avoir favorisé cette recrudescence. Ce mode de vie comporte l'exposition aux polluants domestiques (tabagisme) et atmosphériques (particules de gazole), mais surtout une diminution de la pression infectieuse et des modifications nutritionnelles susceptibles de modifier la flore intestinale dès les premières semaines de vie. De nombreuses études épidémiologiques montrent l'existence de plusieurs facteurs associés à une protection contre l'émergence des maladies allergiques : famille nombreuse, vie à la campagne, et plus précisément à la ferme, proximité des animaux (de la ferme, mais aussi domestiques, comme le chat…), consommation de lait cru, de laits et autres aliments fermentés, faible utilisation des antibiotiques dans la petite enfance.
Les modifications environnementales seraient responsables de l'induction d'une dysrégulation de la réponse immune, privilégiant une réponse de type Th2, au détriment de la réponse Th1. Elles interviendraient en interférant avec la mise en place et la modulation « normale » d'un système immunitaire mature, pour lesquels l'exposition aux agents microbiens, infectieux ou non (comme ceux de la microflore intestinale) est un élément majeur.
Ainsi l'amélioration de l'hygiène pourrait avoir un effet positif sur la prévention des infections mais négatif sur l'incidence des maladies allergiques.
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L'influence de l'âge
La fréquence des manifestations allergiques et la nature des organes cibles varient avec l'âge. L'apparition de sensibilisations allergéniques dans l'enfance sont prédictives de la survenue d'autres manifestations cliniques plus tard dans la vie, d'où la nécessité de considérer les pathologies allergiques, du moins celles qui sont en relation avec une augmentation de la production d'anticorps IgE contre les allergènes environnementaux comme un ensemble de manifestations diverses liées à un même terrain, immunologiquement défini. Dès le début du vingtième siècle, des médecins américains, Coca et Coke, avaient proposé de nommer ce terrain (ou cette prédisposition) « atopique » (c'est-à-dire « sans lieu », « étrange »). Cette définition d'abord clinique (prédisposition personnelle ou familiale à développer au cours de la vie plusieurs manifestations cliniques différentes comme l'eczéma constitutionnel de l'enfant, l'asthme, le rhume des foins…), s'est enrichie d'une composante biologique lorsque l'isotype IgE des anticorps a été découvert (présence d'anticorps IgE vis-à-vis de plusieurs allergènes alimentaires ou de l'environnement respiratoire) :
- les allergies alimentaires sont plus fréquentes chez le nouveau-né (intolérance aux protéines du lait de vache) et les nourrissons (albumine de l'œuf, soja…) ; les allergies respiratoires surviennent en général chez l'enfant plus âgé ou l'adulte ;
- les allergies cutanées (eczéma) sont fréquentes chez les nourrissons et les jeunes enfants ;
- l'asthme débute souvent chez l'enfant avec une possibilité de résolution à l'adolescence ou de passage à la chronicité ;
- l'apparition des rhinites allergiques est souvent plus tardive (chez l'adolescent ou l'adulte jeune).
Ces observations expliquent que le recours à un avis médical soit souvent fragmenté et variable selon la période de la vie : les motifs de consultation sont dermatologiques dans 50 % des cas, pulmonaires dans 40 %, et ORL dans 10 %, la symptomatologie rhinologique étant souvent non rapportée à une origine allergique, en dehors du « rhume des foins ».
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L'influence de la prédisposition génétique
Les facteurs génétiques de susceptibilité pour l'atopie ont été mis en évidence par des études familiales démontrant un taux de concordance supérieur chez les jumeaux monozygotes que chez les jumeaux dizygotes (77 % contre 15 % pour l'eczéma par exemple) et une héritabilité pouvant atteindre 75 % dans certaines familles. Dans une même famille les manifestations atopiques peuvent être différentes d'un sujet à l'autre. Un eczéma chez un parent favorise cependant l'expression de l'atopie sous forme d'un eczéma plutôt qu'un asthme ou une rhinite allergique suggérant l'existence de gènes de susceptibilité spécifiques de l'eczéma.
Deux types d'approches sont utilisés pour identifier ces gènes. L'approche des gènes candidats recherche si le polymorphisme connu des gènes impliqués dans la réponse immune allergique est lié à la pathologie. L'approche du clonage positionnel recherche dans les familles si des marqueurs de différentes régions chromosomiques sont liés à la maladie.
Les gènes polymorphiques candidats sont les gènes dont certains allèles sont associés à des manifestations atopiques et/ou des taux d'IgE sériques élevés dont :
- les gènes HLA (assurant la présentation des allergènes aux lymphocytes T CD4) ;
- la chaîne b pour le récepteur de haute affinité pour les IgE (Fc epsilon RI b) ;
- L'IL4 ;
- le récepteur bêta - adrénergique;
- le TNF ;
- le CD14 (récepteur de haute affinité pour les lipopolysaccharides).
La recherche de liaisons entre l'atopie et des récepteurs chromosomiques a identifié la région 11 q 3 comme potentiellement impliquée.
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