3  -  Diagnostic de gravité

Il est essentiel pour déterminer le lieu d’hospitalisation adapté à l’état du malade et poser un pronostic. Dans 70 à 80 % des cas, la pancréatite est bénigne, oedémateuse et guérit en quelques jours. Ces malades peuvent être hospitalisés en service de médecine. Le problème dans ce cas est d’en déterminer la cause pour prévenir une récidive. Dans 20-30 % des cas, la pancréatite est sévère (nécrosante) et met en jeu le pronostic vital. La mortalité globale est de l’ordre de 5 % alors que, dans le sous-groupe des PA sévères, la mortalité peut atteindre 20 %. Les malades doivent être hospitalisés au minimum en unité de soins continus, voire en unités de soins intensifs.

En raison de la possibilité d’une aggravation secondaire et d’un recours à des techniques radiologiques ou chirurgicales sophistiquées, une hospitalisation en milieu médico-chirurgical spécialisé est hautement souhaitable.

3 . 1  -  Clinique

1. Formes graves immédiates (tableau 25.X)

La présence d’une défaillance viscérale au stade initial de la poussée traduit une forme d’emblée grave que ce soit une détresse respiratoire, une défaillance cardiovasculaire (choc) ou une oligoanurie. Cette situation est cependant rare (environ 15 % des cas) mais est associée à une mortalité de plus de 50 % des cas. Les défaillances viscérales sont dues à un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) intense caractérisé par une sécrétion massive de cytokines proinflammatoires. Ceci est proche de ce qui se passe au cours du choc endotoxinique.

Le syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte (SDRA) est une complication grave des pancréatites aiguës nécrosantes. Une hypoxémie est souvent présente parfois sans manifestation clinique. Le SDRA peut nécessiter une ventilation artificielle en pression expiratoire positive avec une fraction d’oxygène élevée. Radiologiquement, il existe des opacités alvéolaires diffuses bilatérales réalisant au maximum l’aspect de « poumons blancs ». Il s’agit d’un oedème lésionnel dont la physiopathologie n’est pas exactement déterminée mais qui s’intègre dans le cadre d’une exsudation plasmatique importante. Un épanchement pleural (souvent gauche, parfois bilatéral) peut être associé. Il est réactionnel. Dans des cas plus rares, un épanchement pleural peut être provoqué par une fistule pancréatico-pleurale.

L’insuffisance rénale est observée dans environ 20 % des cas. Elle est de caractère fonctionnel dans les trois quarts des cas et organique dans 25 % des cas. Elle constitue un facteur pronostique péjoratif. L’insuffisance rénale fonctionnelle peut s’expliquer par l’hypovolémie ou le choc consécutif à la pancréatite aiguë, mais la pathogénie des néphropathies tubulaires organiques demeure énigmatique.

(2) Prise en charge ventilatoire du syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte et de l’enfant.

2. Complications infectieuses

Les complications infectieuses sont fréquentes (20-40 %) au cours des pancréatites aiguës nécrosantes et ne surviennent jamais au cours d’une PA oedémateuse. Elles sont responsables de 50 à 80 % des décès. Il s’agit le plus souvent de la surinfection des coulées de nécrose non encore collectées ou parfois de véritables abcès pancréatiques correspondant à des surinfections de pseudokystes. La surinfection de la nécrose pancréatique est due à un passage des bactéries digestives à travers la paroi intestinale (translocation bactérienne). Celle-ci est fragilisée par la mise à jeun et l’instabilité tensionnelle. Des infections polymicrobiennes ou fungiques sont possibles.

Les complications infectieuses sont habituellement plus tardives survenant à partir de la fin de la première semaine jusqu’à 4 semaines après le début de la PA. Elles sont suspectées devant un malade dont l’état clinique s’aggrave (apparition de nouvelles défaillances viscérales, augmentation de la température centrale), dont les marqueurs biologiques s’altèrent (élévation de la CRP, de la polynucléose neutrophile). La présence (rare) de bulles d’air dans les coulées de nécrose est très évocatrice de surinfection à germes anaérobies. Des prélèvements bactériologiques multiples (hémocultures, ECBU, prélèvements bronchiques) devront être faits. La surinfection de la nécrose sera prouvée par une ponction, généralement guidée par le scanner, de la ou des coulées de nécrose suspectes avec mise en culture sur milieu banal et aussi à la recherche d’infections fungiques. Ce geste nécessite un radiologue interventionnel spécialisé.

3. Autres complications

Des atteintes digestives diverses peuvent survenir : ulcères multiples du deuxième duodénum, parfois hémorragiques, colites ischémiques imputées à l’état de choc, fistules internes avec perforation duodénale, gastrique, grêlique, biliaire ou colique. Ces fistules peuvent aussi communiquer avec la plèvre, le péritoine ou s’extérioriser à la peau.

Les anomalies du système de coagulation à type de coagulation intravasculaire disséminée sont possibles à la phase aiguë de la maladie.

L’hémorragie
est une complication grave. Elle peut être interne, intrapéritonéale ou intrakystique, favorisée par les troubles de la coagulation. Elle est due à une érosion artérielle par la nécrose.

Des manifestations neuropsychiatriques (« encéphalopathie pancréatique ») se voient avec une fréquence de 3 à 30 %, essentiellement troubles confusionnels et désorientation temporo-spatiale.

L’atteinte cutanée est exceptionnelle et se manifeste sous formes de tuméfactions sous cutanées, douloureuses, érythémateuses diffuses. Il s’agit de lésions de panniculite parfois associées à une atteinte articulaire entrant dans le cadre d’une cytostéatonécrose systémique ou maladie de WeberChristian.

4. Complications tardives

La complication tardive essentielle est l’apparition de pseudokystes. Ces pseudokystes correspondent à l’organisation et la liquéfaction des foyers de nécrose. Ils compliquent 10 à 50 % des pancréatites aiguës et apparaissent dans un délai de 5 jours à 6 semaines. Ils peuvent être totalement asymptomatiques ou provoquer des douleurs. L’évolution de ces pseudokystes peut se faire vers la disparition spontanée dans moins de 50 % des cas, ou vers des complications : surinfection, rupture, hémorragie, compression des organes de voisinage. Le diagnostic échographique ou tomodensitométrique en est aisé.
En cas de nécrose sévère, les fonctions du pancréas peuvent être altérées.

3 . 2  -  Biologie et scores clinico-biologiques de gravité

La PA peut être grave d’emblée (défaillances viscérales) ou s’aggraver secondairement, parfois plusieurs jours ou semaines après le début. Pour essayer de quantifier le risque d’une évolution compliquée et mettre en oeuvre d’une part la surveillance adéquate (qui conditionne le lieu d’hospitalisation) et d’autre part, des mesures préventives, de nombreux marqueurs ou scores ont été développés.

Le marqueur biologique simple le plus fiable pour évaluer la gravité d’une pancréatite est la protéine C réactive > 150 mg/L. Sa valeur diagnostique est réelle à partir du deuxième jour suivant le début de la PA. Son élévation constante est un signe d’alarme.

Les scores clinico-biologiques pronostiques n’ont de réelle utilité que dans le cadre de protocoles d’études. Leur valeur individuelle est discutable puisque globalement, ils classent mal un patient sur cinq soit par excès soit par défaut. Les plus connus sont le score de Glasgow (score d’Imrie) ou le score de Ranson (tableaux 25.II et 25.III). Ces scores sont dédiés à la PA. Le score APACHE II est un score généraliste mais il n’est utilisé que dans un contexte de réanimation.

Tableaux 25.II. Score de Ranson
Chaque paramètre est côté 1 lorsqu’il est présent. La pancréatite est considérée comme sévère si le score est supérieur ou égal à 3.
Tableau 25.III. Score de Glasgow modifié
Chaque variable est relevée dans les 48 premières heures. La pancréatite est considérée comme sévère si au moins 3 variables sont présentes.

3 . 3  -  Imagerie

L’imagerie sert d’une part au diagnostic positif (voir supra) mais aussi au diagnostic de gravité.

L’examen de référence pour évaluer la gravité d’une pancréatite est le scanner avec injection de produit de contraste à condition qu’il soit effectué après un délai de 48 heures par rapport aux premiers signes (temps nécessaire pour que les lésions se constituent) et en l’absence d’insuffisance rénale (sinon, on le fait sans injection de produit de contraste). Le rôle pronostique de l’IRM est en cours d’évaluation.

Le scanner permet de visualiser les coulées de nécrose extra-pancréatique, la nécrose de la glande elle-même (absence +/- importante de prise de contraste au temps injecté) et les complications (hémorragies, fistules, perforation d’organe creux). Le score de Balthazar (tableau 25.IV), établi à partir du scanner avec injection, a eu une première version cotée en lettres (A à E) qui doit être abandonnée au profit de sa seconde version chiffrée. Un stade supérieur ou égal à 4 est associé à un risque plus important de complications, notamment la survenue d’abcès pancréatique et de décès (fig. 25.1 et 25.2).

Tableau 25.IV. Score de Balthazar
3/6