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Lorsque le diagnostic de cirrhose est établi, la première étape consiste à traiter la cause (lorsque la cause est accessible à un traitement, ce qui n’est pas toujours le cas). Chez les malades qui ont une cirrhose compensée, l’objectif est de maintenir l’état de compensation aussi longtemps que possible. Chez les malades qui ont une cirrhose décompensée, l’objectif est de revenir à une situation durable de cirrhose compensée (objectif qui ne peut pas toujours être atteint). Lorsque, malgré le traitement de la cause, la cirrhose reste décompensée, l’objectif est de prévenir une aggravation.
1. Cirrhose alcoolique et hépatite alcoolique
Les éléments de gravité chez un patient ayant une cirrhose alcoolique résultent plus souvent de l’existence d’une hépatite alcoolique surajoutée à la cirrhose qu’à la cirrhose en elle-même. Outre la consommation récente de quantités excessives d’alcool, les arguments qui suggèrent l’existence d’une hépatite alcoolique sont l’ictère, l’élévation modérée des transaminases prédominant sur les ASAT et une hyperleucocytose. Il peut exister une fièvre.
La première étape de la prise en charge est l’arrêt de l’alcool. En cas d’hépatite alcoolique grave, après recherche de contre indications infectieuses, une corticothérapie (prednisolone, 40 mg/j pendant 4 semaines) est recommandée (après avoir écarté la possibilité d’une infection évolutive) car elle améliore le pronostic. Il est préférable de réaliser une biopsie hépatique pour confirmer le diagnostic d’hépatite alcoolique. Toutefois, la biopsie n’est pas indispensable pour initier le traitement. L’amélioration des manifestations après l’arrêt de l’alcool et/ou la corticothérapie est lente. Elle peut nécessiter 3 à 6 mois.
2. Cirrhose secondaire à une hépatite chronique B
La réplication virale doit être quantifiée par une recherche d’ADN du virus B dans le sérum. Un traitement antiviral doit être débuté chez les malades dont la réplication virale est élevée. En cas de cirrhose décompensée, l’arrêt de la réplication du virus B par les traitements antiviraux peut s’accompagner d’une régression des complications et du retour au stade de cirrhose compensée. Comme pour l’hépatite alcoolique, l’amélioration est lente.
3. Cirrhose secondaire à une hépatite chronique C
Le traitement antiviral de référence repose sur l’association d’interféron pégylé et de ribavirine. Toutefois, en cas de cirrhose, l’intérêt d’un traitement antiviral est limité pour les raisons suivantes :
– l’efficacité de cette association pour interrompre la réplication du virus C est plus faible chez les malades cirrhotiques que chez les non cirrhotiques ;
– la tolérance du traitement est moins bonne ;
– en raison des effets secondaires fréquents, il est souvent impossible d’administrer les doses optimales d’interféron pégylé et de ribavirine, ce qui contribue à limiter l’efficacité du traitement.
En cas de cirrhose décompensée, l’administration d’un traitement antiviral est déconseillée en raison d’un risque élevé d’aggravation de l’insuffisance hépatique. Au total, le traitement antiviral a peu de chances d’aboutir à une amélioration des manifestations. L’arrêt complet de la consommation d’alcool est indispensable. L’alcool contribue en effet à l’aggravation des lésions.
4. Autres causes de cirrhose
En cas de stéatohépatite non alcoolique, des mesures destinées à obtenir un contrôle de la surcharge pondérale, du diabète et de la dyslipidémie sont recommandées. Toutefois, ces mesures ont peu de chances d’aboutir à une amélioration des complications de la cirrhose.
Il n’existe pas de traitement spécifique de la cirrhose biliaire primitive et de la cholangite sclérosante primitive. En cas de cirrhose biliaire primitive, l’administration d’acides biliaires (acide urso-désoxycholique) est recommandée. L’effet des acides biliaires est cependant limité.
En cas d’hépatite auto-immune, l’association de corticoïdes et d’azathioprine est recommandée lorsque la maladie est active (ce dont témoignent l’augmentation des transaminases et l’abondance des infiltrats inflammatoires sur la biopsie hépatique). Au stade de cirrhose, ce traitement a une efficacité limitée.
Le diagnostic d’hémochromatose implique l’initiation d’une déplétion en fer par des saignées. Le diagnostic de syndrome de Budd-Chiari (obstruction des veines hépatiques) justifie l’initiation d’un traitement anticoagulant. Enfin, le diagnostic de maladie de Wilson (exceptionnelle) impose l’administration de chélateurs du cuivre (D-pénicillamine) qui, dans ce cas précis, peuvent s’accompagner d’une amélioration notable.
(4) Dosage du cuivre urinaire.
1. Prise en charge de l’ascite tendue
L’ascite tendue est traitée par une ponction évacuatrice. Outre le caractère tendu de l’ascite, la ponction évacuatrice est motivée par la gêne fonctionnelle. La ponction évacuatrice doit être accompagnée d’un examen cytobactériologique. Il n’y a pas d’obstacle à l’évacuation complète de l’ascite en une seule séance, même si le volume est supérieur à 5 litres. En revanche, des mécanismes complexes font que l’évacuation de l’ascite est suivie d’une activation des systèmes antinatriurétiques et d’une dysfonction circulatoire, contribuant à la détérioration de la fonction rénale. Ce dysfonctionnement doit être prévenu par une expansion volémique. Au-delà de 2 litres d’ascite évacuée, on recommande la perfusion de 500 mL de colloïdes par 2 litres d’ascite évacuée. L’administration d’albumine humaine (14 g pour 2 litres d’ascite évacués) est une alternative.
Toutefois, elle est plus coûteuse. En dehors de l’infection du liquide d’ascite, sa supériorité par rapport aux colloïdes de synthèse n’est pas démontrée.
2. Traitement des poussées d’ascite
Le traitement repose sur le régime désodé et les diurétiques. Un régime désodé peu restrictif (2 à 3 g de sel par jour) doit être préféré à un régime plus restrictif qui risque d’être mal suivi et de conduire à une restriction alimentaire.
Les diurétiques peuvent être associés d’emblée au régime désodé. Le diurétique de première intention est la spironolactone avec une dose initiale de 75 mg/j. On peut augmenter la dose jusqu’à 300 mg/j en fonction de la réponse, mesurée par la perte de poids et la natriurèse. En l’absence de réponse suffisante avec la spironolactone, on peut associer du furosémide en débutant à la posologie de 40 mg/j. La dose de furosémide peut être augmentée. Il est recommandé de ne pas dépasser 120 mg/j.
Les principaux effets secondaires des diurétiques sont l’hyperkaliémie (spironolactone), l’hypokaliémie (furosémide), l’hyponatrémie, la gynécomastie (spironolactone) et l’insuffisance rénale fonctionnelle en cas de déplétion excessive. La restriction hydrique est proscrite car elle ne favorise pas le contrôle de l’ascite et, en revanche, majore le risque d’insuffisance rénale fonctionnelle. L’hyponatrémie est fréquente en cas d’ascite. Elle est bien tolérée jusqu’à 130 mmol/L environ. En dessous de cette valeur ou en cas de mauvaise tolérance clinique, les doses de diurétiques doivent être réduites.
Lorsque l’ascite est contrôlée, les doses de diurétiques peuvent être progressivement diminuées jusqu’à un arrêt complet. Le régime désodé doit être maintenu. La reprise des diurétiques n’est justifiée que si l’ascite réapparaît.
L’efficacité du traitement de l’ascite est jugée par la diminution du périmètre abdominal, la diminution de la gêne fonctionnelle et la perte de poids. Lorsque l’ascite est indétectable par l’examen clinique, l’échographie peut être utile pour confirmer sa disparition. L’institution d’un traitement par des diurétiques impose une surveillance régulière de l’ionogramme sanguin dans le but de rechercher une hyponatrémie sévère, une augmentation de la créatininémie, une hyperkaliémie ou une hypokaliémie. Un ionogramme sanguin doit être réalisé au moins toutes les 2 semaines après l’initiation du traitement. Lorsque le traitement est équilibré, la surveillance peut être espacée.
Le traitement des oedèmes est le même que celui de l’ascite. L’évolution des oedèmes est parallèle à celle de l’ascite.
3. Traitement de l’ascite réfractaire
L’ascite réfractaire est définie par une ascite qui persiste ou récidive malgré un traitement médical optimal. L’impossibilité de conduire un traitement optimal en raison d’effets secondaires aboutit également au diagnostic d’ascite réfractaire. L’ascite réfractaire témoigne généralement d’une insuffisance hépatique sévère. L’apparition d’une ascite réfractaire correspond à une diminution significative de l’espérance de vie (de l’ordre de 40-60 % à 1 an).
Les différentes options thérapeutiques sont les ponctions évacuatrices itératives, le shunt porto-cave intrahépatique par voie transjugulaire (TIPS), les dérivations péritonéo-jugulaires chirurgicales et la transplantation hépatique.
Les ponctions évacuatrices itératives d’un volume supérieur à 2 litres doivent être suivies d’une expansion volumique selon les modalités décrites ci-dessus (voir prise en charge de l’ascite tendue). Le TIPS permet de contrôler l’ascite dans 50 % des cas environ mais il n’apporte pas de bénéfice significatif en termes de survie par rapport aux ponctions évacuatrices. Les dérivations péritonéojugulaires chirurgicales sont presque totalement abandonnées en raison d’une morbidité élevée. Le seul traitement radical de l’ascite réfractaire est la transplantation hépatique (voir ci dessous).
4. Hernie ombilicale
La hernie ombilicale est une des complications fréquentes de l’ascite réfractaire.
Les risques principaux sont l’étranglement herniaire et la rupture.
Le risque d’étranglement est globalement faible car l’orifice herniaire est large. Toutefois, l’étranglement est favorisé par les ponctions évacuatrices d’un large volume.
Chez les malades qui ont une hernie ombilicale volumineuse, il est recommandé de réduire manuellement la hernie avant chaque ponction évacuatrice.
Le risque de rupture est lié à la fragilité de la paroi cutanée et aux érosions. Lorsque la paroi cutanée est fine et/ou qu’il existe des érosions, des soins locaux incluant un pansement compressif doivent être administrés.
L’étranglement herniaire non réductible par des manoeuvres externes tout comme la rupture sont associés à une mortalité précoce très élevée. Ils constituent une indication chirurgicale.
L’encéphalopathie chronique est une complication rare de la cirrhose. Elle survient préférentiellement chez les malades qui ont développé de volumineuses dérivations porto-systémiques spontanées, qui ont reçu un TIPS ou qui ont une insuffisance rénale chronique concomitante. Les dérivations porto-systémiques ne sont généralement pas accessibles à une obturation percutanée ou chirurgicale. L’administration de laxatifs osmotiques peut conduire à une amélioration partielle. Toutefois, la transplantation hépatique est le seul traitement radical. Chez les patients qui ont une encéphalopathie chronique ancienne, les manifestations ne sont pas toujours totalement réversibles après la transplantation (en particulier le syndrome extra-pyramidal).
Les comorbidités sont fréquentes chez les patients cirrhotiques. Elles peuvent être liées aux conséquences de la consommation excessive d’alcool, au tabagisme, à la surcharge pondérale voire à une toxicomanie active ou passée.
Chez les malades qui ont une cirrhose alcoolique et/ou qui ont eu un tabagisme, il est recommandé de réaliser un bilan détaillé ORL et oesophagien afin de chercher des lésions pré-néoplasiques ou néoplasiques. Un bilan cardiovasculaire doit également être réalisé chez les malades tabagiques. Le cas échéant, la prise en charge d’un diabète doit être optimisée.
La transplantation hépatique reste le seul traitement radical et durable en cas de cirrhose décompensée et sans possibilité d’amélioration des fonctions hépatiques par un traitement spécifique. La transplantation apporte de bons résultats en termes de survie et de qualité de vie. Il s’agit toutefois d’une option contraignante et nécessitant un traitement immunosuppresseur au long cours.
Les principales complications qui doivent conduire à envisager une transplantation sont :
– une insuffisance hépatique sévère avec une diminution du taux de prothrombine au-dessous de 50 % (ou une élévation de l’INR au-dessus de 1,7) ;
– un ictère ;
– une ascite réfractaire ;
– une infection du liquide d’ascite ;
– des épisodes répétés d’encéphalopathie ;
– une encéphalopathie chronique ;
– des épisodes répétés d’hémorragie digestive malgré un traitement adapté.
Chez les malades qui ont une cirrhose alcoolique, la transplantation n’est en principe envisagée qu’après 6 mois d’arrêt complet de l’alcool (afin de s’assurer que l’insuffisance hépatique ne s’améliore pas spontanément).
En cas de cirrhose virale B avec une réplication virale significative, un traitement antiviral est un préalable indispensable.
Indépendamment des complications de la cirrhose énumérées ci-dessus, l’apparition d’un carcinome hépatocellulaire de petite taille constitue également une indication possible de transplantation hépatique.
Les principales contre-indications à la transplantation sont l’âge avancé (au-delà de 65-70 ans), une affection extrahépatique grave, non traitable et qui constitue un risque opératoire notable, un antécédent récent de cancer autre qu’hépatique, des troubles psychologiques ou psychiatriques qui compromettraient le suivi.
(3) Évolution des indications et des résultats de la transplantation hépatique en Europe.
(4) Suivi pratique des patients après transplantation hépatique.
(5) Indications de la transplantation hépatique.
(6) ALD n° 6 Cirrhoses.