6  -  Amoebose

A. Épidémiologie, modes de contamination et physiopathologie

L’amoebose est due à un protozoaire, Entamoeba histolytica, qui infecte le côlon de l’homme. La prévalence de l’infection atteint 10 % dans les régions intertropicales. Ainsi, à l’échelle mondiale, l’amoebose fait partie, avec le paludisme et la bilharziose, des parasitoses les plus fréquentes. Elle est responsable d’une mortalité significative (jusqu’à 100 000 personnes par an). Dans les pays industrialisés, l’amoebose ne concerne que les migrants, les touristes en provenance de zones d’endémie et les personnes vivant en collectivité à faible niveau d’hygiène.
Entamoeba histolytica existe sous une forme végétative mobile (trophozoïte) et sous forme kystique. L’homme se contamine par ingestion de kystes par transmission féco-orale. Ainsi, partout où l’eau et les aliments peuvent être contaminés par les déjections humaines, le risque d’amoebose est important. Les pratiques sexuelles oro-anales sont aussi un facteur de transmission.

Dans le tube digestif, les kystes peuvent se transformer en trophozoïtes. Les trophozoïtes se multiplient dans la lumière colique et phagocytent des bactéries et des particules alimentaires. Ils lèsent la muqueuse colique, peuvent l’envahir, phagocyter des hématies (fig. 5.1 cahier quadri) et disséminer par voie sanguine. Dans ce dernier cas, des atteintes d’organe à distance de l’intestin peuvent se développer, parfois plusieurs mois ou années après la contamination. Le foie (sous forme d’abcès) est la localisation principale extra-intestinale de l’amoebose, mais le poumon et le cerveau peuvent aussi être atteints. L’amoebose intestinale est possible à tout âge, alors que l’amoebose hépatique touche surtout les hommes entre 20 et 50 ans.
Les formes kystiques d’Entamoeba histolytica sont éliminées dans les selles des malades et des porteurs sains. Les kystes sont très résistants dans le milieu extérieur et représentent la forme de dissémination de la maladie.

Morphologiquement, les kystes d’Entamoeba histolytica ne peuvent pas être distingués des kystes d’Entamoeba dispar, amibe non pathogène qui semble dix fois plus fréquente que l’amoebose pathogène dans le monde et rendrait compte de la majorité des examens parasitologiques des selles positifs pour les formes kystiques d’amibes chez les autochtones français.

1. Amoebose intestinale

La forme habituelle de l’amoebose intestinale est aiguë ou subaiguë. La diarrhée est faite de selles parfois glaireuses mais non hémorragiques, accompagnées de douleurs abdominales, mais sans fièvre ni altération de l’état général.

Les autres formes cliniques sont :
– la forme dysentérique aiguë surtout observée chez l’enfant en pays tropical, rarement chez les touristes. Ici encore, il n’y a pas de fièvre ;
– la forme fébrile doit faire envisager l’association avec un autre agent pathogène intestinal, en particulier bactérien, ou une amoebose hépatique simultanée ;
– la colite aiguë grave amibienne est définie par la constitution rapide de lésions ulcérées sévères de l’ensemble du côlon. Elle survient surtout sur des terrains fragilisés (enfants dénutris, immunodéprimés). C’est une urgence médico-chirurgicale dont la mortalité (par perforation intestinale, hémorragie, syndrome septique) reste élevée.

2. Amoebose hépatique

C’est une forme rare de l’amoebose. Il s’agit d’une collection purulente dont l’origine est une infection par des trophozoïtes d’origine intestinale, acheminés au foie par voie portale. Elle succède toujours à une amoebose intestinale. Les signes d’atteinte intestinale peuvent être contemporains de ceux de l’abcès amibien, ou antérieurs de plusieurs mois ou années. Dans les deux cas, les manifestations de l’atteinte intestinale sont d’intensité diverse, allant de minimes ou absentes à très marquées.

La forme aiguë, habituelle, de l’amoebose hépatique s’installe en quelques jours. Elle inclut une fièvre élevée, des frissons, des douleurs de l’hypocondre droit ou de la région scapulaire droite. Le foie est augmenté de volume et douloureux ou très douloureux à la palpation. Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles est habituelle, sans éosinophilie. Les transaminases, les
phosphatases alcalines et la bilirubinémie sont discrètement ou modérément augmentées.

L’échographie met en évidence une ou plusieurs images arrondies hypoéchogènes. Ces images sont hypodenses en tomodensitométrie. Un rehaussement périphérique après injection de produit de contraste traduit l’état inflammatoire du parenchyme avoisinant.

Le diagnostic différentiel le plus important est celui d’abcès du foie à pyogène. Ni les manifestations cliniques, ni les antécédents, ni l’aspect échographique ou tomodensitométrique ne permettent de les distinguer formellement. L’autre diagnostic différentiel est celui de tumeur maligne nécrosée (principalement carcinome hépatocellulaire).

Les complications rares mais très graves des abcès amibiens sont liées à leur rupture intrapéritonéale ou intrapéricardique.


B. Diagnostic

1. Amoebose intestinale

À l’examen parasitologique des selles (ou quand cela est possible du produit d’écouvillonnage rectal), la mise en évidence de trophozoïtes mobiles hématophages, très fragiles dans le milieu extérieur, n’est possible que dans les minutes suivant le prélèvement, mais signe l’amoebose intestinale. Le plus souvent, seules des formes kystiques sont mises en évidence, sans pouvoir affirmer morphologiquement si elles correspondent à Entameoba histolytica ou dispar. Des techniques antigéniques (ELISA) ou génomiques (PCR), permettant cette distinction commencent à se diffuser en France (nouveau).

Lorsqu’un examen endoscopique est réalisé, les lésions (érythème, ulcérations) intéressent le plus souvent le rectosigmoïde et le cæcum et doivent être biopsiées. En histologie, les lésions sont non spécifiques (pertes de substance, inflammation) ou plus évocatrices, à type d’abcès, volontiers sous-muqueux, dits en « boutons de chemise ». La mise en évidence d’amibes hématophages au sein des tissus lésés n’est possible qu’environ une fois sur deux. Les sérologies sont moins souvent positives qu’au cours des amoeboses hépatiques. Lorsqu’elles sont positives (hémagglutination plus que immuno fluorescence), elles sont relativement spécifiques d’une amoebose tissulaire ancienne ou évolutive.

2. Amoebose hépatique

Les tests sérologiques mettant en évidence des anticorps dirigés contre des antigènes d’Entamoeba Histolytica doivent être effectués dans tous les cas d’abcès du foie. Plusieurs tests sont disponibles. Un test sérologique positif permet donc de faire le diagnostic avec quasi-certitude lorsque les manifestations cliniques et échographiques sont typiques. En cas de résultat négatif de tests sérologiques faits précocement dans l’évolution, ces tests doivent être répétés.
La recherche d’une atteinte intestinale clinique ou endoscopique doit être effectuée sans délai et les moyens diagnostiques décrits ci-dessus doivent être mis en oeuvre.

Dans les cas où les tests sérologiques sont négatifs, et où il n’y a pas d’arguments pour une atteinte digestive, la ponction guidée par échographie permet de confirmer la collection en ramenant du pus dont l’analyse microbiologique comprend la recherche de formes amibiennes et de bactéries. Un pus de couleur brun foncé (« chocolat ») est très évocateur d’amoebose hépatique. La recherche d’amibes dans le produit de ponction est souvent négative : elles sont habituellement trouvées dans le tissu hépatique au stade pré-suppuratif, c’est-à- dire en périphérie de l’abcès.

Une diminution rapide de la fièvre après administration de métronidazole est habituelle en cas d’abcès amibien ; elle est exceptionnelle en cas d’abcès bactérien. Cette réponse constitue donc un argument diagnostique supplémentaire.


C. Traitement et prévention

1. Amoebose intestinale

Le traitement curatif de l’amoebose intestinale doit être mis en oeuvre en cas d’infection avérée (rares cas où des formes végétatives mobiles sont vues dans les selles ou dans les biopsies coliques) ou plus souvent, de façon probabiliste, en cas de colite survenant pendant un voyage ou séjour en pays d’endémie, ou dans les semaines suivant son retour. Le traitement repose sur l’administration orale d’un nitro-imidazolé (exemple : métronidazole, 1,5 g/jour pendant 10 jours). D’autres traitements imidazolés plus brefs par le tinidazole ou le secnidazole, constituent une alternative. Trois jours après la fin du traitement, il est nécessaire de traiter les formes parasitaires résiduelles de la lumière colique par un amoebicide de contact, le tiliquinol, pendant 10 jours.

Il faut contrôler un mois après la disparition du parasite dans les selles, le portage chronique étant un facteur de dissémination de la maladie. En cas de persistance de formes parasitaires dans les selles, il convient de ré-administrer un amoebicide de contact. La prévention de l’amoebose repose sur la réduction du péril fécal par l’hygiène individuelle et collective, en particulier des mains et des aliments.

2. Amoebose hépatique

Le traitement repose sur l’administration d’imidazolés, selon le même protocole que pour l’amoebose intestinale. Il faut également mettre en oeuvre un traitement par amoebicides de contact. Les manifestations cliniques s’amendent en quelques jours. Les images nodulaires hépatiques persistent plusieurs mois, même lorsque le traitement a été rapidement et définitivement efficace.
Les abcès superficiels menaçant de se rompre doivent être drainés par ponction percutanée. La ponction ne se justifie pas lorsque la localisation de l’abcès écarte la possibilité d’une rupture.

Parasitoses digestives en Europe.
Bilarziose compliqueé.

6/6