Introduction

Les problèmes posés par l'enfant de mère toxicomane sont médicaux, psychosociaux et éducatifs. Bien qu'on ne sache pas précisément quels sont les effets à long terme de la toxicomanie maternelle et quelle est la meilleure façon de les prévenir et de les traiter, il paraît clair que l'organisation de soins prénatals pour les femmes toxicomanes améliore la morbidité néonatale et le devenir à long terme. La grossesse d'une femme toxicomane est une grossesse à haut risque qui nécessite une surveillance obstétricale, une compréhension de la toxicomanie et un soutien psychosocial. La grossesse chez la toxicomane est une pathologie et doit être traitée comme toute autre pathologie obstétricale.

La toxicomanie en cours de grossesse est devenu un phénomène inquiétant par :


Les principales drogues qui sont actuellement utilisées en France sont essentiellement le cannabisDéfinitionCannabis ou chanvre : Espèce de plante annuelle, de la famille des Cannabaceae. Le chanvre est largement utilisé pour ses propriétés psychotropes. Le cannabis peut se présenter sous plusieurs formes : des fleurs séchées femelles (qui forment les « têtes » ou « cocottes »), appelées marijuana, ou des feuilles séchées (habituellement, les feuilles de la couronne fleurie des plantes femelles, appelées feuilles de manucure) ; de la résine de cannabis (le haschisch), qui est un dérivé de la plante séchée, aggloméré en blocs après fabrication ; de l'huile de cannabis qui est un concentré issu d'une extraction à l'aide de solvants (alcool, gaz pour briquets, gaz pour camping principalement), séparation dans de l'eau où l'huile surnage (facultatif) puis évaporation du solvant ; de pollen, appelé ainsi par analogie avec le pollen des botanistes mais qui n'a en réalité rien à voir (il s'agit de la poudre obtenue en récupérant les glandes productrices de résines qui tombent de la plante par frottement. On parle alors de trichomes. Le vrai pollen de la plante, poussière jaune produite par les pieds mâles au moment de leur reproduction, ne contient pas de substance active) ; de skuff qui n'est autre que tout type de feuille manucure râpée a l'aide de tissus. Le cannabis est généralement consommé avec du tabac dans des cigarettes artisanales appelées joints ou pétards. D'autres modes de consommation existent : gâteaux (« space cakes »), infusions, vaporisation qui ne présentent pas les dangers liés aux produits de combustion cancérigènes : goudrons, oxyde de carbone, etc., l'héroïneDéfinitionHéroïne ou diacétylmorphine ou diamorphine : Opioïde obtenu par acétylation de la morphine, le principal alcaloïde issu du pavot à opium. Elle est utilisée à des fins médicales, ainsi qu'illégalement comme substance psycho-active. La prise chronique d'héroïne entraîne une tolérance, une forte dépendance physique et une forte dépendance psychique., plus rarement la cocaïneDéfinitionAlcaloïde extrait de la coca. Psychotrope, elle est un puissant stimulant du système nerveux central, dont la consommation est addictive. Elle constitue également un vasoconstricteur périphérique. et les stimulants psychiques. Mentionnons les drogues licites vendues sous le contrôle de l'état, telles que le tabac et l'alcool et les drogues licites sur prescriptions médicales qui peuvent elles-mêmes être falsifiées, détournées de leur usage thérapeutique.

1  -  Conséquences de la dépendance aux opiacés

Toxicomanie aux opiacésDéfinitionSubstances dérivées (au sens large) de l'opium et agissant sur les récepteurs opiacés. Les opiacés d'origine synthétique (c'est-à-dire n'étant pas synthétisés à partir de l'opium) sont désignés sous le terme opioïdes. Le cerveau humain utilise certains opiacés naturels (les endorphines) comme neurotransmetteurs. La morphine et d'autres opiacés sont utilisés en médecine pour leur puissante action analgésique. La plupart des opiacés entrainent une très forte dépendance physique, à l'exception du lopéramide qui ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique. :

Les produits rencontrés sont l'héroïne (en intraveineux ou en « snif »), la méthadoneDéfinitionOpioïde analgésique. La molécule de méthadone a un atome de carbone chiral – le C6 qui porte 4 substituants différents –, elle se présente donc sous forme de deux énantiomères : (R)-méthadone et (S)-méthadone, qui sont séparables par leur pouvoir rotatoire opposé. La méthadone est utilisée comme substitut des opiacés chez les consommateurs d'héroïne. En tant qu'analgésique narcotique, la méthadone est utilisée pour soulager des douleurs sévères., la morphineDéfinitionAlcaloïde de l'opium utilisé comme médicament contre la douleur (analgésique). Principal alcaloïde issu du pavot somnifère, la morphine est considérée comme la référence à laquelle sont comparés tous les autres analgésiques en termes d'efficacité. Elle est le plus souvent utilisée sous la forme d'un sel, de sulfate ou de chlorhydrate, d'efficacités identiques. À ce jour, la morphine est le médicament analgésique le plus efficace pour soulager divers types de douleur physique., la buprénorphineDéfinitionMédicament utilisé pour le traitement substitutif de la dépendance aux opiacés. C'est un agoniste partiel des opioïdes et antagoniste des récepteurs des opioïdes. (Subutex®).
Tous les opioïdeDéfinitionSubstance opiacée de synthèse ou peptidique dont les effets sont similaires à ceux de l'opium sans y être chimiquement apparentés. Les opioïdes exercent leurs effets par stimulation directe ou indirecte des récepteurs opiacés.s (la méthadone étant le plus étudié) franchissent le placenta librement (voir placenta). Après administration IV à la mère, on retrouve 60 % du taux maternel dans le sang du cordon.
Nous prendrons comme exemple l'addiction à l'héroïne qui pose pour l'enfant 4 problèmes :

  • Les conséquences médicales maternelles ;
  • Le risque fœtal ;
  • Le syndrome de sevrage du nouveau-né dans les premiers jours de vie ;
  • L'incertitude du devenir du nouveau-né dans un contexte familial et social souvent défavorable.

1 . 1  -  Les complications maternelles

Elles sont dues :

1 . 2  -  Les conséquences obstétricales

1 . 3  -  Le syndrome de sevrage

C'est un risque majeur chez le nourrisson et particulièrement fréquent (60 à 90 % des cas). Sa date d'apparition dépend de l'heure de la dernière prise et de l'intensité de l'intoxication, il survient généralement dans les 3 jours qui suivent la naissance mais il a été décrit des syndromes de sevrage plus tardifs, jusqu'à 10 jours en cas poly-intoxication et d'association héroïne-barbituriquesDéfinitionFamille médicamenteuse agissant comme dépresseurs du système nerveux central, et dont le spectre d'activité s'étend de l'effet sédatif à l'anesthésie. Certains sont aussi utilisés pour leurs vertus anti-convulsivantes. Tous sont dérivés de l'acide barbiturique et de ses homologues (acide thiobarbiturique, acide iminobarbiturique). Ils sont de nos jours beaucoup moins prescrits en raison de leurs effets indésirables, du risque d'abus, et de l'arrivée sur le marché de molécules aux effets similaires mais sans les effets délétères des barbituriques.. Reconnu et traité, le syndrome de sevrage ne met plus la vie de l'enfant en danger.

Cliniquement
, il se traduit par :


Traitement : Il faut une prise en charge du nouveau-né par les pédiatres de maternité qui détermineront la nécessité d'un traitement médicamenteux en fonction de la gravité du syndrome de sevrage. Le traitement repose d'abord sur le nursing, le fait d'éviter les stimuli, le bercement de l'enfant et l'alimentation à la demande. En cas d'échec, le chlorhydrate de morphine, le Largactil® sont utilisés. L'important est de privilégier les interactions mère-enfant et d'éviter au maximum une séparation par une hospitalisation du nouveau-né sans sa mère (importance de l'hospitalisation commune mère-enfant et/ou des « unités Kangourous »).

L'allaitement est autorisé si l'on est certain de l'arrêt de toute intoxication et de l'absence de pathologie infectieuse type HIV.

1 . 4  -  Les alternatives à l'héroïne : sevrage ou substitution

Place d'une structure d'aide aux femmes enceintes toxicomanes

La complexité de la prise en charge et le nombre de professionnels de santé intervenants (obstétricien, pédopsychiatre, sage-femme, pédiatre, généraliste, infectiologue, spécialiste des addictions, travailleurs sociaux) plaide pour que les toxicomanes enceintes bénéficient de structures adaptées à cette pathologie. Des structures se créent en France qui permettent d'optimiser l'organisation des soins et du sevrage, la préparation à la naissance et l'organisation future du retour à la maison avec l'enfant. La prise en charge obstétricale de cette addiction relève désormais de centres spécialisés.


Le sevrage


Ce désir est parfois formulé par la toxicomane lors de la découverte de la grossesse. Il est alors motivé par la peur du risque des drogues sur l'enfant et le désir d'être une bonne mère. Il est difficile à réaliser car tout sevrage comporte un risque de mort fœtale. Si les patientes sont demandeuses, un sevrage progressif leur est proposé sur plusieurs semaines, soit en ambulatoire le plus souvent, soit en hospitalisation dans une maternité, en collaboration avec le service médical spécialisé dans les addictions. Dans le premier trimestre de la grossesse, le sevrage est déconseillé pour des raisons théoriques d'avortements.

Après le 7e mois, le bénéfice parait aléatoire sur le pronostic obstétrical et ne supprime pas toujours le risque du syndrome de manque chez le nouveau-né.


Les traitements de substitution

L'utilisation large de la méthadone, seule à avoir l'AMM pour les femmes enceintes comme substitut à l'héroïne en France, est bien codifiée dans cette indication, dans des centres agrées et selon des protocoles précis. L'autre mode de substitution est le Subutex® depuis 1996.

  • Les bénéfices d'une substitution en cours de gestation sont les suivants :
    • montrer l'attention que l'on porte à ces mères vulnérables,
    • permettre une meilleure surveillance de la grossesse,
    • stabiliser la dose de l'opiacé, ce qui diminue la souffrance fœtale (de 42 à 16 % dans des études comparatives),
    • permettre un soutien psycho-social et un meilleur investissement de l'enfant à naître,
    • faciliter l'allaitement lorsque le traitement substitutif est bien équilibré,
    • diminuer la prostitution et la délinquance,
    • envisager des aspects financiers (ouvertures de droits),
    • améliorer l'état nutritionnel maternel,
    • restaurer la confiance des toxicomanes vis-à-vis des soignants et de l'institution hospitalière en général.
  • Les risques : Une mère substituée reste une patiente à risque et doit être surveillée comme telle. Si la substitution entraîne une diminution des risques obstétricaux (en terme de prématurité et de taux de retard de croissance), ces risques n'en restent pas moins élevés +++. Le syndrome de sevrage du nouveau-né est plus intense et durable qu'avec l'héroïne et surtout retardé dans son apparition) et la mère doit en être avertie, en tout cas avec la méthadone.


À la sortie de l'hôpital, une prise en charge psychosociale doit bien sûr être mise en place et anticipée : centres de soins, soutien à domicile, etc. Jamais la place des sages-femmes de PMI (Protection Maternelle et Infantile), des puéricultrices de PMI, des assistantes sociales et des médecins de PMI n'a été aussi importante.

1/5