4  -  Conclusion

Ainsi les aménorrhées, très fréquentes, obligent à passer en revue les grands chapitres de l'endocrinologie de la reproduction et de la gynécologie. Leur diagnostic étiologique peut paraître complexe car la liste de leurs causes est longue. Au plan pratique, seul un nombre restreint d'entre elles sont très fréquentes, donc à ne pas méconnaître avant de débuter tout traitement estroprogestatif.

Aménorrhée : un symptôme que tout médecin doit connaître

Chez toute femme normale, après la puberté, avant la ménopause et en dehors de la grossesse, les règles doivent être régulières. C’est-à-dire qu’elles doivent survenir tous les 28 jours en moyenne (un écart de 1 à 2 jours par rapport à cette moyenne n’est pas forcément anormal). Cette régularité indique que l’utérus, les ovaires, l’hypophyse et l’hypothalamus de la femme fonctionnent normalement et sont donc indemnes d’une maladie.

On appelle aménorrhée une interruption des règles (aménorrhée secondaire) chez une femme préalablement réglée, ou la non-survenue de règles chez une adolescente (aménorrhée primaire). En dehors de la grossesse et de la ménopause, l’aménorrhée est toujours pathologique. Elle doit faire consulter un spécialiste du domaine après en avoir discuté avec le médecin traitant. Aucune pilule « pour régulariser les règles » ne doit être prescrite avant d’avoir trouvé la cause de l’aménorrhée. Il s’agit là d’une erreur, malheureusement fréquente, qui peut avoir des conséquences sérieuses pour la santé. En effet, la pilule estroprogestative ne fait que provoquer des règles artificielles qui vont rassurer à tort les adolescentes et les femmes. De ce fait, la maladie sous-jacente qui a provoqué l’interruption des règles va continuer à évoluer sans traitement, ce qui peut, répétons-le, avoir des conséquences sérieuses pour la santé.

L’interruption des règles sous pilule estroprogestative (contraceptif oral) ou progestative n’est pas un signe de maladie mais est simplement liée à ce type de médicament. Il suffit de discuter avec le médecin qui l’a prescrit pour voir si l’on peut changer (ou non) de « pilule ».

Les aménorrhées ou oligo-spanioménorrhées (des règles qui « sautent », par exemple une femme qui a des règles tous les trois mois) sont donc le témoin de l’existence d’une maladie de l’utérus, des ovaires ou de glandes qui sont situées à la base du cerveau (hypothalamus et hypophyse) (cf. figure 19.1). Dans la recherche d’une cause d’aménorrhée, certains dosages hormonaux sont essentiels comme les mesures de l’estradiol et des hormones hypophysaires LH, FSH et prolactine. On écarte aussi systématiquement une grossesse dont la femme et surtout l’adolescente ne serait pas consciente.

Les anomalies les plus fréquentes à l’origine d’une aménorrhée ou une oligoménorrhée d’origine hypothalamo-hypophysaire sont des tumeurs bénignes ou d’autres lésions de l’hypophyse. C’est la raison pour laquelle on est amené, lorsque la LH et FSH sont abaissées, à faire une image de l’hypophyse par IRM. Les adénomes hypophysaires sécrètent souvent une hormone qui s’appelle la prolactine qui, lorsqu’elle est à des taux excessifs dans le sang, peut entraîner un écoulement mammaire (galactorrhée), non expliqué par l’allaitement qui s’associe à l’interruption des règles.

Une autre cause fréquente d’aménorrhée hypothalamique, surtout chez l’adolescente, est la maigreur excessive, qui se mesure par l’indice de masse corporelle (IMC) : poids (en kg)/taille2. Chez ces femmes, l’IMC est inférieur à 21. Cette situation est le plus souvent liée à une restriction alimentaire inappropriée (surtout en matières grasses), fréquemment associée à une activité physique excessive.

Au niveau ovarien, la plus fréquente des maladies responsables d’oligo ou aménorrhée est le syndrome des ovaires polykystiques. C’est une maladie très fréquente qui touche 5 à 10 % des femmes. Cette affection chronique commence souvent à la puberté par l’association très typique que sont l’espacement ou l’interruption des règles avec assez souvent des signes évoquant une sécrétion ovarienne excessive d’hormones masculines par l’ovaire (testostérone) : acné, séborrhée (peau et cheveux gras) voire hirsutisme (pilosité excessive du visage, « moustache », favoris, seins, du pubis vers l’ombilic etc.). Ces femmes ont des difficultés à avoir des enfants sans traitements médicaux. Le diagnostic de cette maladie ovarienne fréquente se fait par l’« histoire des règles », jamais régulières (en dehors des phases de la vie sous pilule, avec « règles régulières » artificielles), l’examen, les dosages hormonaux et l’échographie ovarienne.

Un autre diagnostic de maladie de l’ovaire à poser devant une interruption des règles est l’insuffisance ovarienne prématurée, dont le diagnostic hormonal est général très facile (élévation de l’hormone FSH dans le sang) mais qui expose à une infertilité sévère très difficile à traiter.

Enfin, citons les causes utérines plus rares qui peuvent être la conséquence de lésions de l’utérus infectieuses et surtout traumatiques (IVG, ou manÅ“uvres chirurgicales après un accouchement difficile).

Quand une adolescente n’a pas de développement pubertaire (apparition des seins), elle ne peut pas avoir de règles. Parfois un développement partiel ou complet de la puberté (seins et pilosité) est possible mais sans apparition des règles après 14 ans. On parle là d’aménorrhée primaire, qu’il faut toujours explorer médicalement. En effet, dans ces situations les causes génétiques ou chromosomiques sont fréquentes, avec parfois des histoires similaires dans la famille.

6/6