4  -  Complications principales, régionales et à distance des foyers infectieux dentaires et gingivaux

Les complications des foyers infectieux dentaires peuvent être :

  • locales : pyorrhée alvéolodentaire, abcès sous-périosté, ostéite, stomatite érythémato-ulcéreuse, fistules faciales, granulome apical, puis kyste apical ;
  • régionales :
    • sinusite maxillaire ;
    • cellulite (extension de l'infection dans l'espace celluloadipeux de la face et du cou) localisée ou diffuse, adénite, adénophlegmon, ostéite ;
    • thrombophlébite (veine faciale, sinus caverneux) ;
  • à distance : complications cardiaques (endocardite bactérienne), ophtalmiques (uvéite, kératite), métastases septiques à distance (abcès du système nerveux central, pleuropulmonaire, osseux, rénal) ; complications générales (fièvre prolongée inexpliquée, septicémie, méningite).

4 . 1  -  Sinusite maxillaire d’origine dentaire

La sinusite maxillaire d’origine dentaire (SMOD) est une réaction inflammatoire de la muqueuse du sinus maxillaire consécutive à une infection d’origine dentaire.

Forme étiologique fréquente (40 %) de sinusite maxillaire, elle s’oppose aux sinusites d’origine nasale dont elle partage une partie de la symptomatologie. Le traitement impose, sous peine d’échec, de traiter conjointement sinus et dent.
 
Rappel anatomique : les dents sinusiennes

Les dents en rapport intime avec le plancher du sinus sont les prémolaires supérieures et les molaires supérieures (par ordre de fréquence : les 6, les 5, les 7, puis les 4) (fig. 9.6a). La mince couche d’os spongieux séparant les apex dentaires de la muqueuse sinusienne diminue avec l’âge et avec l’édentement (procidence du sinus, classique après la perte des premières molaires).

Figure 9.6 . Différents aspects radiologiques des sinusites maxillaires d’origine dentaire
6a. Les dents « sinusiennes ». bàe. Différents aspects radiologiques des sinusites maxillaires d'origine dentaire.

Étiologies
 
Foyers dentaires

Il s’agit le plus souvent d’une parodontite apicale d’origine endodontique, aiguë ou plus souvent chronique. Cette parodontite succède généralement à la mortification d’une
dent sinusienne cariée. Plus rarement, il s’agit d’une parodontite profonde d’origine sulculaire.
 
Causes iatrogènes

Les causes iatrogènes sont possibles, notamment après avulsion d’une dent maxillaire (communication bucco-sinusienne) ou dépassement de pâte lors de l’obturation d’une
dent sinusienne.
 
Diagnostic de sinusite
 
Signes d’appel

Les signes d’appel, qui témoignent d’une poussée de surinfection ou d’une rétention, sont :

  • une rhinorrhée purulente, unilatérale et fétide (cacosmie subjective de la flore anaérobie d’origine dentaire) ;
  • une algie maxillodentaire unilatérale et une obstruction nasale inconstantes.

Ces signes évoquent l’atteinte sinusienne ; leur unilatéralité oriente vers l’étiologie dentaire (80 % des cas unilatéraux).
 
Examen clinique

  • Examen facial

L’examen facial recherche une douleur élective à la pression de la paroi antérieure du sinus maxillaire, sous l’émergence du nerf infraorbitaire.

  • Examen rhinologique

L’examen rhinologique au speculum nasi (après mouchage) se décompose en deux rhinoscopie :

  • la rhinoscopie antérieure montre une congestion de la muqueuse et des sécrétions purulentes sous le cornet moyen et permet de s’assurer de la rectitude de la cloison nasale
  • la rhinoscopie postérieure retrouve du pus au niveau du cavum, sur la paroi postérieure du pharynx et sur la queue du cornet inférieur homolatéral.

 
Diagnostic de l’étiologie dentaire

Examen clinique

On recherche un foyer infectieux (caries, parodontopathie) au niveau des dents sinusiennes, avec surtout des signes de mortification. En pratique, seules les dents intactes réagissant aux tests de vitalité sont considérées comme hors de cause.

Parfois ne persiste qu’une communication bucco-sinusienne après avulsion ancienne.

Examens paracliniques

Ils sont dominés par l’examen radiographique, qui explore les deux pôles sinusien et dentaire de l’affection.
 
Technique

On distingue :

  • les clichés sinusiens standard (Blondeau, Hirtz), qui cèdent de plus en plus le pas à la scanographie sinusienne (coupes axiales et coronales), beaucoup plus précise ; ou encore à la tomographie informatisée (cone beam) qui à l'avantage de diminuer les radiations ;
  • pour la recherche du foyer dentaire, l'orthopantomogramme (ou des clichés rétroalvéolaires), qui complète le bilan.

 
Résultats

Au niveau sinusien :

  • la clarté du sinus maxillaire s'apprécie par rapport à la clarté orbitaire et celle des sinus controlatéraux, souvent sains ;
  • la sinusite se traduit par plusieurs types d'opacité :
    • opacité plus ou moins franche, totale ou limitée au plancher sinusien (épaississement, kyste ou polype) (fig. 9.6b) ;
    • opacité en cadre par hyperplasie muqueuse (fig. 9.6c) ;
    • opacité avec niveau liquide (rare, visible seulement sur le Blondeau en position debout) (fig. 9.6d) ;
    • corps radio-opaque dense intrasinusien, qui pose le problème d'un dépassement de matériel d'obturation canalaire ou d'une aspergillose (fig. 9.6e, 9.7 et 9.8) ;
  • signe négatif essentiel : les parois osseuses sont intactes.

Au niveau dentaire : l'atteinte de l'organe dentaire se traduit par des radio-clartés :

  • radio-clarté coronaire d'une carie ;
  • radio-clarté périradiculaire d'une parodontite marginale ;
  • radio-clarté péri-apicale d'une parodontite apicale (granulome ou kyste).


Figure 9.7 Sinusite maxillaire avec pâte dentaire
Figure 9.8 Aspect d'aspergillose

Formes cliniques

Plusieurs formes cliniques peuvent être distinguées.

Sinusite maxillaire chronique

Forme la plus fréquente, elle touche surtout l'adulte de plus de trente ans. La symptomatologie fonctionnelle se résume à une rhinorrhée unilatérale, purulente et fétide, qui évolue de manière cyclique par poussées de réchauffement, sans retour à la normal de l'aspect scanographique sinusien entre les poussées.

Sinusite aiguë

Rare, elle se confond bien souvent avec la périodontite apicale de la dent causale et associe : des douleurs maxillaires, pulsatiles et lancinantes, une rhinorrhée purulente abondante, une odontalgie vive au moindre contact, une tuméfaction vestibulaire en regard de la dent et une fébricule. L'absence de pus dans les fosses nasales et les douleurs violentes doivent faire évoquer une sinusite aiguë bloquée.

Sinusite atténuée

De plus en plus fréquente, elle pose de difficiles problèmes diagnostiques et thérapeutiques car les lésions dentaires causales ont été atténuées sous l'effet de traitement antibiotique et/ou endodontique. La symptomatologie est pauvre (rhinorrhée peu abondante et non fétide, signes fonctionnels discrets). Les signes sont essentiellement radiographiques et découverts à l'occasion d'une poussée inflammatoire ou d'une suspicion d'infection focale dermatologique ou oculaire. La symptomatologie radiologique se résume généralement à une opacité du plancher sinusien évoquant un épaississement polypoïde ou kystique de la muqueuse.

Sinusite avec communication bucco-sinusienne

La communication bucco-sinusienne est parfois évidente ; ailleurs, c'est l'examen avec une sonde mousse qui la met en évidence ou le passage de liquide dans la fosse nasale ou encore ou la sensation de « courant d'air » buccal lors de la manÅ“uvre de Valsalva.

Traitement

Le traitement, médicochirurgical, porte toujours sur la sinusite et sur sa cause dentaire. Il se résume le plus souvent à l'avulsion de cette dent.

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