4  -  Surveillance des porteurs de valve cardiaque

4 . 1  -  En postopératoire immédiat

Un relais par antivitamine K (AVK) est entrepris précocement, dès les premiers jours postopératoires ; il est maintenu à vie en cas de prothèse mécanique, 3 mois en cas de bioprothèse.
Vers le 8e–10e jour postopératoire, un séjour de convalescence en centre de réadaptation fonctionnelle cardiorespiratoire est débuté et dure de 3 à 4 semaines.
L’ETT précoce de la prothèse est essentiel, car il sert d’examen de référence pour le suivi ultérieur. Il est recommandé de considérer l’ETT fait au 3e mois postopératoire comme l’examen de référence (après correction de l’anémie et de la tachycardie postopératoires qui augmentent le débit cardiaque).

4 . 2  -  Surveillance ultérieure

4 . 2 . 1  -  Modalités

Le suivi est de 1 fois par mois, puis tous les 3 mois par le médecin traitant, afin de vérifier notamment l’état clinique et l’équilibre du traitement anticoagulant par les AVK.
La consultation du cardiologue a lieu au 2–3e mois postopératoire, à la fin de la convalescence, notamment pour la réalisation de l’ETT de référence. Le suivi est pratiqué ensuite par le cardiologue 1 à 2 fois par an.
Le porteur de valve cardiaque doit être muni d’un(e) :

  • carte de porteur de prothèse, qui lui est remise à la sortie du service de chirurgie cardiaque, précisant le type, le diamètre et le numéro de série de la prothèse ;
  • carnet de surveillance du traitement anticoagulant précisant l’INR cible ;
  • une carte d’antibioprophylaxie précisant les modalités pour son dentiste, car il est à haut risque d’endocardite +++.

4 . 2 . 2  -  Surveillance clinique

Il faut vérifier l’absence de réapparition des symptômes ayant justifié le remplacement valvulaire.
La réapparition d’une dyspnée ou une récidive d’insuffisance cardiaque doivent faire suspecter une dysfonction de prothèse et nécessitent une réhospitalisation.
L’auscultation de la prothèse est essentielle pour la surveillance :

  • les bioprothèses ont une auscultation identique à celle des valves natives ;
  • les prothèses mécaniques ont une auscultation très particulière. Les bruits d’ouverture et surtout de fermeture sont intenses, claqués, métalliques. Les prothèses récentes, à double ailette, sont moins bruyantes que les valves d’ancienne génération ;
  • les modifications pathologiques sont la diminution d’intensité ou le caractère variable des bruits d’ouverture ou de fermeture d’un cycle cardiaque à l’autre, l’apparition ou l’augmentation d’intensité d’un souffle systolique, ou l’apparition d’un bruit diastolique surajouté (souffle d’insuffisance aortique en cas de prothèse aortique ou roulement diastolique en cas de prothèse mitrale).

L’absence de fièvre ou de foyer infectieux doit être vérifiée soigneusement à chaque consultation.

4 . 2 . 3  -  Surveillance radiologique

Le cliché de thorax permet d’apprécier les modifications de volume de la silhouette cardiaque, qui doit diminuer de taille après le remplacement valvulaire.
Le radio-cinéma de prothèse est particulièrement intéressant pour apprécier le jeu de l’élément mobile de la prothèse et reste, avec l’échocardiogramme-doppler, l’un des meilleurs éléments du diagnostic d’une dysfonction de prothèse.

4 . 2 . 4  -  Surveillance ECG

L’ECG permet de surveiller le rythme cardiaque et de constater la régression éventuelle d’une hypertrophie ventriculaire gauche ou droite, mais il n’apporte pas d’élément spécifique pour la surveillance de la prothèse.

4 . 2 . 5  -  Échocardiogramme-doppler

Il doit être pratiqué au moins 1 fois par an.
L’ETT et l’ETO sont les examens les plus performants pour la surveillance des prothèses valvulaires et le diagnostic des dysfonctions de prothèse (figure 6).
L’examen bidimensionnel permet d’apprécier le jeu de l’élément mobile.
L’examen au doppler mesure les gradients transprothétiques, surtout le gradient moyen. Couplé à l’examen bidimensionnel, il détermine également la « surface utile » de la prothèse.
Les dopplers continu et couleur permettent également de mettre en évidence une fuite prothétique, intraprothétique ou paraprothétique par désinsertion de la valve.
Chez un même patient, il y a tout intérêt à comparer les résultats d’un examen à l’autre, le patient étant sa propre référence.
Les gradients les plus faibles sont enregistrés sur les bioprothèses et, pour les prothèses mécaniques, sur les valves à double ailette.
En cas de suspicion de dysfonction de prothèse, l’ETO est d’un apport essentiel, notamment s’il s’agit d’une prothèse mitrale, qui est particulièrement bien visualisée par cette technique. L’ETO est donc systématique en cas de suspicion de thrombose, d’endocardite sur prothèse ou de désinsertion.

Figure 6 : Prothèse mécanique mitrale à double ailette, normale. ETO
Les deux ailettes sont ouvertes, verticales et génèrent des échos de réverbération.

4 . 2 . 6  -  Surveillance biologique +++

Un équilibre parfait du traitement anticoagulant par les AVK est indispensable, et ceci à vie. La surveillance du traitement AVK doit être faite par l’INR (international normalized ratio). Les porteurs de bioprothèses ne nécessitent pas de traitement anticoagulant, sauf durant les trois premiers mois postopératoires ou s’il existe une autre raison de le prescrire, telle que fibrillation atriale ou maladie thrombo-embolique veineuse.
L’INR doit être surveillé au moins 1 fois par mois (beaucoup plus souvent en pratique ou si nécessaire).
Pour les porteurs de prothèses mécaniques, les recommandations des sociétés savantes sont nuancées et préconisent un INR différent en fonction du type de prothèse et des facteurs de risque liés au patient lui-même. Le niveau exact d’anticoagulation souhaité pour un malade donné est à discuter avec le cardiologue et doit être établi individuellement pour chaque patient selon les recommandations de la Société européenne de cardiologie 2007 qui tiennent compte du type de prothèse, de sa position, de la présence d’une FA (fibrillation atriale), etc.
Le tableau 1 récapitule de façon délibérément simplifiée les nouvelles valeurs 2007 des INR cibles qui concernent les principales situations. D’autres valves non citées dans le tableau comme la valve de Starr nécessitent des niveaux d’anticoagulation encore plus élevés.

Tableau 1. INR cible simplifié pour les prothèses mécaniques
Type de prothèse INR cible
Valve aortique à double ailette* pas de FA et fraction d’éjection > 35 % 2,5 (entre 2 et 3)
Valve aortique à double ailette* et FA ou FE < 35 % 3 (entre 2,5 et 3,5) 
Valve à double ailette* d’autre localisation (mitrale, tricuspide, pulmonaire) 3 (entre 2,5 et 3,5) 
Valve à disque de type Björk-Shiley‚ ou valve à double ailette d’autres marques  3,5 (entre 3 et 4)
* Valves Medtronic-Hall®, Saint-Jude® ou Carbomedics®.

Le traitement anticoagulant ne doit jamais être interrompu, sauf en cas d’hémorragie mettant en jeu le pronostic vital immédiat. Dans ce cas, si la neutralisation de l’AVK est nécessaire, on administre du plasma frais de préférence à la vitamine K (0,5 à 2 mg).
En cas d’extraction dentaire, le patient peut être traité en ambulatoire, avec un INR de 2 à 2,5 (interruption du traitement anticoagulant 1 à 3 jours avant et reprise des AVK le jour de l’extraction).
En cas de chirurgie extracardiaque, on arrête les AVK pour obtenir un INR à 1 et on administre de l’héparine non fractionnée de manière à obtenir un TCA de 2 fois le témoin. L’héparine non fractionnée est interrompue de sorte que le TCA soit normal au moment de l’opération et elle est reprise dès que possible en postopératoire. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sont de plus en plus utilisées pour l’anticoagulation des prothèses valvulaires, à condition bien sûr de les employer à dose curative et non à dose préventive, mais elles n’ont pas l’AMM dans cette indication.

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