3 . 4  -  Malformations d’organes

La formation d’un organe débute à partir d’un massif cellulaire indifférencié (blastème rénal, pulmonaire, etc.). Celui-ci subit des phénomènes d’induction sous la dépendance d’un tissu voisin déjà différencié. Par exemple, dans le rein, le bourgeon urétéral (diverticule du canal de Wolf) pénètre dans le blastème rénal et induit la différenciation des néphrons.

Entre le début du développement d’un organe et son achèvement, se produit souvent une série d’événements reliés entre eux. Leur perturbation pourra être à l’origine de malformations diverses :

  • l’agénésie est l’absence complète d’un organe par absence de son ébauche embryonnaire (agénésie rénale uni- ou bilatérale, amélie [absence d’un membre]) ;
  • l’aplasie correspond à l’absence de développement d’un organe dont l’ébauche est présente mais rudimentaire et non fonctionnelle (anencéphalie, où l’encéphale est réduit à deux petits bourrelets latéraux) ;
  • l’hypoplasie est l’insuffisance de développement de l’ébauche d’un organe (hypoplasie rénale intéressant tout le rein de façon harmonieuse ou seulement un segment de rein) ;
  • la dysplasie est l’organisation anormale d’un tissu, avec des conséquences morphologiques à l’échelon macroscopique, histologique ou moléculaire :
  • elle peut être limitée à un organe (dysplasie rénale : rein dont les glomérules et les tubes sont mal différenciés et architecturalement désorganisés),
  • ou être multi-viscérale (dysplasie fibreuse des os).

Remarque

Le terme de dysplasie désignait étymologiquement uniquement les lésions tissulaires résultant d’une anomalie du développement. Cependant, le terme de dysplasie est aussi utilisé actuellement pour désigner des anomalies acquises de la différenciation et de la prolifération cellulaire qui sont des lésions pré-cancéreuses (cf. chapitre 9, « Histoire naturelle du cancer »).

On peut classer les principales variétés de malformations selon leur mécanisme de formation :

  • défaut d’induction. L’organogénèse ne se déclenche pas. La conséquence est une agénésie : absence complète d’organe (ex : agénésie rénale uni ou bilatérale – figure 5.21, ou pulmonaire – figure 5.22) ;
  • induction anormale :
    • fragmentation de l’ébauche, aboutissant à un organe surnuméraire ou accessoire (rein, rate, poumon [séquestration pulmonaire extra-lobaire]),
    • dédoublement de l’inducteur, telle la bifurcation du bourgeon urétéral donnant deux inductions normales juxtaposées dans un même blastème => duplication rénale,
    • duplications complètes ou partielles : digestives (intestinales, coliques…), situées sur le bord mésentérique, fermées (kystiques) ou communicantes (figure 5.23) ;
  • perturbation de la prolifération cellulaire (sous l’effet de facteurs endo ou exogènes). En cas d’arrêt du développement on aboutit à une aplasie de l’organe considéré si la réduction est très importante, ou à une hypoplasie si elle est moindre. Ex : hypoplasie pulmonaire (figure 5.24) ou rénale. Au contraire, la stimulation excessive de la prolifération cellulaire induit une hyperplasie ;
  • défaut de fusion. Le développement normal d’une région peut nécessiter la fusion de plusieurs ébauches. L’absence de fusion entraînera une béance anormale = dysraphie. Ex : défaut de fermeture du tube neural, fente labio-palatine, dysraphie abdominale ;
  • symphyse congénitale ou coalescence pathologique d’organes normalement séparés. Ex : rein en fer à cheval (figure 5.25) ;
  • stade de tunnellisation d’une ébauche pleine. La plupart des viscères creux passent par ce stade. De même un certain nombre de structures sont appelées à se résorber. Les défauts de tunnellisation peuvent aboutir à une imperforation (anale, choanale, hyménéale…) ou à une atrésie (occlusion d’un conduit naturel). L’atrésie du tube digestif peut être complète (localisée ou étendue) (figure 5.26), ou incomplète (sténose congénitale ou diaphragme intestinal) (figure 5.27).
Figure 5.21. Agénésie complète de l’appareil urinaire : rein et uretères
On distingue, sur la face interne de la paroi abdominale antérieure, les deux artères ombilicales. Les deux surrénales prennent, en l’absence des 2 reins, une forme discoïde caractéristique.
Figure 5.22. Agénésie pulmonaire unilatérale droite (en haut), gauche (en bas)
Figure 5.23. Duplication digestive communicante
La duplication (siège côté méso) est dilatée et se raccorde à angle aigu avec le tube digestif non dupliqué.
Figure 5.24. Hypoplasie pulmonaire gauche (au cours d’une hernie diaphragmatique par agénésie de coupole gauche)
Figure 5.25. Reins en fer à cheval (coupe frontale) : la zone de fusion est située à la partie inférieure devant le rachis
Figure 5.26. Atrésie intestinale : un cordon atrétique relie les deux segments digestifs (lésion clastique)
Figure 5.27. Diaphragme intestinal : l’obstacle est constitué par un diaphragme muqueux (défaut de tunnellisation)
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