3  -  Étude analytique des malformations

3 . 1  -  Dysembryoplasies

Vestiges (dysembryoplasies vestigiales)

Les vestiges correspondent à des défauts d’involution, c’est-à-dire à la persistance après la naissance, de structures dont la présence n’est normale qu’à certains stades de la vie intra-utérine.

Ils sont relativement fréquents et en général quiescents. On distingue trois types de dysembryoplasies vestigiales :

1. les canaux embryonnaires
peuvent être borgnes ou ouverts :

  • les canaux borgnes sont issus de l’invagination d’un tissu, à l’origine d’un organe ; sa persistance totale et pathologique donnera un sinus (ex : sinus pilonidal) ; l’oblitération de l’extrémité restée initialement ouverte va donner un kyste, un organe surnuméraire ou une tumeur (ex : vestiges du canal thyréoglosse donnant un kyste médian du cou (dénommé kyste du tractus thyréoglosse) ou une thyroïde linguale),
  • les canaux ouverts (aux 2 extrémités) peuvent être à l’origine d’une fistule congénitale ou d’un diverticule (ex : la persistance du canal omphalo-mésentérique peut aboutir à une fistule iléo-ombilicale congénitale ou à un diverticule de Meckel) ;


2. les poches embryonnaires
(fentes branchiales) sont de topographie cervicale et correspondent à des invaginations de l’ectoderme sur le versant cutané et de l’endoderme sur la face pharyngienne. La persistance d’une poche aboutit soit à un sinus congénital externe le long du bord supérieur du muscle sterno-cleïdo-mastoïdien, soit à un diverticule interne sur le pilier postérieur de l’amygdale, le rhinopharynx ou le sinus piriforme. La communication de deux poches (ectodermique externe et pharyngienne interne) situées au même niveau donnera une fistule congénitale pharyngo-cutanée. L’oblitération de l’orifice d’une poche donnera un kyste branchial du cou (couramment dénommé kyste amygdaloïde) ;

3. les bourgeons pleins sont issus du blastème embryonnaire : masse cellulaire indifférenciée pouvant engendrer tout ou partie d’un organe (rein, foie, système nerveux), et générer des tissus épithéliaux et mésenchymateux. En pathologie, la persistance de plages de tissus blastémateux (restes néphrogéniques (figure 5.9) ou neuroblastiques), peut parfois être à l’origine de tumeurs de blastème (voir chapitre 11).

Figure 5.9. Reliquat (reste) néphrogénique péri-lobaire (flèches) dans un rein enlevé après traitement pour néphroblastome chez un enfant porteur d’un syndrome de Wiedemann-Beckwith

Choristum

Un choristum correspond à la présence dysgénétique d’un tissu ou d’un organe qui n’existe pas normalement à cet endroit ; pour les tissus, on parle d’hétérotopie (gastrique, pancréatique – figure 5.10).

Figure 5.10. Foyer d’hétérotopie pancréatique gastrique (en haut et à gauche)

Le choristum peut provenir d’un blocage de migration (organe aberrant) ou de la division d’une ébauche embryonnaire, avec détournement d’un fragment de l’ébauche (ex : nodule cortico-surrénalien para-testiculaire – figure 5.11). La lésion peut être latente ou se présenter comme une tumeur, dénommée choristome.

Figure 5.11. Hétérotopie surrénalienne (flèches : nodule à droite partie moyenne et cartouche) pelvienne ; en haut à gauche ovaire foetal

Hamartum

Un hamartum est un assemblage désordonné de tissus identiques à ceux de l’organe ou du territoire dans lequel on les trouve (type de tissu normal pour le territoire considéré, mais agencement anormal). L’aspect réalisé est en général celui d’une tumeur, dénommée hamartome. Il en existe de nombreux exemples : hamartome vasculaire sanguin (hémangiome), hamartome cutané impliquant le système pigmentaire (nævus nævocellulaire), etc.

3 . 2  -  Tératomes

Les tératomes sont constitués de tissus étrangers à la région qui les abrite mais qui ressemblent à ceux qui se succèdent au cours du développement depuis le stade embryonnaire jusqu’au stade adulte, cela par différenciation des trois feuillets primordiaux. Ils se présentent en général comme une tumeur, dénommée tératome. Ils sont classés en fonction de leur topographie, de leur degré de différenciation (mature ou immature), du nombre de feuillets qui les composent, de leur nature dysgénétique ou germinale, de la concordance ou non entre le degré de différenciation/maturation et l’âge du porteur (voir chapitre 11).
Exemple : tératome sacro-coccygien, le plus fréquent en période néonatale (figure 5.12).

Figure 5.12. Tératome sacro-coccygien : diagnostic anté-natal, mort foetale in utero
Le volume du tératome dépasse largement celui de la tête et peut poser problème à l’accouchement.

3 . 3  -  Grandes malformations externes

Ce sont des dysgenèses spectaculaires dues à des impacts tératogènes de survenue très précoce au cours du développement embryonnaire, souvent graves et incompatibles avec la vie. La plupart d’entre elles, qualifiées de monstruosités, sont dues à la perturbation d’un événement majeur de l’embryogénèse.

Parmi les grandes malformations externes :

  • les dysraphies correspondent à l’absence de fermeture, à la fermeture partielle ou à la soudure incomplète de bourgeons (Tube neural : anencéphalie [figure 5.13], encéphalocèle [figure 5.14] ; Bourgeons faciaux : fente labiale et labio-palatine ; Paroi abdominale : hernie ombilicale, omphalocèle (avec ectopie viscérale), laparoschisis (figure 5.15) ou exstrophie vésicale (figure 5.16) ;
  • la dysgénésie caudale est une anomalie de formation de l’extrémité caudale de la colonne vertébrale par perturbation de la fonction inductrice du sacrum sur le développement de l’extrémité caudale, qui induit un trouble de gravité variable : au minimum sinus pilonidal, ou bien imperforation anale – atrésie rectale, au maximum sirénomélie (figure 5.17) ;
  • une intervention tératogène lors de la formation des bourgeons des membres peut entraîner l’agénésie d’un membre : amélie, ectromélie, phocomélie (atrophie des membres aboutissant à l’implantation directe des mains et/ou des pieds directement sur le tronc, même racine que « phoque ») (figure 5.18) ;
  • pathologie de la gémellité : monstres doubles.
    Ils peuvent être isopages si les deux individus sont égaux et symétriques, en Y (figure 5.19), en lambda (figure 5.20) ou en X (les siamois sont isopages), ou anisopages dans le cas contraire. Ils sont reliés entre eux de manière variable : simple pont tégumentaire, partie plus ou moins importante de la paroi du tronc (thoracopages et/ou abdominopages) et peuvent avoir un certain nombre de viscères anastomosés ou communs.
Figure 5.13. Anencéphalie : défaut de fermeture du neuropore antérieur ne permettant pas le développement des hémisphères cérébraux
Figure 5.14. Encéphalocèle volumineuse, de siège un peu inhabituel, l’implantation est plus fréquemment occipitale
Figure 5.15. Laparoschisis droit : ce défaut de fermeture de la paroi abdominale en général isolé, ne concerne pas l’ombilic
les viscères sont extériorisés et sont agressés par le liquide amniotique dans lequel ils baignent avant la naissance ; au contraire de l’omphalocèle (figures 5.2 et 5.3), où ils sont protégés par le péritoine.
Figure 5.16. Extrophie vésicale : defect de la paroi abdominale sous un ombilic bas implanté, exposant la vessie (réduite à la plaque vésicale, le détrusor) ; un défaut de fermeture du pubis est associé, ainsi qu’un épispadias complet
Figure 5.17. Sirénomélie : forme majeure d’un trouble de développement du pôle caudal, dont la partie la plus spectaculaire concerne les membres inférieurs faisant, à l’extrême ressembler le foetus, quoique très imparfaitement, à la sirène de la mythologie
Figure 5.18. Tétra-phocomélie complète (absence des 4 membres)
Figure 5.19. Siamois isopages en Y
Figure 5.20. Siamois isopages en lambda (Janus asymétrique)
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