2 . 3  -  Techniques d'étude morphologique des prélèvements cellulaireset tissulaires

La qualité des prélèvements conditionne la qualité de l’étude anatomopathologique. Le médecin préleveur et prescripteur a une responsabilité dans l’acte anatomopathologique en s’assurant de la bonne réalisation technique du prélèvement et de son acheminement dans de bonnes conditions au laboratoire (dans des délais brefs, en respectant les règles de fixation, accompagné d’une demande d’examen correctement renseignée).

Enregistrement

Lorsqu’un prélèvement parvient au laboratoire, il est enregistré et reçoit un numéro d’identification unique. Celui-ci sera retranscrit sur les blocs et les lames, qui seront examinées au microscope après le traitement technique du prélèvement. Chaque prélèvement doit être accompagné d’une fiche de renseignements remplie par le médecin prescripteur qui doit mentionner :

  1. l’identité du patient : nom, prénom(s), date de naissance, sexe ;
  2. le siège, la date (jour et heure) et la nature du prélèvement (biopsie ou exérèse) ;
  3. les circonstances cliniques et paracliniques qui ont motivé le prélèvement et éventuellement les hypothèses diagnostiques ;
  4. l’aspect macroscopique ou endoscopique des lésions (un compte-rendu opératoire peut être utilement joint), éventuellement l’aspect d’imagerie, en particulier pour les tumeurs osseuses ;
  5. les antécédents pathologiques du patient, en particulier, dans la mesure du possible, les antécédents d’examens anatomopathologiques effectués dans un autre laboratoire et la nature des traitements éventuellement administrés au malade ;
  6. les nom et coordonnées du médecin prescripteur et du préleveur, et éventuellement ceux des autres médecins correspondants.

2 . 3 . 1  -  Techniques d'étude des cellules

Étalement des cellules sur des lames de verre

L’étalement est fait par le préleveur lors des cytoponctions d’organes, des frottis, écouvillonnage, brossages ou appositions. Ce geste simple doit être bien maîtrisé pour éviter un écrasement des cellules, ou des amas, en plusieurs couches peu interprétables (figure 1.4).

Figure 1.4 : Ponction cytologique
À gauche : projection du produit de ponction à l’aiguille sur une lame.
Au centre : la goutte est étalée, tirée à l’aide d’une autre lame.
À droite : lame d’un étalement cytologique après coloration.

Cytocentrifugation sur lame de verre

Le liquide (naturel, ou d’épanchement, ou de lavage) est acheminé au laboratoire où il est centrifugé directement sur une lame de verre, sous forme de pastille (figure 1.5).

Figure 1.5 : Cytocentrifugation d'un liquide d'ascite
À gauche : cytocentrifugeuse.
À droite : spot de cytocentrifugation sur lame après coloration.

Fixation des étalements

Elle se fait soit par simple séchage à l’air pour la coloration de May-Grünwald-Giemsa (figure 1.6),

Figure 1.6 : Produit de cytoponction d’un ganglion lymphatique de lymphome de Hodgkin ; étalement coloré au May-Grünwald-Giemsa

soit par immersion dans l’alcool-éther, ou par application d’un aérosol de laque fixante pour les colorations de Harris-Schorr, ou de Papanicolaou (frottis cervico-utérins notamment [figure 1.7]).

Figure 1.7 : Frottis cervico-utérin : étalement coloré au Papanicolaou

Afin d’éviter l’altération des cellules par autolyse, la fixation, la cytocentrifugation et la coloration doivent être effectuées rapidement après l’obtention du prélèvement :

  • fixation des frottis cervico-utérins par le médecin préleveur ;
  • acheminement rapide d’un liquide à l’état frais au laboratoire ;
  • et coloration au MGG sans délai excessif de lames séchées à l’air.

En cas de besoin (par exemple, recueil d’un liquide en dehors des heures d’ouverture d’un laboratoire) un liquide peut être provisoirement stocké dans un réfrigérateur à +4 °C.

Étalement des cellules en monocouche


Cette technique moins répandue consiste à recueillir les cellules par ponction (séreuse, organe plein…), ou par frottis (col utérin) et à les transmettre au laboratoire dans un liquide conservateur. Les cellules présentes dans le flacon du fixateur sont ensuite remises en suspension et éventuellement soumises à une dispersion par gradient de densité. Ensuite on effectue un processus de concentration (par filtration et/ou centrifugation). Enfin, les cellules sont transférées en couche mince sur une lame et sur une pastille de taille déterminée.

L’analyse d’un liquide peut également se faire après fixation et inclusion en paraffine d’un culot de centrifugation, qui est alors effectué de la même façon qu’un prélèvement tissulaire.

La technique de prise en charge d’un prélèvement cytologique étant rapide (environ une heure), un résultat urgent peut être donné au médecin prescripteur de l’examen le jour même du prélèvement. Des colorations spéciales et des réactions immunocytochimiques peuvent également être effectuées, à condition de disposer du nombre de lames nécessaires (d’où l’importance des renseignements cliniques fournis à la réception du prélèvement).

Un examen cytopathologique fournit des renseignements souvent partiels, voire sans certitude. Par exemple, les anomalies cytoplasmiques et nucléaires observées dans des cellules cancéreuses, peuvent être difficiles à distinguer de modifications cellulaires induites par des phénomènes inflammatoires ou régénératifs. En outre, lors de l’étude de cellules isolées, des critères importants du diagnostic d’un cancer tels que l’architecture du tissu néoplasique et ses relations avec le tissu sain ne sont pas analysables. L’examen cytopathologique est le plus souvent un examen de dépistage ou d’orientation diagnostique. Un contrôle par biopsie peut être nécessaire avant toute thérapeutique.

2 . 3 . 2  -  Techniques d'étude des tissus

La technique de base comporte plusieurs étapes : la fixation, l’inclusion en paraffine, la confection de coupes et leur coloration. Avant la fixation, il est possible d’effectuer sur le tissu frais des appositions sur lames pour une étude cytopathologique, et des prélèvements pour des techniques particulières :

  • la congélation ;
  • la fixation adaptée à la microscopie électronique ;
  • la mise en culture pour étude cytogénétique, ou en suspension cellulaire pour étude par cytométrie en flux.

En ce qui concerne les pièces opératoires, une étape d’analyse macroscopique est indispensable, avant (idéalement) ou après la fixation de la pièce.

Étude macroscopique

L’examen macroscopique détaillé est une partie essentielle de l’étude d’une pièce opératoire : la pièce est examinée, mesurée, pesée, palpée puis disséquée (figure 1.8).

Figure 1.8 : Examen macroscopique d’une pièce opératoire
Mesure et dissection d’une pièce d’Å“sogastrectomie fixée dans le formol puis sélection des prélèvements destinés à l’étude

Chaque lésion est repérée sur un schéma et éventuellement photographiée. Ces constatations sont confrontées aux documents cliniques et/ou radiologiques, ce qui souligne l’importance des renseignements écrits fournis par le médecin clinicien. En cas de pièces opératoires complexes (exérèse monobloc de plusieurs organes, ou pièce de résection selon une méthode non conventionnelle), le chirurgien devra adresser la pièce avec des indications de repérage topographique. Il peut être utile de marquer les berges d’une pièce de résection de tumeur avec une encre indélébile : ceci ne nuit pas à l’étude histologique et permet d’apprécier exactement la distance entre la tumeur et la limite chirurgicale de la pièce (figure 1.9).

Figure 1.9 : Pièce d’exérèse de prostate et de vésicules séminales
A. Surface tatouée à l’encre de chine. B. Tranche de section de la prostate : l’encre ne pénètre pas en profondeur. En bas lors de l’examen microscopique, l’encre permet de repérer exactement les limites de la résection chirurgicale (limite noire à gauche).

L’examen macroscopique donne des indications pour le pronostic de la maladie (notamment la taille et la localisation d’un cancer) et il permet de sélectionner les territoires à prélever pour l’étude microscopique : zones lésées, zones d’aspect macroscopique sain et limites d’exérèse.

Après le choix des prélèvements destinés à l’analyse microscopique, les restes de la pièce opératoire sont conservés pendant quelques jours ou semaines afin de pouvoir en cas de nécessité effectuer des prélèvements complémentaires.

Fixation

La fixation est indispensable pour conserver la morphologie cellulaire, elle doit être immédiate ou au moins très rapidement débutée après l’obtention du prélèvement. Toute fixation défectueuse rend l’étude anatomopathologique difficile voire impossible (dessiccation et/ou autolyse du tissu).

Si le laboratoire est situé à proximité immédiate du lieu de prélèvement, celui-ci peut être acheminé rapidement (moins d’une heure) et confié à l’anatomopathologiste qui choisira les conditions de fixation les plus adaptées. Sinon, la fixation doit être effectuée par le médecin préleveur.

Trois précautions doivent être prises :

  1. le volume du fixateur doit représenter environ 10 fois le volume de la pièce ;
  2. le récipient doit être de taille suffisamment grande pour prévenir les déformations des pièces opératoires volumineuses ;
  3. avant fixation, les organes creux (tube digestif, vésicule biliaire, utérus) doivent être ouverts et si nécessaire lavés de leur contenu afin de prévenir l’autolyse des muqueuses ; les organes pleins volumineux (foie, rate) doivent être coupés en tranches pour faciliter la pénétration rapide et homogène du fixateur, les poumons peuvent être fixés par insufflation d’une solution de formol dans les bronches ou coupés en tranches. Seuls les cerveaux de nécropsies seront plongés dans une solution de formol sans être tranchés en raison de la fragilité de la substance cérébrale.

La durée de la fixation dépend de la taille du prélèvement : au minimum 2 à 5 heures pour une biopsie et 48 heures pour une pièce opératoire.

Nature du fixateur : le fixateur le plus habituellement utilisé est le formol à 10 % tamponné. Pour les biopsies de petites tailles, des fixateurs à base d’alcool peuvent être utilisés (fixation encore plus rapide, mais effet délétère sur certains antigènes, ce qui peut nuire à des techniques particulières d’immunohistochimie).

Cas particuliers des tissus calcifiés : les prélèvements calcifiés (os, certaines tumeurs) doivent être sciés, puis fixés, puis plongés dans une solution décalcifiante (acide) avant d’être inclus dans la paraffine, ce qui rallonge la durée de la technique.

Imprégnation et inclusion

Les prélèvements ayant achevé leur fixation sont déposés dans des cassettes en plastique, directement s’il s’agit de biopsies ou, s’il s’agit de pièces opératoires, après l’étape d’examen macroscopique au cours de laquelle sont prélevés des fragments de petite taille (en moyenne 2 x 0,3 cm). Puis les tissus contenus dans les cassettes sont déshydratés par passage dans des alcools, l’alcool est éliminé par des solvants (xylène), puis la paraffine liquide à 56 °C imprègne les tissus et est refroidie. Ces étapes sont automatisées dans des appareils à inclusion. L’étape finale de l’inclusion est manuelle et consiste à réorienter convenablement le fragment tissulaire dans le sens de la coupe dans un moule de paraffine (figure 1.10).

Figure 1.10 : Inclusion manuelle du tissu dans un moule de paraffine
En haut : orientation des prélèvements dans la paraffine liquide.
En bas : refroidissement de la paraffine.

Coupes et colorations

Le bloc solide de paraffine contenant le tissu est coupé grâce à un microtome, les coupes de 3 à 5 microns d’épaisseur sont étalées sur des lames (figure 1.11).

Figure 1.11 : Technique histologique : étapes manuelles
B : coupe au microtome. C : étalement.

Après dissolution de la paraffine, puis réhydratation, le tissu est coloré. La coloration usuelle associe un colorant basique nucléaire (hématéine, hématoxyline) et un colorant acide cytoplasmique (éosine, érythrosine, ou phloxine). On y ajoute souvent du safran qui se fixe sur le collagène (figure 1.12).

Figure 1.12 : Coloration hématoxyline-éosine-safran d’une muqueuse de trompe utérine
Les cytoplasmes sont roses, les noyaux bleutés, le collagène jaune.

La coupe colorée est protégée par une lamelle de verre collée, ou par un film plastique transparent (figure 1.13). Elle est alors prête à être analysée au microscope par un médecin anatomopathologiste.

Figure 1.13 : Coupe du tissu étalé sur lame et coloré en hématoxyline-éosine-safran
En bas : tissu inclus en paraffine dans le bloc correspondant.
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