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Tout patient suspect d’embolie pulmonaire grave doit être hospitalisé en réanimation ou dans une unité de soins intensifs spécialisés cardiologiques ou pneumologiques et bénéficier d’une surveillance médicale rapprochée et d’un monitorage continu (scope, saturation de pouls, pression artérielle non invasive), y compris durant le transport vers les examens d’imagerie.
Le traitement anticoagulant de l’embolie pulmonaire vise avant tout à prévenir les récidives, dont les conséquences sont d’autant plus à craindre qu’elles surviennent sur un ventricule droit soumis à une contrainte élevée voire déjà défaillant. Il reste donc indispensable dans les formes graves et doit être débuté dès la suspicion clinique d’embolie pulmonaire grave. Pour autant, il ne possède pas de particularité majeure par rapport à celui des embolies bien tolérées. La seule particularité des embolies graves concerne les antivitamines K, qu’il semble plus prudent d’initier après correction des éventuels désordres de la coagulation induits par la fibrinolyse, le foie cardiaque et l’état de choc. Les héparines de bas poids moléculaire n’ont pas actuellement l’autorisation de mise sur le marché pour le traitement des embolies pulmonaires graves.
L’hypoxémie de l’embolie pulmonaire grave est en règle générale facilement corrigée par l’oxygénothérapie (5 à 10 L/min). Son efficacité est surveillée par le monitorage continu de la saturation de pouls. La ventilation non invasive n’a pas d’intérêt démontré dans cette situation. Les indications de l’intubation et de la ventilation mécanique sont rares. Il s’agit soit d’une détresse respiratoire aiguë non améliorée par l’oxygénothérapie à fort débit, soit de troubles de conscience secondaires au bas débit, soit, bien sûr, de la survenue d’un arrêt cardiaque.L’expansion volémique permet, par le biais d’une augmentation de la précharge ventriculaire droite, d’améliorer le débit cardiaque des patients atteints d’embolie pulmonaire grave. À l’inverse, une expansion volémique excessive pourrait, en majorant la distension ventriculaire droite, induire une dégradation hémodynamique. Compte tenu de ces données, on peut recommander une expansion volémique, limitée à 500 mL d’un colloïde artificiel. En cas d’hypotension et/ou de signes périphériques de choc persistant après expansion volémique, on a recours à un traitement inotrope positif. Le médicament inotrope de choix dans cette situation est la dobutamine (Dobutrex), administrée en perfusion continue à la seringue électrique. La posologie de dobutamine (5 à 20 µg/kg/min) doit être adaptée en fonction de l’évolution clinique (fréquence cardiaque, pression artérielle, marbrures). En cas d’hypotension artérielle persistante après expansion volémique et sous dobutamine à forte dose (20 µg/kg/min), on a recours à la noradrénaline (Lévophed).
L’évaluation du traitement symptomatique de l’embolie pulmonaire grave est essentiellement clinique : fréquence respiratoire, fréquence cardiaque, pression artérielle, saturation de pouls, signes périphériques de choc. La mise en place d’un cathéter artériel pulmonaire n’est pas recommandée, en première intention, dans cette situation, ce d’autant que la ponction d’une veine centrale majore le risque hémorragique en cas de traitement thrombolytique. Pour la même raison, la réalisation itérative de ponctions artérielles pour mesure des gaz du sang doit être proscrite.
Le traitement anticoagulant conventionnel prévient l’extension de la thrombose veineuse profonde et les récidives emboliques mais est dépourvu d’action fibrinolytique cliniquement significative. La revascularisation artérielle résulte ainsi essentiellement de la fibrinolyse physiologique, dont l’effet est négligeable au cours des premières heures de traitement alors que la mortalité des embolies pulmonaires graves est très élevée dans cette période. La lyse rapide d’une partie des thrombi provoquée par le traitement thrombolytique induit une amélioration hémodynamique rapide : diminution de 30 % des résistances artérielles pulmonaires et augmentation de 15 % en moyenne du débit cardiaque dès la 2e heure. Tout l’intérêt du traitement thrombolytique réside dans cet effet hémodynamique rapide.
Le bénéfice hémodynamique de la thrombolyse s’accompagne toutefois d’une majoration du risque hémorragique. La majorité des hémorragies graves compliquant le traitement thrombolytique étant liées à l’accès veineux utilisé pour réaliser l’angiographie, leur incidence est considérablement réduite par l’utilisation de méthodes diagnostiques non invasives (échocardiographie, scanner, scintigraphie). La complication hémorragique la plus grave du traitement thrombolytique est l’hémorragie intracérébrale, dont l’incidence est d’environ 2 %.
En raison du risque hémorragique et de l’absence de bénéfice dans l’embolie pulmonaire non grave, le traitement thrombolytique doit être réservé aux embolies pulmonaires graves. Le traitement thrombolytique est indiqué en cas d’embolie pulmonaire prouvée et compliquée d’état de choc ou d’hypotension artérielle définie par une pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg ou abaissée de plus de 40 mmHg par rapport à la pression artérielle systolique de référence. Il a été proposé d’étendre les indications de la thrombolyse aux patients présentant un aspect échocardiographique de cœur pulmonaire aigu sans signe de choc ni hypotension mais l’intérêt de la thrombolyse dans cette population n’est pas démontré.
Les contre-indications au traitement thrombolytique sont exposées dans le tableau II. La prise en compte ou non des contre-indications relatives doit se faire au cas par cas, en fonction de la gravité de l’état de choc et de son évolution sous traitement symptomatique.
Les médicaments thrombolytiques doivent être administrés par voie veineuse périphérique. Aucun thrombolytique n’a formellement démontré sa supériorité par rapport aux autres dans cette indication. Les protocoles de thrombolyse de courte durée, plus rapidement efficaces au plan hémodynamique, doivent être préférés (tableau III). La thrombolyse ne nécessite aucune surveillance biologique spécifique. L’héparinothérapie doit être interrompue au début de la thrombolyse et reprise dès que le temps de céphaline activée, mesuré toutes les 2 heures, redevient inférieur à 2 fois le témoin.
Contre-indications absolues
Hémorragie interne active Hémorragie intracérébrale récente Contre-indications relatives Chirurgie, accouchement dans les 10 jours précédents Biopsie ou ponction d’un vaisseau non comprimable dans les 10 jours précédents Neurochirurgie ou chirurgie ophtalmique dans le mois précédent Hémorragie digestive datant de moins de 10 jours Traumatisme grave datant de moins de 15 jours Accident vasculaire cérébral ischémique datant de moins de 2 mois Hypertension art érielle sévère non contrôlée (PAS > 180 mmHg ou PAD > 110 mmHg) Massage cardiaque externe Thrombopénie < 100 000/mm3 ou taux de prothrombine < 50 % Grossesse Endocardite bactérienne Rétinopathie diabétique hémorragique |
Alteplase (Actilyse)Streptokinase (Streptase)Urokinase (Urokinase) | 100 mg en 2 heures 1 500 000 UI en 2 heures 1 000 000 UI en 10 min puis 2 000 000 UI en 2 heures |
L’embolectomie chirurgicale sous circulation extracorporelle n’est indiquée que dans les cas exceptionnels d’embolie pulmonaire massive avec état de choc non contrôlé sous traitement symptomatique, après thrombolyse ou non (si contreindication formelle à la thrombolyse). La mortalité élevée de cette intervention (30 à 40 %) est en rapport avec l’extrême gravité de cette situation clinique. Diverses méthodes d’aspiration ou de fragmentation des thrombi artériels pulmonaires par cathéters spéciaux ont été décrites. En l’absence d’expérience clinique suffisante, il est impossible de préciser la place et l’intérêt éventuel de ces techniques, qui ne sont disponibles que dans un nombre très limité de centres.
L’embolie pulmonaire grave n’est pas en soit une indication de mise en place d’un filtre cave. En présence d’une embolie pulmonaire, les indications actuellement retenues de mise en place d’un filtre cave sont les suivantes :