Introduction

Les syndromes de larva migrans correspondent à l'ensemble des symptômes provoqués par les migrations et la survie dans l'organisme de larves de nématodes d'origine animale en impasse parasitaire. On différentie le syndrome larva migrans viscérale du syndrome larva migrans cutanée (ou dermatite ankylostomienne).

Syndromes de larva migrans viscérale
Ne sont traitées dans ce chapitre que la toxocarose (larva migrans viscérale stricto sensu) et l’anisakiose (assimilée au syndrome de larva migrans viscérale), sans aborder les rares angiostrongyloïdose, gnathostomose, capillariose…

1  -  Toxocarose

1 . 1  -  Définition

La toxocarose est une affection cosmopolite liée à la présence tissulaire de larves d’ascaridés évoluant naturellement chez le chien ou chez le chat. Ces larves sont en impasse parasitaire chez l’Homme.

1 . 2  -  Épidémiologie

Deux nématodes cosmopolites sont responsables de la toxocarose humaine : le plus souvent Toxocara canis, parasite du chien, et accessoirement Toxocara cati, parasite du chat. Ces parasites sont proches de l’ascaris humain. Ils vivent dans l’intestin grêle de leur hôte naturel et mesurent entre 5 cm et 10 cm.

Le cycle évolutif de T. canis est résumé sur la figure 16.1.

Fig. 16.1 Cycle évolutif de la toxocarose
Fig. 16.1 Cycle évolutif de la toxocarose.

Le cycle naturel est complexe car fortement influencé par la sécrétion de certaines hormones (chiennes gravides).

Le chiot se contamine par voie orale soit en ingérant des œufs embryonnés présents dans le sol, soit en ingérant des larves lors des tétées. Une migration transtissulaire des larves, comparable à celle d’A. lumbricoides chez l’Homme, est observée. Elle aboutit à la présence d’adultes dans l’intestin grêle puis à la ponte d’œufs retrouvés non embryonnés dans les selles. Après une évolution de 3 semaines, ces œufs deviennent infestants.

Chez le chien adulte mâle, les larves libérées dans l’intestin après ingestion d’œufs embryonnés entreprennent une migration viscérale et meurent avant d’atteindre le stade adulte.

Chez la chienne, les larves vivantes restent en attente dans les viscères. Elles peuvent reprendre leur évolution chez la chienne gravide ou allaitante. Certaines poursuivent leur développement jusqu’au stade adulte et migrent vers l’intestin ; d’autres traversent le placenta et infestent les fœtus ; d’autres, enfin, gagnent les mamelles et contaminent les chiots lors de l’ingestion de lait.

Chez d’autres mammifères, l’évolution des larves résultant de leur contamination orale s’arrête ; l’évolution ne peut reprendre qu’après leur ingestion par un chien.

L’Homme s’infeste en ingérant des œufs embryonnés souillant des aliments. L’enfant se contamine en portant à la bouche ses mains salies par des déjections canines souillant les aires de jeux (bacs à sable).

Après éclosion des œufs dans l’intestin, les larves entreprennent une migration tissulaire mais ne peuvent évoluer au-delà du stade larvaire L2.

1 . 3  -  Physiopathologie

Les larves immobilisées dans les tissus génèrent un granulome inflammatoire riche en éosinophiles, responsables d’une symptomatologie polymorphe en rapport avec leur localisation (atteintes hépatiques, oculaires et neurologiques graves).

1 . 4  -  Clinique

Le degré d’infestation et la localisation des larves influencent fortement l’intensité du tableau clinique. Certaines larva migrans viscérales sont asymptomatiques. Le tableau clinique est polymorphe. Les symptômes peuvent être isolés ou associés. Les manifestations les plus fréquentes sont l’asthénie, l’amaigrissement, une fièvre ou une fébricule. Les autres symptômes peuvent être digestifs (douleurs abdominales récurrentes, hépatosplénomégalie), pulmonaires (dyspnée asthmatiforme ou syndrome de Löffler prolongé) ou cutanés (urticaire). Exceptionnellement, on peut observer des atteintes cardiaques ou neurologiques (convulsions, encéphalite, myélite transverse…). Des manifestations oculaires peuvent survenir à distance de la contamination : granulome du pôle postérieur, uvéite souvent unilatérale (figure 16.2).

Fig. 16.2 Fond d’œil : toxocarose, granulome du pôle postérieur
Fig. 16.2 Fond d’œil : toxocarose, granulome du pôle postérieur.

1 . 5  -  Diagnostic biologique

Une hyperéosinophilie importante, en plateau, parfois supérieure à 20 giga/L, est fréquente. Elle diminue lentement en plusieurs années. Elle peut manquer dans les localisations oculaires tardives. Une hypergammaglobulinémie avec augmentation des IgE totales et spécifiques peut l’accompagner.

Le diagnostic direct est exceptionnellement assuré par la visualisation de larves tissulaires. Ni les œufs ni les adultes ne peuvent être retrouvés, l’évolution du parasite étant bloquée au stade de larve L2.

La sérologie demeure le meilleur argument diagnostique. Les techniques immunologiques appliquées au sérum, au liquide cérébrospinal et à l’humeur aqueuse sont spécifiques, en particulier le western blot. Toutefois, leur interprétation est difficile en raison de la persistance des anticorps sur plusieurs années et du caractère non spécifique des signes cliniques.

1 . 6  -  Traitement et prévention

Le traitement de la toxocarose est délicat et difficile à évaluer. Il repose sur les corticoïdes et les anthelminthiques (albendazole, Zentel®) en cure prolongée. La toxocarose oculaire se traite en priorité par les corticoïdes. Le traitement anthelminthique est à réserver aux formes graves ou non améliorées par la mise en place d’une corticothérapie adaptée.

La prophylaxie, difficile, repose sur des mesures :

  • individuelles : vermifugation des chiens, des chats adultes et des chiots jusqu’à 6 mois d’âge, lavage systématique des mains après les jeux sur le sol et avant les repas, prévention de la géophagie ;
  • collectives : notamment éviction des chiens des parcs publics et des aires de jeux, et suppression ou contrôle des bacs à sable publics.
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