3  -  Utilisation des substrats lors du jeûne


À distance de la période prandiale, la baisse de l’insulinémie et l’élévation du glucagon vont permettre à l’organisme d’utiliser les réserves énergétiques.

3 . 1  -  Les réserves énergétiques (tableau I)

Le niveau des réserves énergétiques dépend de la composition corporelle d’un individu, et notamment de son niveau de masse grasse. Ces réserves ne sont pas toutes entièrement mobilisables, c’est ainsi que le glycogène musculaire est uniquement disponible au niveau du muscle. Par ailleurs un maximum de 50 % des réserves protéiques peut être utilisé pour l’oxydation.

Tableau I. Réserves énergétiques chez un sujet de 70 kg.
   Substrats énergétiques                  Tissus      Énergie (Kcal)            Poids (g)    
   Triglycérides    Tissu adipeux blanc               108 000           12 000         
   Glycogène    Foie           200           70
     Muscles           400           120
   Glucose    Liquides circulants           80           20
   Protéines    Muscles           25 000           6 000

3 . 2  -  Utilisation des réserves énergétiques pendant le jeûne

Un des points majeurs de l’adaptation au jeûne est de permettre la permanence d’un apport énergétique au cerveau. Suivant la phase du jeûne, ces substrats seront le glycogène hépatique, le glucose dérivé des protéines et les acides cétoniques dérivés des acides gras. Les autres organes utilisent les acides gras comme substrat dès la chute de l’insulinémie.

Le jeûne peut être subdivisé en 3 phases. Au cours de ces phases, la consommation de glucose de l’organisme va progressivement diminuer, en raison de deux phénomènes :

  • Une diminution de la dépense énergétique
  • La synthèse par le foie de corps cétoniques qui pourront être utilisés par le cerveau, permettant la diminution du besoin en glucose (tableau II).
Tableau II. Évolution de la consommation de glucose au cours du jeûne
   Tissus     durée du jeûne   
     12 h               8 j      40 j
   Cerveau     
     120           45      22    
   Muscle     30           5      5
   Rein     30           5      5
   Sang     34           34      34
   Total     214           89      66

⇒ La phase glucidique

C’est la période interprandiale qui commence à la fin de la digestion et dure environ 20 heures. Les substrats oxydés sont :

Le glucose

Le matin, après 12 h de jeûne (état dit post-absorptif ou état basal), l’utilisation de glucose est de : 2-2,5 mg.kg–1.min–1 (= 10 14 µmol.kg–1.min–1 = 8,4 – 10,5 g/h pour un homme  de 70 kg). Dans cette situation physiologique, 80 % de l’utilisation du glucose sont assurés par les tissus non insu-lino-dépendant (cerveau, médullaire rénale, intestin, peau, éléments figurés du sang) et 20 % essentiellement dans le muscle squelettique. Le glucose provient de :

  • la glycogénolyse hépatique. La glycogénolyse est activée par une baisse de l’insulinémie et l’élévation du glucagon ; elle est couplée à une inhibition de la glycolyse, ce qui permet une orientation du glucose vers la circulation (le glycogène musculaire ne peut être utilisé qu’au niveau du muscle, la formation de G6P étant irréversible). La réserve de glycogène hépatique est épuisée au bout de 20 heures pour une utilisation de 5 g/heure.
  • La néoglucogénèse activée par :
    •  l’augmentation de la quantité de substrats glucoformateurs, notamment le glycérol provenant de la lipolyse, les acides aminés glucoformateurs (alanine, glutamine), le lactate, 
    • l’augmentation de la synthèse et/ou de l’activité des enzymes clés de la néoglucogenèse et diminution de la synthèse et/ou de l’activité des enzymes clés de la glycolyse.


Les acides gras

Provenant de la lipolyse (tissu adipeux) ils sont utilisés par tous les tissus en dehors du cerveau et des éléments figurés du sang.

⇒ La phase protéique (entre 1 et 3 jours)

  • La dépense d’énergie diminue, en raison d’une baisse d’activité et d’une diminution des interconversions entre substrats.
  • La production de corps cétoniques est encore insuffisante.
  • Les besoins du glucose du cerveau (120 g/jour) sont entièrement couverts par la néoglucogénèse, provenant essentiellement des protéines (120 g de glucose proviennent de 200 g de protéines) et du glycérol fourni par la lipolyse.
  • Les autres organes oxydent des acides gras. Cette phase se caractérise donc par une augmentation de la protéolyse et une négativation du bilan azoté, traduisant la perte de protéines corporelles.


⇒ La phase cétonique

Les substrats sont principalement fournis par la lipolyse. Les acides gras, produits sont :

  • Soit oxydés directement au niveau du foie, du muscle, du tube digestif et du rein.
  • Soit transformés en corps cétoniques au niveau du cerveau et des éléments figurés du sang, mais également au niveau des muscles, du tube digestif et du myocarde.


L’utilisation du glucose est réduite de plus de 50 %, ce glucose provient de la néoglucogénèse. Le bilan azoté est nul ou faiblement négatif.

3 . 3  -  Mise en jeu de l’adaptation au déficit énergétique

⇒ Régulations hormonales

L’ensemble de ces phénomènes d’adaptation est sous contrôle hormonal et probablement aussi neuroendocrinien. Trois événements physiologiques surviennent au cours du jeûne pour mettre en jeu l’adaptation décrite :

  • Une diminution des dépenses énergétiques.
  • Une diminution de l’interconversion périphérique de thyroxine en triiodothyronine. On sait que cette hormone a une action positive sur le métabolisme de base.
  • Une diminution de la sécrétion d’insuline et une augmentation de la sécrétion de glucagon. La diminution de la sécrétion d’insuline est probablement le phénomène endocrinien le plus important. Sa chute, très rapide au cours du jeûne, maintenue quelle que soit sa durée, est l’élément permettant l’activation de la lipolyse, la mise en route de la néoglucogenèse et la protéolyse musculaire. Au cours du jeûne prolongé, le maintien d’une concentration, faible mais présente, d’insuline évite « l’emballement » de la lipolyse et de la cétogenèse. L’augmentation (transitoire) de la sécrétion du glucagon au début du jeûne contribue à trans-former le foie en un organe glycogénolytique, cétogénique et néoglucogénique.


⇒ Régulation au niveau moléculaire


Les variations des flux de substrats énergétiques au cours du jeûne ne sont possibles que grâce à une régulation spécifique au niveau moléculaire. Les flux s’adaptent parce que les activités enzymatiques s’adaptent. Celles-ci changent au long cours essentiellement du fait d’un contrôle hormonal de l’expression des gènes des enzymes régulatrices et/ ou de l’activité de ces enzymes. Quelques exemples : la néoglucogenèse s’active grâce, entre autres, à l’augmentation de l’activité de la phosphoénol pyruvate carboxyki¬nase (PEPCK) dont la synthèse est stimulée par le glucagon et inhibée par l’insuline. Ces deux hormones exercent leurs effets directement sur la transcription du gène : elles ne modifient pas l’activité de l’enzyme.

  • La cétogenèse s’active au cours du jeûne grâce à l’inactivation de l’acétyl CoA carboxylase dont la synthèse est stimulée par l’insuline. De plus, le glucagon et l’insuline modulent l’activité de cette enzyme en favorisant sa phosphorylation (glucagon = forme inactive ; insuline = forme active).
  • L’utilisation périphérique du glucose diminue au cours du jeûne grâce à la diminution du nombre de transporteurs du glucose (GLUT4 dans les tissus insulinodépendants) dont la synthèse est activée par l’insuline.
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