L'ulcère de jambe est une perte de substance cutanée chronique. La prévalence augmente avec l’âge : 1 % après 60 ans, 5% après 80 ans. L’ulcère de jambe entraîne un handicap et représente un coût élevé en terme de santé publique.

La majeure partie des ulcères de jambe est d’origine vasculaire et le principal problème consiste à faire un diagnostic étiologique et quantifié pour les trois composantes possibles : veineuse, microcirculatoire et artérielle.

La réponse à cette question repose sur une analyse sémiologique de l’ulcère, un examen veineux et artériel clinique et paraclinique et un examen général du patient.
Le traitement de l’ulcère est avant tout le traitement de son étiologie et pas seulement le traitement local de l’ulcère.

Notions de physiopathologie :


La physiopathologie de l’ulcère veineux repose fréquemment sur un reflux sanguin veineux et plus rarement sur une obstruction qui créent une stase veineuse. Il s’en suit une hypertension veineuse à l’effort qui entraîne une souffrance microcirculatoire : altération de la barrière endothéliale avec passage de plasma, de macromolécules, d’éléments figurés du sang dans le secteur interstitiel, diapédèse leucocytaire à l’origine de phénomènes inflammatoires, production de radicaux libres oxygénés et de cytokines toxiques, formation de manchons de fibrine péricapillaires.
Ces phénomènes se conjuguent pour aboutir à une hypoxie tissulaire locale à l’origine de la perte de substance cutanée chronique.

La physiologie de l’angiodermite nécrotique (ulcère de Martorell) repose sur un infarctus cutané, secondaire à une occlusion artériolaire compliquant la plupart du temps une hypertension artérielle.

La physiologie de l’ulcère artériel associé à une ischémie critique est celle de l’hypoxie tissulaire ischémique.
L’ulcère mixte (ulcère à composante artérielle) est un ulcère de cause variable (veineux ou post traumatique le plus souvent) qui ne cicatrise pas en raison de la présence d’une artériopathie au stade d’ischémie critique.

Dans tous les cas, l’infection est un facteur aggravant de l’hypoxie.

1  -  Diagnostiquer un ulcère de jambe

1 . 1  -  Interrogatoire et examen général

Recherche d’antécédent de maladie variqueuse, de maladie thrombo-embolique veineuse, de claudication intermittente ou d’artériopathie connue, d’hypertension artérielle, de dyslipidémie, de diabète ou de tabagisme.

1 . 2  -  Examen local de l’ulcère

L’examen de l’ulcère est fait sous un bon éclairage en s’aidant d’une pince et d’une règle graduée. La mensuration de l’ulcère est faite au niveau de la longueur et de la largeur maximales. L’aspect et l’intensité du suintement sont notés par l’analyse du pansement.
L’aspect des bords et du fond de l’ulcère, et la profondeur, précisée par la pince, fournissent de précieux renseignements de même que l’aspect cutané péri-lésionnel.

1 . 2 . 1  -  L’examen veineux

Recherche de varices en position debout, d’un oedème, d’une dermite ocre, d’une atrophie blanche, d’un eczéma variqueux, d’une lipodermatosclérose, de cicatrices d’ulcères plus anciens, d’un cordon induré sur un trajet veineux témoin d’une thrombose veineuse superficielle.

1 . 2 . 2  -  L’examen artériel

Recherche des pouls périphériques, mesure de l’IPS (quand il est possible). Appréciation de la chaleur cutanée, d’une pâleur de surélévation du pied, d’une érythrose de déclivité, d’un allongement du temps de recoloration pulpaire, d’une déshabitation de la coque talonnière ou des pulpes des orteils, d’une amyotrophie, d’un trouble trophique même minime du pied.

1 . 2 . 3  -  L’examen général du patient

L’examen général complète l’examen local

Au terme de ce bilan, 5 situations se présentent avec par ordre de fréquence décroissante :

L’ulcère veineux (80% des cas), les ulcères mixtes, l’angiodermite nécrotique, l’ulcère artériel, et les ulcères non vasculaires.

Les principales caractéristiques des ulcères vasculaires sont résumées dans le tableau I.

Tableau 1 : Les principales caractéristiques des ulcères vasculaires

1 . 2 . 4  -  Les ulcères d’origine non vasculaire

Ils sont beaucoup plus rares. Le diagnostic étiologique repose sur la réalisation de prélèvements spécifiques (bactériologiques, mycologiques, biopsiques) en présence d’un ulcère dont l’étiologie vasculaire n’est pas évidente et qui dure.

  • Les ulcères infectieux

L’ecthyma est une infection cutanée à streptocoque A, caractérisée cliniquement par une ulcération de petite taille à périphérie érythémateuse succédant à une croûte noirâtre.
Certaines infections chroniques profondes peuvent se manifester par une ulcération
chronique de jambe.

  • Les ulcères des hémopathies

Un ulcère de jambe chez un sujet jeune doit toujours faire suspecter une anémie hémolytique congénitale (drépanocytose, thalassémie). Les syndromes myéloprolifératifs (maladie de Vaquez, thrombocythémie…) peuvent se manifester par des ulcérations chroniques et nécrotiques superficielles.

  • Les cancers cutanés

Il faut évoquer cette étiologie devant une ulcération chronique et rebelle de petite taille, d’aspect atypique (carcinome basocellulaire, spinocellulaire, mélanome). Tout ulcère veineux qui ne guérit pas après plusieurs mois d’un traitement bien conduit doit être biopsié à la recherche d’un cancer.

  • Le pyoderma gangrenosum

Il s’agit d’une ulcération superficielle à bords irréguliers constituée de clapiers purulents, avec une extension centrifuge rapide. Cette affection est associée dans 2/3 des cas à une pathologie sous-jacente : hémopathie, maladie inflammatoire chronique de l’intestin ou cancer essentiellement.

  • Les vascularites cutanées

Certaines vascularites cutanées (vascularites leucocytoclasiques), systémiques (périartérite noueuse ou au cours du lupus érythémateux, des cryoglobulinémies), ou un syndrome des antiphospholipides peuvent se manifester par un purpura nécrotique évoluant vers des ulcérations des membres inférieurs.

  • Les ulcères d’origine iatrogène

Après certaines prises médicamenteuses au long cours : hydroxy-urée, interféron γ, des ulcères très fibreux et rebelles aux traitements peuvent apparaître. Ils disparaissent généralement en quelques semaines après l’arrêt du traitement en cause.

  • La pathomimie

C’est un diagnostic d’élimination, difficile, à évoquer devant des ulcérations récidivantes d’aspect inhabituel chez un sujet jeune.

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