5  -  Traitement

5 . 1  -  Principes généraux

Le traitement de la PR doit être institué aussitôt que possible et comporte quatre grands volets :

  1. information du malade (journées d'information, brochures d'information des associations de malades, soutien psychologique, adaptation socioprofessionnelle) ;
  2. traitements médicamenteux généraux et locaux ;
  3. réadaptation fonctionnelle ;
  4. traitement chirurgical.


Ces moyens thérapeutiques sont associés au mieux dans le cadre d'une prise en charge globale multidisciplinaire.

5 . 2  -  Traitements symptomatiques

Ils ont pour but de soulager les douleurs mais n'influencent peu ou pas l'évolution. On utilise :

  • des antalgiques purs dont le paracétamol et ses dérivés ;
  • des anti-inflammatoires non stéroïdiens, à doses souvent élevées, qui exposent, à des degrés divers, aux risques digestifs d'intolérance ; Il faut noter l'intérêt dans ce cadre des inhibiteurs spécifiques de la cyclo-oxygénase de type 2 (seul le Celebrex® a l'AMM pour la polyarthrite en 2002) note MCB :
  • la corticothérapie avec des corticoïdes à durée de vie courte (Cortancyl®, Solupred®), en une prise matinale. Il faut utiliser une posologie faible, de l'ordre de 10 à 15 mg par jour, et la réduire dès que possible ; la réduction doit être d'autant plus lente d'autant que le traitement est ancien.
  • plus rarement, on peut prescrire une corticothérapie IV intraveineuse sous forme de bolus (Solumédrol®), surtout au début dans l'attente de l'efficacité d'un traitement de fond.

5 . 3  -  Traitements de fond

Ces traitements sont susceptibles d'arrêter ou de freiner l'évolution de la PR. La démonstration définitive de ces actions est difficile à obtenir car elle impose des études longues chez des malades traités à un stade précoce avant destruction. Leur utilisation s'est progressivement modifiée. Aujourd'hui le Méthotrexate est le traitement le plus utilisé.

5 . 3 . 1  -  Sels d'or

Sels d'or : Allochrysine® injectable IM : Posologie : traitement d'attaque : 0,10 g / semaine ; posologie totale : 3 cg/kg. Si résultat favorable, traitement d'entretien : 0,10 g tous les 21 jours ou tous les mois. Surveillance : hémogramme avec plaquettes tous les mois, protéinurie avant chaque injection. Effets secondaires (30 %) : stomatite, prurit et lésions érythémateuses pouvant aller jusqu'à l'érythrodermie ; protéinurie aboutissant parfois à un syndrome néphrotique ; leucopénie, thrombopénie.

5 . 3 . 2  -  Méthotrexate

Méthotrexate : Posologie : 7,5 à 15 mg / semaine en une seule prise per os ou par voie intramusculaire (plus efficace et mieux tolérée). Action plus rapide que les autres traitements de fond en 1 mois au lieu de 3 mois. Contre-indications : hépatopathies chroniques (éthylisme), affections respiratoires, insuffisance rénale ; association avec le Bactrim* (agranulocytose) ; surveiller les associations médicamenteuses susceptibles de modifier les taux sanguins (diurétiques, anti-inflammatoires non-stéroïdiens) surtout chez les sujets âgés. Effet tératogène, nécessitant une contraception efficace. Surveillance : hémogramme complet avec plaquettes, créatinine et transaminases une fois par mois. Effets secondaires : nausées, stomatite évitées par l'utilisation d'acide folique à faible dose (Speciafoldine®, 1 cp à 5 mg / j sauf lors de la prise du Méthotrexate) ; infections virales (zona, herpès) ou bactériennes (pneumocystoses) ; hépatite cytolytique. Si augmentation des transaminases d'au moins deux fois la normale, arrêt provisoire du Méthotrexate. Puis reprise avec acide folique à dose identique ou inférieure. Si cette augmentation persiste, discuter une biopsie hépatique (hépatite auto-immune associée) ; leucopénie, thrombopénie, voire aplasie aplasie par mécanisme toxique ou allergique ; pneumopathies d'hypersensibilité : accident rare mais pouvant être grave. Elle se manifeste par une toux après administration du produit, avec dyspnée et fièvre. On note un syndrome interstitiel clinique et radiologique avec syndrome restrictif. Les résultats sont à comparer au cliché pulmonaire et à l'exploration fonctionnelle réalisés avant traitement. Sa survenue impose l'arrêt du traitement, éventuellement l'exploration pulmonaire (lavage broncho-alvéolaire pour éliminer une pneumopathie infectieuse) et la mise en place d'un traitement symptomatique (corticoïdes). Rares lymphomes secondaires, parfois associés au virus d'Epstein-Barr, parfois résolutifs à l'arrêt du traitement. La relation n'est pas facile à affirmer et est peut-être indirecte.

5 . 3 . 3  -  Antipaludéens de synthèse

Antipaludéens de synthèse : Posologie : Plaquenil®, 2 cp à 200 mg par jour ; Surveillance : essentiellement ophtalmologique : électrorétinogramme tous les 6 mois. Effets secondaires : risque de dépôts cornéens réversibles et de rétinopathie irréversible, rarement prurit, troubles digestifs.

5 . 3 . 4  -  Salazopyrine

Salazopyrine : Posologie : progressive, atteignant 4 à 6 cp à 500 mg/j. Surveillance : hémogramme / mois. Effets secondaires : thrombopénie, leucopénie, éosinophilie, troubles digestifs, érythème. Induction d'anticorps antinucléaires.

5 . 3 . 5  -  Dérivés thiolés

Dérivés thiolés : Posologie : D-pénicillamine (Trolovol®) : 1 cp à 300 mg / jour pendant 1 mois, puis 2 voire 3 cp / jour ; tiopronine (Acadione®*) : 2 puis 4 cp à 250 mg / jour. Surveillance : hémogramme avec plaquettes et protéinurie tous les mois. Effets secondaires : stomatite, prurit et lésions érythémateuses ; protéinurie aboutissant parfois à un syndrome néphrotique ; leucopénie, thrombopénie. Induction possible de maladies auto-immunes : anticorps antinucléaires, exceptionnellement lupus induit, pemphigus, myasthénie ou polymyosite.

5 . 3 . 6  -  Immunodépresseurs

Immunodépresseurs : De nombreux produits sont disponibles dans cette classe médicamenteuse, mais leur prescription entraîne un risque accru d'induction d'hémopathies (lymphomes) et d'infections dont l'évolution est souvent rapide et très sévère. Ciclosporine (Sandimmun® et Néoral®, avec ce dernier présentant une meilleure biodisponibilité) : 2.5 à 5 mg/kg/J en deux prises à 12 heures d'intervalle. Sa prescription doit d'accompagner d'une surveillance : très rigoureuse de la tension artérielle et de la fonction rénale en raison de ses propriétés néphrotoxiques. Azathioprine (Imurel*®) : 2 cp à 50 mg /j. Cyclophosphamide (Endoxan®) per os ou plutôt en perfusions mensuelles. Avec ces médicaments, risque accru d'induction d'hémopathies (lymphomes) et d'infections dont l'évolution est souvent rapide et très sévère.

5 . 3 . 7  -  Traitement local et chirurgical

Traitement local et chirurgical : Applicable seulement à certains patients, ce traitement a pour buts : l'évacuation des épanchements articulaires, l'infiltration de corticoïdes en nombre limité et, seulement en cas de récidive des synovites ; la réalisation de synoviorthèses isotopiques ou chimiques (acide osmique) ; la synovectomie sous arthroscopie ou par arthrotomie.

5 . 3 . 8  -  Traitement chirurgical

Traitement chirurgical : Le traitement chirurgical a transformé le pronostic fonctionnel en permettant la pose de (prothèses des grosses articulations). Les indications chirurgicales sont discutées au mieux au cours de consultations médico-chirurgicales. Il faut privilégier une chirurgie plus précoce et gagnante. Chirurgie précoce : libération du canal carpien, ténosynovectomie des extenseurs ou des fléchisseurs des doigts (prévention des ruptures) ; synovectomie de l'épaule ; synovectomie du poignet associée à une résection de la tête cubitale. Chirurgie tardive : arthroplasties de la hanche ou du genou ; arthroplasties de l'épaule, du coude, des métacarpo-phalangiennes ; réalignement des avant-pieds avec arthrodèse ; arthrodèse métacarpo-phalangienne du pouce ou du poignet ; arthrodèse occipito-C1 C2 en cas de luxation atloïdo-axoïdienne avec risque médullaire ou douleurs chroniques.

5 . 3 . 9  -  Réadaptation fonctionnelle

Réadaptation fonctionnelle : La réadaptation fait partie intégrante du traitement et utilise différents types de matériels : appareillages de repos utilisés durant la nuit pour éviter les déformations des mains ; portés des deux côtés, sinon, ou en alternance, appareillages dynamiques, à surveiller de près, pour réduire l'enraidissement ; importance de la kinésithérapie et de l'ergothérapie pour mieux adapter l'environnement professionnel et domestique ; confection d'orthèses plantaires avec barre rétro-capitale, et chaussage spécialisé si nécessaire. Il faut souligner l'importance de la kinésithérapie et de l'ergothérapie et l'adaptation de l'environnement professionnel et domestique au handicap du patient.

5 . 4  -  Indications du traitement

5 . 4 . 1  -  Éléments communs

Éléments communs : traitement médicamenteux général avec antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens ; calcium, vitamine D, biphosphonates surtout si corticothérapie au long cours, traitement local : appareillages de repos, infiltrations, synoviorthèses, réadaptation fonctionnelle.

5 . 4 . 2  -  Choix du traitement de fond

Choix du traitement de fond : Il faut noter une évolution des approches. L'approche classique, qui reste valable, envisage l'utilisation progressive et successive des traitements de fond, allant des plus simples (Plaquenil, puis sels d'or, puis dérivés thiolés) aux plus lourds (Méthotrexate). C'est la classique progression en pyramide. L'approche actuelle considère qu'il faut utiliser précocement les médicaments les plus efficaces et les mieux tolérés. Ceci correspond donc à la pyramide inversée. De fait, actuellement, le Méthotrexate est le médicament le plus utilisé car ce médicament a le meilleur rapport efficacité / tolérance. Il est le pilier du traitement actuel, utilisé seul si c'est suffisant ou en association. L'approche ultime consiste à associer d'emblée plusieurs traitements de fond (Méthotrexate, Plaquenil, Salazopyrine) à une faible dose de corticoïdes. On peut cependant nuancer ces conclusions et proposer les indications suivantes : PR de sévérité habituelle : Méthotrexate seul ; Arava seul. Si réponse insuffisante : Association aux corticoïdes à faibles doses, à la ciclosporine en association au Méthotrexate ; autres associations médicamenteuses ; nouveaux traitements ; PR avec signes systémiques : corticothérapie générale per os, à une posologie d'attaque de 0,25 à 0,50 mg/kg/j, avec réduction progressive lorsque le délai d'action des traitements de fond sera atteint ; PR active et désir de grossesse : corticoïdes, ciclosporine, Imurel (référence au traitement des greffes transplantations d'organe) PR avec vascularite, neuropathie, amylose : corticoïdes et perfusions mensuelles d'Endoxan.

5 . 5  -  Nouveaux traitements

Nouveaux traitements : Remicade® : anticorps monoclonal anti-TNF, Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) avec l'indication PR avec réponse insuffisante au Méthotrexate. Administration : Perfusion hospitalière sur 2 h, 3 mg/kg S0, S2, S6 puis toutes les 8 semaines. Effets secondaires : Intolérance immédiate pouvant aller jusqu'au choc anaphylactique. Infections, en particulier tuberculose Signes neurologiques centraux Enbrel® : récepteur soluble du TNF p75, en cours d'AMM. Administration : 25 mg 2 fois par semaine par voie sous-cutanée. Effets secondaires : Similaires au Remicade Arava® : le Leflunomide est un inhibiteur métabolique proche du Méthotrexate. Il inhibe la voie des bases pyrimidiques alors que le Méthotrexate inhibe la voie des purines. Administration : Comprimés Dose de charge 100 mg/j/3 jours puis 20 mg/j. Surveillance : comme le Méthotrexate. Précautions si désir ultérieur de grossesse. Effets secondaires : Troubles digestifs Signes cutanés AINS spécifiques de la cyclo-oxygénase de type 2 (Vioxx® ou rofécoxib, pas d'AMM pour la PR en 2002 ; Célébrex® ou célécoxib avec AMM pour le PR).

5 . 6  -  Traitements innovants

Traitements innovants : Plusieurs traitements expérimentaux issus des concepts immunologiques sont en cours de développement. Ces principales approches sont les suivantes : - contrôle des cytokines inflammatoires : par d'autres anticorps monoclonaux (anti-TNF-a), des récepteurs solubles de cytokines (IL- 1, TNF, l'antagoniste du récepteur de l'IL -1 (IL -1Ra) ; par l'apport de cytokines anti-inflammatoires (IL -4, IL -10, IL -13, IFNb) ou par l'induction de leur production endogène. – contrôle de l'action des cytokines inflammatoires : par blocage des activités enzymatiques destructrices (protéases) par activation de leurs inhibiteurs naturels - contrôle des lymphocytes T : par blocage de leur migration en agissant sur les molécules d'adhésion (anti-ICAM-1) par blocage de leur interaction en agissant sur les molécules d'interaction (CD 28, CTLA-4) par contrôle plus sélectif de certaines sous-populations à rôle proinflammatoire en respectant les lymphocytes T protecteurs. - action sur des cibles spécifiques : par vaccination avec des peptides antigéniques, de récepteurs T pathogènes – action sur le métabolisme des cellules immunitaires : immunosuppresseurs, inhibiteurs métaboliques - action globale sur le système immunitaire : par greffe de moelle ou plutôt de cellules souches hématopoïétiques allo- ou surtout autologues. D'autres concepts et approches nouvelles sont en cours d'élaboration. En attendant le traitement préventif ou radicalement curatif de la polyarthrite rhumatoïde, c'est sans aucun doute la prise en charge globale par une équipe pluridisciplinaire qui constitue actuellement la meilleure approche thérapeutique de cette maladie.


Correction Octobre 2001


Annexe

Critères de l'American College of Rheumatology 1987 pour la classification de la polyarthrite rhumatoïde.

Au moins 4 des 7 critères sont exigés. Les critères 1 à 4 doivent être présents depuis au moins 6 semaines.

  1. Raideur matinale durant au moins 1 heure
  2. Arthrites d'au moins 3 groupes articulaires
  3. Arthrites touchant les mains
  4. Arthrites symétriques
  5. Nodules rhumatoïdes
  6. Facteur rhumatoïde sérique présent
  7. Signes radiologiques


Polyarthrite rhumatoïde

 Arnett FC, Edworthy SM, Bloch DA, et al., The American Rheumatism Association 1987 revised criteria for the classification of rheumatoid arthritis. Arthritis & Rheumatism. Mars 1988 ; 31 (3) : 315-324.

5/5