Le sujet âgé est particulièrement à risque de dénutrition. Elle se développe en cas de balance énergétique et/ou azotée négative de façon importante, ou prolongée ou répétée. La dénutrition aggrave le pronostic fonctionnel et vital de toute maladie inflammatoire, infectieuse ou tumorale. Elle doit donc être reconnue précocement et traitée rapidement.
Environ 5-10 % des sujets âgés vivant à domicile et jusqu’à 50 % de ceux institutionnalisés (c’est-à-dire hospitalisés, en maison de repos ou de retraite) présentent des signes objectifs de dénutrition protéino-énergétique. Cette dénutrition touche aussi les vitamines et les oligoéléments, les plus souvent déficitaires étant le calcium, le magnésium et l’acide folique, et accessoirement le fer, le zinc, le sélénium, les vitamines B1, B2, B6, C et E.
La fréquence de la dénutrition est la conséquence de modifications physiologiques liées à l’âge, au contexte psycho-social (précarité) et aux affections intercurrentes (tableau 2.I).
Elles touchent toutes les étapes depuis la dégradation physique des aliments jusqu’au métabolisme des nutriments (acides aminés, acides gras, glucose, calcium).
1. Tube digestif
Le seuil du goût augmente avec l’âge. Chez un sujet âgé, il faut qu’un aliment soit plus assaisonné pour que soit perçue une saveur. De plus, de nombreux médicaments modifient le goût (souvent en modifiant l’humidité de la bouche). L’altération de la denture ou un mauvais état gingival sont fréquents chez les gens âgés, ce d’autant plus que les soins dentaires coûtent cher. Seule une mastication indolore permet une alimentation correcte. L’hyposécrétion gastrique acide favorise le développement d’une pullulation microbienne consommatrice de folates. Les troubles fonctionnels intestinaux (constipation, douleurs coliques) sont fréquents, sources d’inconfort digestif et de diminution de la prise alimentaire.
2. Modifications des métabolismes
La masse hydrique diminue avec l’âge (perte de 20 % à 60 ans). Les mécanismes régulateurs de l’eau sont perturbés : le seuil de perception de la soif est plus élevé et le pouvoir de concentration des urines diminue. Il en résulte une moins bonne compensation de la déshydratation qui ne peut être prévenue que par un rapport hydrique régulier et systématique.
La masse de réserves protéiques (muscles) diminue avec l’âge (40 % de perte à 65 ans). La glycorégulation est altérée avec un retard de sécrétion du pic insulinique à la suite d’une ingestion de glucose et diminution de stockage du glucose dans le muscle.
Avec l’âge, l’os perd du calcium dans les deux sexes, mais cette perte est aggravée en période post-ménopausique chez la femme. De plus, l’absorption régulée du calcium diminue chez les sujets âgés. L’absorption calcique n’est donc plus dépendante que de la seule concentration du calcium dans la lumière intestinale. En conséquence, un apport calcique élevé est indispensable pour satisfaire les besoins.
Le sujet âgé ayant moins de réserves notamment protéiques et ayant des difficultés d’adaptation face à une situation nouvelle, est à risque de dénutrition dans les circonstances suivantes (tableau 2.I).
Les régimes diététiques au long cours sont toujours dangereux car anorexigènes. Leur effet est d’autant plus grave que les sujets âgés sont très respectueux des prescriptions médicales. Quand un régime n’est pas prescrit, le sujet peut lui-même se l’imposer à tort (par exemple : régime sans résidus pour une diverticulose). Enfin, l’hospitalisation en soi est une cause de dénutrition : indépendamment de la maladie justifiant l’admission, l’hôpital propose trop rarement une alimentation appétissante.
La dépression est fréquente en gériatrie et presque constante à l’entrée en institution. Les causes des dépressions sont très nombreuses : sensation d’inutilité, difficulté à accepter la diminution des capacités (physiques ou intellectuelles), isolement, veuvage… La prise alimentaire ne peut se normaliser que si la dépression est traitée.
Enfin de nombreux médicaments ont un effet anorexigène.