Une hyperéosinophilie (HE) peut être la conséquence d’un dérèglement d’origine centrale ou médullaire induisant un excès de production de polynucléaires éosinophiles (PNE) et/ou d’un dérèglement périphérique induisant le recrutement accru des PNE de la moelle vers les tissus, particulièrement les sites de surface en contact avec l’environnement (muqueuses digestive, respiratoire, urogénitale…).

Au cours de l’hématopoïèse, l’engagement de cellules souches hématopoïétiques (CSH) pluripotentes de la moelle osseuse en progéniteurs granuleux, qui deviendront des PNE, est conditionné par l’environnement stromal, l’expression de facteurs de transcription et de divers facteurs de croissance et de cytokines (surtout l’IL5). Toute altération de chacune de ces étapes, liée par exemple à un événement oncogène, aura un retentissement sur la lignée éosinophile (voir HE « primitives »).

L’action conjuguée de facteurs chimioattractants (cytokines [interleukine 5 (IL5)], médiateurs lipidiques [leucotriènes, PAF…], anaphylatoxines [C5a], histamine) et l’expression coordonnée de molécules d’adhérence (sur les cellules sanguines et endothéliales) vont conditionner la domiciliation tissulaire des PNE : ceci va expliquer la constitution préférentielle d’infiltrats de PNE dans certains sites agressés. Toute production ou expression dérégulée de ces facteurs sera également à l’origine d’une HE (voir « Démarche étiologique en présence d’une HE “réactionnelle” »).

La découverte d’une HE sanguine et/ou tissulaire nécessite une approche méthodique et rigoureuse en raison de l’extrême variété des circonstances de survenue. Aucune HE ne sera négligée. Elle peut être le signe d’appel d’une maladie grave (cancer, maladie systémique…) ou favoriser le développement de lésions viscérales (cardiopathies) liées à la toxicité des médiateurs libérés par le PNE activé (protéines cationiques, métabolites toxiques de l’oxygène).

1  -  Diagnostic d'une hyperéosinophilie

1 . 1  -  Circonstances de découverte

La découverte d’une HE peut être fortuite (hémogramme systématique lors d’un bilan de santé, en médecine du travail). Cette HE isolée sera un signe d’appel précieux qui nécessitera la recherche impérative d’une pathologie sous-jacente. Le plus fréquemment, l’HE s’inscrit dans un contexte évocateur, chez l’enfant ou chez l’adulte (allergie, parasitose…), avec une symptomatologie à valeur souvent indicative (urticaire, rhinite, asthme, prurit…). L’HE peut aussi s’intégrer dans un tableau de maladie de système (vascularites…) ou d’une pathologie spécifique d’organe (poumon éosinophile, gastroentérite à éosinophiles, dermatoses éosinophiliques…). Enfin, l’HE peut être associée à un cancer : soit une tumeur solide, soit une hémopathie maligne (leucémie…).

1 . 2  -  Diagnostic positif

Il est biologique, avec la mise en évidence d’un nombre excessif de PNE sanguins ¬(nombre absolu supérieur à 0,5 G/L) confirmé par des hémogrammes répétés. Cette HE sanguine peut être associée à une HE tissulaire.

D’emblée, on s’attachera à préciser les caractéristiques de cette HE :

  • degré d’ancienneté (HE récente ou négligée de longue date ; examens des hémogrammes antérieurs) ;
  • interprétation des hémogrammes et frottis sanguins : appréciation du niveau de l’HE qui peut être modérée (< 1 G/L) ou massive (> 1,5 G/L) ; avec ou sans hyperleucocytose associée ; avec ou sans anomalie morphologique des PNE -(cytoplasme hygogranuleux, noyau plurisegmenté…) ; avec ou sans anomalie des autres lignées (anémie de type inflammatoire ou ferriprive, myélémie, anomalies morphologiques des neutrophiles, présence de blastes, de cellules de Sézary…) ;
  • évaluation de la courbe évolutive (HE fluctuante ou persistante ; éventuelle notion de corticosensibilité ou de corticorésistance de l’HE…) ;
  • recherche de signes cliniques associés, mêmes fugaces (altération ou non de l’état général, présence ou non d’un syndrome inflammatoire associé, de signes cutanés, de manifestations viscérales…).


Ces éléments seront précieux pour l’enquête étiologique.

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