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Elle permet d’obtenir une image fonctionnelle de la thyroïde. C’est l’examen central, indispensable, du diagnostic étiologique d’une hyperthyroïdie.
1. Altérations de la fonction thyroïdienne
La scintigraphie thyroïdienne est utile dans le diagnostic étiologique des hyperthyroïdies, pour identifier les nodules toxiques, les goitres multihétéronodulaires toxiques, la maladie de Basedow, la thyroïdite subaiguë et les hyperthyroïdies dans un contexte de surcharge iodée. Elle permet également d’apprécier les possibilités de recours à un traitement isotopique par l’iode radioactif. En pareil cas, la scintigraphie est parfois couplée à une courbe de fixation de l’iode 131, utile pour déterminer l’activité thérapeutique à administrer mais le plus souvent ce calcul se fait avec une scintigraphie à l’iode 123.
2. Diagnostic des hypothyroïdies
La scintigraphie thyroïdienne n’est pas un examen utile dans le diagnostic étiologique des hypothyroïdies chez l’adulte et ne doit pas être demandée dans ce contexte. Les aspects sont très variables et non spécifiques et, en pratique, d’aucune aide au diagnostic. Chez le nouveau-né en hypothyroïdie, en revanche, la scintigraphie est plus intéressante car elle permet de distinguer une athyréose d’une ectopie thyroïdienne et de mettre en évidence un trouble de l’organification (fixation précoce élevée pouvant être diminuée par le perchlorate).
3. Nodules, goitres et cancers
La scintigraphie permet de différencier les nodules hyperfonctionnels (chauds), hypofonctionnels (froids) ou indéterminés (isofixants). Sa valeur prédictive pour le diagnostic de malignité est mauvaise, très inférieure à celle de la cytologie, car seuls 6-11 % des nodules solitaires sont hyperfixants et les nodules malins ne représentent qu’une faible proportion des nodules thyroïdiens froids ou indéterminés. La sensibilité est, de plus, réduite pour les petits nodules de moins de 1 cm, dont la taille est inférieure au seuil de résolution de la scintigraphie. Enfin, la scintigraphie ne permet pas de mesurer la taille des nodules et n’a que peu de place pour l’évaluation topographique des goitres nodulaires.
La scintigraphie thyroïdienne reste indiquée pour la recherche des atteintes nodulaires toxiques et prétoxiques et elle est recommandée, en première intention, en cas d’hyperthyroïdie biologiquement avérée (TSH basse avec T4 libre normale ou haute).
La scintigraphie n'est pas un examen de surveillance. Elle n’a pas à être répétée lorsqu’un premier examen a montré un nodule hypo ou isofixant.
La scintigraphie peut être utile en deuxième intention, après l’échographie, dans les goitres multinodulaires (nodules > 10 mm), pour préciser une extension médiastinale éventuelle.
La scintigraphie est également indiquée pour l’évaluation des cancers thyroïdiens de souche vésiculaire après chirurgie. L’administration d’une forte dose d’iode 131 (100 mCi) est proposée en complément de la chirurgie dans les formes à risque de récidive. Ce traitement, appelé totalisation isotopique, irathérapie ou radiothérapie métabolique, permet de détruire le tissu thyroïdien normal ou pathologique résiduel et de traiter d’éventuelles métastases. Il est réalisé sous stimulation par la TSH endogène (interruption du traitement substitutif) ou exogène (injection de TSH recombinante, ou Thyrogen®). La scintigraphie corporelle totale post-thérapeutique permet de visualiser les reliquats thyroïdiens et/ou les métastases iodofixantes.
Le traceur utilisé pour les indications diagnostiques est de préférence l'123I, car il est peu irradiant et permet une quantification de l'image (fixation) utile pour le diagnostic et le traitement des hyperthyroïdies. À défaut, on utilisera le 99mTc, plus largement disponible et moins coûteux.
Dans les indications thérapeutiques (hyperthyroïdie, cancer thyroïdien), on utilise l’131I, cytotoxique du fait de son émission β.
La scintigraphie est contre-indiquée pendant la grossesse et l’allaitement.
L’informativité de la scintigraphie dans la surveillance des cancers thyroïdiens peut être très largement diminuée, voire abolie, par une surcharge iodée (examen radiologique avec injection de produit de contraste iodé dans les semaines qui précèdent, traitement par Amiodarone®). Toutefois, elle est informative sur le mécanisme d’une hyperthyroïdie dans un contexte de surcharge iodée.
L’échographie associée permet de vérifier la présence de tissu thyroïdien dans les cas de scintigraphie blanche ou de fixation unilatérale.
Une image scintigraphique ne peut s’interpréter correctement qu’en ayant connaissance du contexte clinique et du niveau de TSH. La captation du traceur est liée à l’expression au pôle basal du thyréocyte d’un symporter, le NIS (Na+ Iode Symporter). L’expression du NIS dépend de l’activation de la voie de l’AMPc (contrôlée par la TSH et son récepteur).
Nous allons détailler plusieurs cas d’hyperthyroïdies.
a. Nodule toxique
Il apparaît comme une fixation focalisée (figure 1.11), en regard de la formation nodulaire, avec extinction du parenchyme adjacent et controlatéral (intérêt de l’échographie qui identifie le lobe controlatéral).
Fig. 1.11. Adénome toxique lobaire gauche et droit.
a – Adénome toxique lobaire gauche avant chirurgie : extinction du lobe thyroïdien droit.
b – Le même après chirurgie (isthmolobectomie gauche) : réapparition du lobe droit.
c – Adénome toxique lobaire droit. Le nodule est autonome, indépendant de la TSH. L’hyperthyroxinémie freine la TSH, d’où l’extinction du parenchyme sain. Après injection de TSH (non pratiquée actuellement dans ce contexte), réapparition du lobe gauche. (À noter : le même type d’image, mais moins contrastée, peut être observé si l’on réalise une scintigraphie avant et sous traitement antithyroïdien qui, en corrigeant l’hyperthyroïdie, augmente la TSH et réactive le parenchyme sain.)
b. Maladie de Basedow
Elle apparaît comme une fixation diffuse, bilatérale, homogène, avec captage et organification élevés (figure 1.12).
Fig. 1.12. Maladiede Basedow.
Hyperfixation diffuse et homogène, en présence d’une TSH freinée, traduisant la présence d’anticorps stimulant le récepteur de la TSH.
c. Thyroïdites
Dans les cas de thyroïdites subaigu‘s de De Quervain, du post-partum, et des thyroïdites silencieuses, il apparaît un captage nul se traduisant par une scintigraphie « blanche ».
L’inflammation thyroïdienne provoque un relargage des stocks hormonaux intrathyroïdiens. La TSH est freinée par rétrocontr™le négatif. Il n’existe plus de stimulation thyroïdienne par la TSH et donc plus d’expression du NIS.
L’hyperthyroïdie induite par l’amiodarone, de type II (thyroïde saine), est également liée à une thyroïdite et se traduit donc par une scintigraphie blanche.
d. Goitre multihétéronodulaire
Il apparaît comme une alternance de zones fixant (nodules « chauds ») et ne fixant pas le traceur (nodules « froids »). Cet aspect hétérogène (figure 1.13) peut parfois être difficile à distinguer d’une fixation en damier typique d’une thyroïdite chronique de Hashimoto, mais dans ce dernier contexte la TSH est élevée.
Fig. 1.13. Goitre multihétéronodulaire.
a – Un nodule chaud lobaire gauche, un nodule froid lobaire droit (grand cercle). L’essentiel du captage de l’iode par la thyroïde est le fait du nodule gauche. Le tissu sain ne capte proportionnellement quasiment pas le traceur.
b – Nodules froids isthmique et lobaire gauche.
c – Volumineux goitre multinodulaire avec 3 gros nodules froids (cercles).
Après thyroïdectomie, les reliquats cervicaux apparaissent comme une fixation localisée dans la loge thyroïdienne, et les métastases ganglionnaires iodofixantes apparaissent latéralement (figure 1.14).
Fig. 1.14. Cancer thyroïdien après exérèse chirurgicale.
a – Reliquats postchirurgicaux après thyroïdectomie pour cancer. Scintigraphie à l’iode 131 en post-thérapeutique, avec TSH élevée soit par arrêt du Lévothyrox® après la chirurgie (défreination endogène), soit par injection de TSH recombinante (Thyrogen®) avec maintien du Lévothyrox®.
b – Les mêmes reliquats sont détruits par le traitement par iode radioactif et ne sont donc plus visibles.
Enfin, les métastases à distance (osseuses et pulmonaires, en particulier) peuvent être visualisées sur une scintigraphie du corps entier (figure 1.15). Seuls les cancers de souche folliculaire captent l’iode, et les cancers médullaires ne sont pas visualisés. Néanmoins, environ 20 à 30 % des métastases de cancer folliculaire ne captent pas l’iode et ne seront pas visualisées (notamment les métastases osseuses en cas de contingent carcinomateux moins différencié).
Fig. 1.15. Métastases à distance.
Scintigraphie du corps entier permettant de visualiser les métastases osseuses et pulmonaires d’un cancer thyroïdien folliculaire.