4 . 2 . 2  -  Hypercalcemie des affections malignes

Une hypercalcémie est constatée dans 5 % des cancers. Elles se différencient facilement des HPT1 par les valeurs basses de la PTH plasmatique (+++). Parmi les tumeurs solides, ce sont les cancers du poumon, du sein, du rein et du tractus digestif qui sont le plus souvent responsables d’une hypercalcémie. Le myélome multiple est responsable de 10 % de l’ensemble des hypercalcémies malignes, ce qui est remarquable compte tenu de sa rareté, mais ce qui s’explique par l’insuffisance rénale qui fait partie du tableau classique de la maladie. Toutes les formes de lymphomes ou de leucémies peuvent induire une hypercalcémie, en particulier le lymphome et la leucémie à cellules T de l’adulte dus à un rétrovirus (HTLV1).

Dans la majorité des cas, l’hypercalcémie est due à la production (non exclusive), par les cellules tumorales, d’un peptide mimant presque tous les effets biologiques de la PTH : le PTHrp.

Le PTHrp, comme la PTH, augmente la résorption osseuse ostéoclastique qui est reflétée par l’hypercalcémie, l’augmentation de la calciurie et de l’hydroxyprolinurie. Mais contrairement à ce qui est observé dans l’HPT1, cette ostéolyse n’est pas couplée à une augmentation de l’ostéoformation, ce qui se traduit par des valeurs normales ou basses d’ostéocalcine ; de même, l’hypercalcémie due à la sécrétion de PTHrp freine la synthèse de la vitamine D active (nommée vitamine D3 ou 1,25-(OH)2-D), alors que celle-ci est augmentée par l’HPT1, et la phosphorémie est normale.

Les dosages immunométriques spécifiques de certains fragments du PTHrp permettent de détecter des valeurs élevées de PTHrp chez plus de 80 % des patients hypercalcémiques ayant un cancer solide : d’où le terme général d’hypercalcémie humorale des affections malignes (humoral hypercalcemia of malignancy ou HHM), ou hypercalcémie paranéoplasique. Dans certains cas, le dosage du PTHrp peut servir de marqueur biologique pour suivre l’évolution spontanée ou sous traitement du processus tumoral. Cependant, il n’y a pas de corrélation stricte entre l’importance de l’hypercalcémie et le niveau des valeurs du PTHrp, ce qui suggère l’intervention synergique d’autres facteurs dans la genèse de ce type d’hypercalcémie (par exemple, le tumoral growth factor a[TGFa], l’interleukine 1, la lymphotoxine, le calcitriol, etc.).

Enfin il a été décrit des cas exceptionnels de sécrétion ectopique de PTH par des cancers non parathyroïdiens.

4 . 2 . 3  -  Autres hypercalcemies

a. Granulomatoses

L’hypercalcémie se rencontre dans 10 à 20 % des sarcoïdoses évolutives. La pathogénie de cette hypercalcémie est la production non régulée de la 1,25-(OH)2-D par le tissu granulomateux. Outre le fait que l’hypercalcémie survient dans un contexte pathologique souvent évident, le diagnostic différentiel avec l’HPT1 repose sur l’hyperphosphorémie et sur les valeurs basses de PTH.

b. Hypercalcémies iatrogènes

Vitamine D et dérivés (+++)

L’apport de vitamine D ou de ses dérivés métaboliques actifs (1-OH-D ou 1,25-(OH)2-D) est responsable d’hypercalcémie en cas de surdosage. Le tableau biologique associe hypercalcémie, hyperphosphorémie, PTH basse et 1,25-(OH)2-D augmentée.

Vitamine A

L’intoxication par la vitamine A, par une action directe sur l’os, s’accompagne d’une asthénie sévère, de douleurs musculaires et osseuses, d’alopécie des sourcils, de chéilite fissuraire. C’est l’interrogatoire qui conduit au diagnostic, en n’omettant pas de s’enquérir d’un traitement de l’acné ou de psoriasis par isotrétinoïde. Il s’agit toujours d’une prise à trop forte dose et pendant trop longtemps. En cas de doute, l’intoxication peut être confirmée par le dosage de la vitamine A.
Diurétiques thiazidiques

Les diurétiques thiazidiques augmentent la calcémie par diminution de l’excrétion urinaire du calcium, associée à l’hémoconcentration. L’hypercalcémie est associée à une hypocalciurie. En pratique, le diagnostic repose sur l’analyse de la composition des traitements antihypertenseurs. Après l’arrêt du thiazidique, si l’hypercalcémie persiste, il est nécessaire de rechercher une autre étiologie, en particulier une HPT1 (++).

Lithium

Le lithium entraîne une hypercalcémie chez 10 % des patients traités ; elle régresse à l’arrêt du traitement. L’hypercalcémie induite par le lithium est due à une action directe de celui-ci sur la cellule parathyroïdienne qui, sous l’effet du lithium, est stimulée par des concentrations plus élevées de calcium circulant (déplacement vers la droite du « set point ») ; de plus, le lithium augmente la réabsorption tubulaire du calcium. Le tableau biologique des hypercalcémies induites par le lithium est donc superposable à celui des HPT1.

Buveurs de lait

Les hypercalcémies des buveurs de lait et d’alcalins sont devenues rares depuis les traitements modernes des ulcères gastroduodénaux. Ce syndrome, dont la physiopathologie reste à déterminer, peut encore être observé dans de rares circonstances : automédication par de fortes doses d’antiacides, traitements par de fortes doses de carbonate de calcium.

c. Immobilisation

Quelle que soit sa cause, mais surtout s’il s’agit de pathologies neurologiques ou orthopédiques chez l’enfant, chez l’adolescent ou l’adulte jeune, l’immobilisation entraîne une diminution de l’ostéosynthèse qui se traduit habituellement par une augmentation de la calciurie et de l’hydroxyprolinurie, et plus rarement d’une hypercalcémie, sauf s’il existe une insuffisance rénale associée. L’ensemble des anomalies biologiques régresse 6 mois environ après la reprise de l’activité.

d. Hypercalcémie des endocrinopathies (hors HPT)

L’hyperthyroïdie induit une accélération du renouvellement osseux. La calcémie moyenne des hyperthyroïdiens est supérieure à celle des sujets sains, sans qu’il y ait de réelles hypercalcémies. L’hypercalcémie est le fait des thyrotoxicoses sévères du sujet âgé pouvant s’accompagner d’ostéoporose.

L’insuffisance surrénale aiguë peut s’accompagner d’une hypercalcémie modérée due à l’hémoconcentration et à l’insuffisance rénale fonctionnelle. L’opothérapie substitutive normalise rapidement la calcémie.

Le phéochromocytome (en dehors de son association dans le cadre d’une NEM2A avec HPT1) peut être associé à une hypercalcémie réversible après l’ablation chirurgicale. On en ignore le mécanisme. L’hémoconcentration peut y contribuer.

e. Hypercalcémie-hypocalciurie familiale bénigne

Ce syndrome constitue un piège diagnostique classique avec l’HPT1. Il associe une hypercalcémie en règle générale bien tolérée, une hypophosphorémie, une discrète hypermagnésémie, une calciurie basse et des valeurs plasmatiques de PTH normales, ou peu supérieures à la normale mais en discordance avec l’hypercalcémie. C’est donc un tableau biologique d’HPT1, hormis l’hypocalciurie.

Il s’agit d’une affection héréditaire, transmise sur le mode autosomique dominant (chromosome 3q2). Cette anomalie génétique porte sur la partie codante du gène du récepteur transmembranaire du calcium de la cellule parathyroïdienne, et entraîne une inactivation partielle de ce récepteur, d’où un déplacement vers la droite du « set point » de la courbe de corrélation Ca++/PTH. L’hypercalcémie familiale bénigne est en fait la forme hétérozygote de la très rare hyperparathyroïdie sévère néonatale.

La prévalence de l’hypercalcémie familiale bénigne est évaluée à 1 pour 10 000. On peut raisonnablement penser qu’un certain nombre de patients opérés avec le diagnostic d’HPT1, et chez qui il n’a pas pu être mis en évidence d’adénome parathyroïdien mais tout au plus une hyperplasie, sont en fait d’authentiques cas d’hypercalcémie familiale bénigne.

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