3 - Manifestations cliniques


Le fer s’accumule progressivement dans le foie, le cœur et les tissus endocrines. Les premiers symptômes sont observés entre 40 et 50 ans chez l’homme. Chez la femme, l’accumulation du fer est retardée par les menstruations et la maladie ne devient généralement patente qu’après la ménopause. Les facteurs de variabilité de l’expression de la maladie sont, outre le sexe, les facteurs génétiques, qui conditionnent le degré de surcharge en fer, et les facteurs d’environnement (rôle aggravant d’une hépatopathie préexistante ou d’un alcoolisme chronique associé). La pénétrance clinique de l’homozygotie C282Y étant très faible, un pourcentage élevé de patients n’aura aucune expression phénotypique de la maladie. En pratique, il est impossible de prédire quels sujets homozygotes pour la mutation C282Y évolueront vers une hémochromatose symptomatique.

Dans sa forme historique, symptomatique, le tableau clinique de l’hémochromatose associe une mélanodermie diffuse (photo 44A, photo 44b), un diabète sucré, une hépatomégalie (ou « cirrhose bronzée » avec diabète), une cardiomyopathie, des arthralgies et d’autres endocrinopathies (tableau 15.III).

À l’heure actuelle, le diagnostic est le plus souvent effectué à un stade plus précoce, voire à un stade présymptomatique et l’enjeu est alors de prévenir la survenue des complications. En effet, en l’absence de cirrhose ou de diabète, la maladie n’entraîne pas de réduction significative de l’espérance de vie. La fréquence respective des signes et symptômes présents au moment du diagnostic clinique est donnée dans le tableau 15.III. L’association d’une asthénie inexpliquée, d’arthralgies et d’une élévation des aminotransférases ALAT est considérée comme évocatrice : c’est la « règle des 3 A ».


Mélanodermie diffuse
Mélanodermie diffuse
Tableau 15.III.Fréquence des signes et symptômes lors du diagnostic d’une hémochromatose symptomatique
   Anomalies fonctionnelles hépatiques            75 %
   Asthénie, adynamie          74 %
   Mélanodermie          70 %
   Diabète          48 %
   Impuissance          45 % (hommes)  
   Arthralgies          44 %
   Anomalies ECG          31 %
A. Atteinte hépatique

Une élévation des enzymes hépatiques, prédominant sur les ALAT, et/ou une hépatomégalie sont observées chez 95 % des patients symptomatiques. Les transaminases sont habituellement à 2 fois la limite supérieure de la normale. L’évolution vers une cirrhose et ses complications explique 90 % des décès dus à l’hémochromatose. Les patients cirrhotiques, porteurs d’une hémochromatose, ont un risque de carcinome hépatocellulaire de 5 % par an.

B. Atteinte cardiaque

L’hémochromatose s’accompagne d’un risque de cardiopathie dilatée, de troubles du rythme, à type notamment de fibrillation auriculaire. La sévérité de l’atteinte myocardique n’est pas corrélée à celle des autres organes. L’atteinte cardiaque peut être responsable d’une mort subite.

C. Atteinte endocrinienne

1. Diabète (+++)

L’hémochromatose peut être responsable d’un diabète, retrouvé chez 25 % des patients dans une étude prospective récente. La présence d’un diabète témoigne d’une surcharge ferrique importante, et ces patients sont plus exposés au risque de cirrhose que les patients non diabétiques. Le mécanisme principal est une accumulation pancréatique du fer, conduisant à des phénomènes oxydatifs et favorisant la survenue d’une apoptose des cellules bdes îlots de Langerhans, les cellules aresponsables de la sécrétion de glucagon restant normales, comme la sécrétion exocrine. Il s’agit donc essentiellement d’un diabète lié à une insulinopénie, mais la surcharge en fer pourrait également être responsable d’une insulinorésistance. Il s’agit parfois d’un diabète instable difficile à traiter, devenant rapidement insulinorequérant et susceptible de complications micro et macroangiopathiques. Une fois déclaré, le diabète évolue en effet pour son propre compte ; il n’y a pas de régression avec la déplétion martiale.

2. Hypogonadisme (+++)

C’est la cause la plus fréquente d’endocrinopathie au cours de l’hémochromatose, en dehors du diabète. L’hypogonadisme peut se révéler par une impuissance chez l’homme, une aménorrhée chez la femme, une perte de la libido ou une ostéoporose. Il s’agit d’une insuffisance gonadotrope, liée à une accumulation de fer dans l’hypophyse. Une atteinte gonadique primitive est exceptionnelle. Les saignées ne permettent pas d’obtenir une récupération.

3. Autres atteintes endocriniennes

La survenue d’une insuffisance thyroïdienne périphérique serait plus fréquente au cours de l’hémochromatose que dans la population générale du fait de la coexistence d’une accumulation thyroïdienne du fer, responsable d’une fibrose, et d’une atteinte auto-immunitaire. En pratique, elle est exceptionnelle chez les patients avec mutation HFE.

D. Atteinte articulaire

L’arthropathie est fréquente, survenant chez 1/2 à 1/3 des patients. L’atteinte la plus caractéristique est une arthrite chronique, touchant les 2eet 3emétacarpophalangiennes, responsable d’une « poignée de main douloureuse ». Les interphalangiennes proximales, les poignets, les genoux, les chevilles, les épaules et les hanches peuvent aussi être affectés. Le mécanisme en est mal connu.

L’hémochromatose est une cause importante de chrondocalcinose (+++).

E. Atteinte cutanée

La mélanodermie (photo 44, cf. cahier couleur) survient tardivement au cours de l’évolution, conduisant à une coloration grisâtre ou brune des téguments, parfois limitée aux zones découvertes (visage, cou, dos des mains, avant-bras, partie inférieure des jambes) et aux parties génitales. Elle est souvent visible sur la muqueuse buccale.

Il peut s’y associer une atrophie cutanée, une perte des cheveux et des ongles cassants.

F. Autres signes

Les autres signes non spécifiques peuvent être la fatigue, la dépression, des douleurs abdominales, une perte de poids.


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