6 . 9  -  Moyens thérapeutiques

Chirurgie

Chirurgie de la tumeur primitive

  • Exérèse

L'exérèse peut être limitée ou étendue, plus ou moins conservatrice de la fonction selon l’étendue des lésions ; exemples d'interventions : glossectomie partielle, hémiglossectomie, pelvectomie antérieure, hémi-glosso-pelvectomie, hémi-glosso-pelvi-mandibulectomie, buccopharyngectomie transmandibulaire, etc.

L'ablation tumorale peut s'accompagner d'exérèse osseuse avec ou sans interruption de la continuité ; exemples d'interventions : mandibulectomie interruptrice ou non interruptrice, buccopharyngectomie avec résection terminolatérale de mandibule, etc.

Reconstruction

Une reconstruction est nécessaire en cas de pertes de substance muqueuse et/ou osseuse étendues. Elle se fait au moyen de lambeaux pédiculés régionaux ou par des transplants microanastomosés :

  • lambeaux pédiculés :
    • lambeau nasogénien ;
    • lambeau myocutané de grand pectoral ;
    • lambeau myocutané de grand dorsal ;
    • lambeau de muscle temporal ;
  • transferts microanastomosés :
    • lambeau antébrachial, dit aussi lambeau chinois ;
    • transfert composite musculocutané de fibula, grand dorsal ou de grand pectoral.


En cas d'interruption de la continuité, la séquelle est la perte de la mastication et, accessoirement, une modification de l'esthétique du visage auxquelles on peut remédier en proposant tantôt un appareil-guide pour éviter les déviations mandibulaires, tantôt une réhabilitation osseuse microchirurgicale (transfert microanastomosé de crête iliaque ou de fibula).

L'exérèse chirurgicale s'accompagne d'une analyse histologique de la pièce qui détermine si les berges de la résection sont satisfaisantes, limites ou envahies. Dans les deux derniers cas, un traitement complémentaire est nécessaire : reprise chirurgicale si possible ou radiothérapie.

Chirurgie ganglionnaire

La chirurgie ganglionnaire est à la fois exploratrice et thérapeutique. Le type de curage (lymphadénectomie) est fonction de l'importance de l'extension ganglionnaire. Selon la localisation de la tumeur, le drainage lymphatique peut se faire de manière bilatérale, obligeant à pratiquer un curage bilatéral. Chaque fois que possible sur le plan carcinologique, sont réalisés des curages dits fonctionnels, car ils préservent des éléments tels que le muscle sternocléidomastoïdien, la veine jugulaire interne et le nerf accessoire.

Un examen histologique extemporané des relais ganglionnaires sous-digastrique et sus-omo-hyoïdien (voies de passage « obligatoires ») permet, pour certaines équipes, de déterminer s'il est nécessaire d’étendre le curage aux chaînes sous-jacentes.

                                                                                                                 
Examen histologique du résultat du curage ganglionnaire


• Une étude histologique conventionnelle précise :
– le nombre de ganglions identifiés
– le nombre de ganglions envahis : N+
– leur siège
– l'existence ou non d'une rupture capsulaire : R+ ou R-

Une radiothérapie complémentaire est indispensable en cas de N+ multiples ou en cas de R+.

6 . 10  -  Curiethérapie sur la tumeur primitive

Utilisant l'iridium 192, la curiethérapie n'est applicable qu’à certaines localisations (lèvres, langue, plancher antérieur de bouche). Parmi les techniques d'irradiation, c'est la plus efficace localement, mais elle est contre-indiquée si la tumeur est au contact de l'os car, au-delà de 50 grays, elle provoque une ostéonécrose. Cette technique ne se pratique plus que dans quelques centres.

6 . 11  -  Radiothérapie externe exclusive

La radiothérapie externe exclusive est utilisée :

  • sur la tumeur primitive : elle délivre une dose de 70 grays et est réservée aux grandes tumeurs (T3/T4, N2/N3). Actuellement, sont utilisées des radiothérapies modifiées plus efficaces localement : bifractionnées avec doses totales augmentées, accélérées ou, surtout, avec traitement radiosensibilisant. Certaines équipes combinent radiothérapie externe (limitées à 40 grays) suivie de curiethérapie à 30 grays ;
  • sur les adénopathies cliniquement palpées et précisées par le scanner : celles-ci sont irradiées de la même manière que la tumeur primitive. En cas de cou N0, la dose est diminuée à 40 grays.

6 . 12  -  Association radiochirurgicale

Le plus souvent, à la chirurgie tumorale et ganglionnaire succède une radiothérapie externe sur le site tumoral et les aires ganglionnaires, à des doses adaptées en fonction du résultat histologique de la pièce opératoire.

Si les limites de résection sont douteuses ou insuffisantes, est appliquée une dose de radiothérapie exclusive (dose entière).

En cas de poursuite évolutive ou de récidive, il est fait appel à la radiothérapie en rattrapage, qui est délivrée à dose entière. À l'inverse, la chirurgie peut être aussi de rattrapage après échec d'une radiothérapie exclusive à dose entière sur le site tumoral et les aires ganglionnaires. Dans ce domaine, des progrès chirurgicaux importants ont été réalisés grâce à l'utilisation de lambeaux pédiculés ou de transferts libres microanastomosés, rendant la chirurgie plus efficace avec une mortalité et une morbidité postopératoires réduites.

6 . 13  -  Chimiothérapie

Il n'existe pas actuellement de chimiothérapie curative des carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale. Lorsqu'elle est instituée, elle associe actuellement le plus souvent le 5-fluoro-uracile et les dérivés du platine (cisplatine et carboplatine). Il n'est pas prouvé que la chimiothérapie prolonge la survie et empêche ni même ralentisse la dissémination métastatique.

Concernant la cavité buccale, elle est utilisée associée à la radiothérapie comme sensibilisante de celle-ci (chimioradiothérapie concomitante), en palliatif, en traitement des métastases, ou dans le cadre d'essais thérapeutiques encadrés.

6 . 14  -  Traitements adjuvants

Les traitements adjuvants permettent de lutter contre la douleur sans attendre le traitement carcinologique : il faut d'emblée user d'antalgiques de classe II ou III jusqu’à effet antalgique total.

On peut corriger la dénutrition :

  • par le traitement antalgique, qui autorise l'alimentation orale ;
  • par hyperalimentation entérale (sonde gastrique si utile) ;
  • par hyperalimentation parentérale (dans les grandes dénutritions).


On peut corriger les déséquilibres hépatiques qui peuvent accompagner une intempérance éthylique, corriger les éventuels troubles respiratoires par kinésithérapie, aérosols, bronchodilatateurs et antibiothérapie.

6 . 15  -  Indications thérapeutiques

Les indications thérapeutiques dépendent de l'aspect clinique de la tumeur (infiltrante ou végétante), de sa nature histologique et de son degré de différenciation, de l'existence ou non d'adénopathie cervicale métastatique et de l'orientation de l’équipe qui prend en charge le patient, certaines équipes privilégiant les agents physiques et d'autres étant plus chirurgicales. Schématiquement, les indications peuvent être regroupées de la manière suivante.

Concernant la tumeur

  • Pour les T1/T2 distantes des structures osseuses : chirurgie ou curiethérapie.
  • Pour les T1/T2 proche de l'os : chirurgie.
  • Pour les T3/T4 : chirurgie, si elle est localement possible et « raisonnable », suivie de radiothérapie externe (l'exérèse tumorale étant généralement considérée comme systématiquement limite).


En cas de contre-indication opératoire (tare, état général du malade, à un moindre degréâge, refus du patient) : radiothérapie externe seule ou chimioradiothérapie concomitante.

Concernant les aires ganglionnaires

L'attitude décidée est celle qui correspond au traitement de la tumeur primitive :

  • curage ganglionnaire si la chirurgie est décidée pour la tumeur primitive ;
  • radiothérapie externe des aires de drainage lymphatique si une radiothérapie externe de la tumeur primitive est décidée ;
  • curage ganglionnaire systématique en cas de curiethérapie sur la tumeur primitive en cas de cou N0 ; en revanche, en cas d'adénopathie palpable, la curiethérapie est généralement abandonnée au profit de la chirurgie qui traite dans le même temps la tumeur et les aires ganglionnaires.


Complications et séquelles des irradiations sur les VADS – Item 141

  • Mucite et dermite : elles apparaissent dès le quinzième jour après le début de la radiothérapie. Variable, la mucite va de l’érythème non douloureux n'entravant pas l'alimentation (grade 1) à de très nombreuses ulcérations saignantes accompagnées de sévères douleurs empêchant de s'alimenter et même de boire, obligeant à une alimentation entérale ou parentérale (grade 4).
  • Hyposialie : la diminution de la sécrétion salivaire est secondaire à l'irradiation des glandes salivaires se trouvant dans le champ d'irradiation :
    • 50 % en cas d'irradiation des aires ganglionnaires ;
    • 80 % en cas de tumeurs de l'oropharynx ;
    • 100 % en cas de tumeurs de la cavité buccale ou du cavum.
  • Éviter cette complication n'est à l'heure actuelle pas possible. Si les doses n'ont pas été trop élevées, la salive revient progressivement en six à douze mois. Outre ce désagrément, cette hyposialie entraîne une pathologie dentaire fréquente (caries puis odontonécrose). Cette dernière complication est devenue, sinon moins fréquente, du moins retardée grâce à une prophylaxie fluorée systématique (applications de gel fluoré dans des gouttières réalisées sur mesure) pendant quelques minutes tous les jours tant que la salive reste anormale. Traitements palliatifs et substituts de salive restent extrêmement décevants.
  • Agueusie : conséquence directe de l'irradiation sur les bourgeons du goût et de l'asialie, elle intervient dans l'inappétence fréquente rencontrée chez ces patients.
  • Mycoses : elles représentent un risque permanent et très fréquent. Elles cèdent à un traitement antifongique (traiter le patient et les prothèses mobiles).
  • Complications dentaires : elles apparaissent un an après la radiothérapie et concernent les dents situées dans le volume d'irradiation, mais aussi celles situées en dehors de lui. Il s'agit de caries du collet, de fracture par fragilisation de la dentine, d'une abrasion progressive, d'une coloration noire des dents (« dents d’ébène ») avec comme terme ultime un effritement des dents par odontonécrose.
  • Ostéoradionécrose mandibulaire : liée à la thrombose vasculaire qui fragilise l'os, c'est la complication la plus redoutable, car cette nécrose osseuse est en général extensive. Elle est fonction de la dose de radiothérapie, de l’âge, de l'hygiène buccodentaire, de l'existence de gestes agressifs ou intempestifs sur la mandibule (extractions dentaires postérieures à l'irradiation). Devant l'insuffisance habituelle du traitement médical (antibiotiques, oxygénothérapie hyperbare), le recours à la chirurgie est nécessaire (curetage osseux étendu, voire mandibulectomie interruptrice). Cette complication peut apparaître précocement (trois mois après la fin de l'irradiation) et reste un risque permanent à long terme (dix ans).
  • La prévention de l'ostéoradionécrose mandibulaire repose sur :
    • avant irradiation : soins et hygiène buccodentaire avec détartrage ; avulsion de toute dent non correctement traitable ou siège d'une parodontopathie ;
    • à vie : fluoration des dents conservées ; avulsions dentaires sous antibiothérapie et avec fermeture muqueuse étanche.
  • Limitation de l'ouverture de bouche par myosite rétractile des muscles masticateurs : elle est douloureuse et invalidante, gênant l'alimentation et entravant le port des prothèses dentaires.
  • Réhabilitation dentaire prothétique difficile (et parfois impossible) : en raison de l'asialie et de l'absence de dents restantes.
  • Ulcérations torpides et nécroses muqueuses : en rapport avec un trouble trophique post-radique, elles sont à distinguer d'une récidive, ce qui nécessite un «œil expérimenté», pour éviter les gestes agressifs (biopsie intempestive) favorisant l'extension rapide de ces ulcérations jusque parfois aux gros vaisseaux du cou qu'elles peuvent ulcérer, provoquant des hémorragies cataclysmiques (ruptures de carotides) terminales.
8/10