2  -  Causes des malformations

Bien que les connaissances aient fait d’indéniables progrès quant aux bases moléculaires de certaines malformations, leur cause exacte reste inconnue dans près de la moitié des cas. Les causes de malformations peuvent être regroupées en trois groupes : causes intrinsèques (génétiques), causes extrinsèques (environnementales) et causes multifactorielles (tableau 5.1).

Tableau 51 : Causes des malformations congénitales dans l'espèce humaine

2 . 1  -  Causes intrinsèques (constitutionnelles)

Malformations d’origine génique

Les malformations peuvent avoir une origine génétique mendélienne, avec une transmission autosomique dominante (ex : certaines polydactylies isolées), une transmission autosomique récessive (ex : polykystose rénale récessive autosomique, dite infantile) ou une transmission récessive liée à l’X (syndrome de l’X fragile).

L’empreinte parentale est la conséquence de l’inactivation du gène de l’un des 2 parents (existence de différences fonctionnelles entre gènes paternel et maternel). Certaines malformations résultent d’une anomalie de l’empreinte parentale. Exemple : le syndrome de Wiedemann-Beckwith qui associe macrosomie, omphalocèle, macroglossie, splanchnomégalie, hypoglycémie néonatale, cytomégalie surrénalienne et pancréatique et prédispose à des tumeurs malignes.

Le mosaïcisme est la présence de deux populations cellulaires (ou plus) ayant une formule chromosomique différente. Leur répartition est variable dans l’œuf : soit généralisée (étendue à l’embryon et au placenta), soit limitée au placenta ou à l’embryon (rarissime).

Malformations d’origine chromosomique

Elles concernent 1 % des naissances. Elles sont dans la grande majorité des cas accidentelles (non-disjonction lors de la méiose) et donc non reproductibles dans la fratrie. Des syndromes malformatifs bien connus sont d’origine chromosomique : trisomie 21 (syndrome de Down) ; trisomie 13 (syndrome de Patau) (figure 5.2) ; trisomie 18 (syndrome d’Edwards) (figure 5.3).

Figure 5.2. Trisomie 13 : un exemple de syndrome polymalformatif d’origine chromosomique
Dysmorphie caractéristique avec fente labiale médiane, sous-tendue par une holoprosencéphalie, polydactylie (non visible ici) et omphalocèle.
Figure 5.3. Trisomie 18 : autre exemple de syndrome polymalformatif d’origine chromosomique
Petit visage triangulaire, excès de lanugo, chevauchement des doigts (le 2 en extension sur les autres …), pieds en piolet et en varus équin, omphalocèle.

Une place à part doit être faite aux micro-délétions, qui peuvent être à l’origine de polymalformations.

2 . 2  -  Causes extrinsèques

Ces causes extrinsèques peuvent être d’origine maternelle ou extérieure à la mère. Lorsqu’une agression survient au cours de l’embryogénèse, elle pourra, selon sa gravité, entraîner un avortement précoce, des « malformations » gravissimes et létales ou isolées, ou un syndrome polymalformatif. Si l’agression survient durant la période fœtale, elle se traduira en général par une fœtopathie « non malformative », souvent accompagnée d’un retard de croissance intra-utérin (RCIU).

Les causes infectieuses sont nombreuses

  • Bactériennes : streptocoque B, colibacille, listériose, syphilis.
  • Virales : rubéole, CMV, herpès virus, varicelle, VIH… La rubéole maternelle est responsable de l’embryofœtopathie la plus anciennement connue (syndrome de Gregg) associant atteinte cardiaque, auditive et oculaire. On prévient la rubéole chez les femmes enceintes par une vaccination infantile généralisée.
  • Parasitaires : la toxoplasmose congénitale (figure 5.4) est responsable d’une hydrocéphalie avec calcifications, atteinte oculaire et septicémie. Il existe aussi des formes pauci-symptomatiques.
Figure 5.4. Toxoplasmose congénitale : hydrocéphalie, nécrose cérébrale étendue à prédominance périventriculaire.

2 . 3  -  Malformations dues à des agents physiques

Les radiations ionisantes peuvent être responsables de malformations dont l’exemple le plus caractéristique est représenté par celui des enfants nés après les explosions atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, et après l’accident de Tchernobyl. Leur utilisation médicale peut aussi être à l’origine de malformations (fortes doses : curiethérapie de contact chez une femme enceinte ; faibles doses : explorations radiographiques chez une femme qui ne se sait pas enceinte).

Disruptions de l’hyperthermie maternelle. Expérimentalement l’hyperthermie (fièvre > ou = 38,5 °C) peut avoir un effet tératogène (action anti-mitotique) entraînant des troubles du développement du système nerveux central, des anomalies des membres, une hypoplasie médio-faciale. 10 % des anomalies du tube neural pourraient relever de la fièvre. Ces causes sont difficiles à prouver chez l’homme.

Malformations chimio-induites

De nombreux médicaments peuvent entraîner l’apparition de malformations. Seuls quelques exemples particulièrement connus sont rappelés ici.

L’isotrétinoïne est largement utilisé dans le traitement de l’acné. Prescrit durant le premier trimestre, il provoque un avortement ou des malformations craniofaciales. Les règles de prescription de ce traitement chez les adolescentes et les femmes en période d’activité génitale sont extrêmement strictes.

Le valproate de sodium est un anti-comitial dont la prescription est associée à une augmentation du nombre des spina-bifida (nécessité d’un traitement préventif pré-conceptionnel par l’acide folique).

La thalidomide est un hypnotique-sédatif qui fut responsable de phocomélies survenues en Allemagne après sa prescription à des femmes enceintes pour le traitement symptomatique des nausées du 1er trimestre, durant la période embryonnaire. Il existe encore actuellement des indications thérapeutiques : aphtoses (syndrome de Behçet), troubles de l’immunité, lèpre. Il faut donc garder à l’esprit le risque malformatif associé à ce médicament et redouter une reprise des malformations dans les pays où sa délivrance n’est pas contrôlée comme en France, ou prescrite sans précautions contraceptives.

2 . 3 . 1  -  Facteurs maternels métaboliques

Certaines carences vitaminiques (acide folique) sont probablement impliquées dans l’apparition d’anomalies du tube neural.

Le diabète gestationnel (d’autant plus qu’il est mal équilibré, ancien et sévère) s’accompagne d’un risque malformatif important (figure 5.5) : cardiopathies, syndrome de régression caudale, aplasie radiale, malformations rénales et au maximum association VATER.

Figure 5.5. Nouveau-né de mère diabétique : diabète maternel mal équilibré ayant entraîné une mort périnatale
Les anomalies externes comportent une macrosomie, un oedème des téguments, particulièrement visible à l’extrémité céphalique où il entraîne une plicature des oreilles, un enfouisse ment des yeux, une macroglossie et protrusion de langue.

Pathologie des addictions

Le tabagisme maternel est associé à un risque d’avortement, de prématurité et de RCIU. Les morts subites du nourrisson sont plus fréquentes chez les enfants de mère fumeuse. En revanche, il n’a pas été démontré d’effet tératogène associé au tabagisme.

Le syndrome d’alcoolisation fœtale est certainement la principale cause de malformations en rapport avec la prise d’un produit toxique. Il peut s’accompagner de malformations graves : retard mental et retard de croissance, microcéphalie, malformation cardiaque, hypoplasie maxillaire, etc.

D’autres toxicomanies (LSD, cocaïne) sont aussi associées à un risque accru de malformations.

2 . 3 . 2  -  Facteurs mécaniques

Dans la séquence de rupture amniotique (ou maladie des brides amniotiques) (figure 5.6), le primum novens est la rupture précoce de l’amnios aboutissant à la formation de brides amniotiques. Ces brides peuvent provoquer chez le fœtus des amputations distales asymétriques des membres ou des doigts, des syndactylies ou des strictions. Il n’y a pas de malformation viscérale.

Les déformations sont souvent la conséquence d’une pression mécanique sur le fœtus : par exemple au cours de l’oligo-amnios (séquence oligo-amnios) (figure 5.7)

Figure 5.6. Maladie des brides amniotiques
Brides amniotiques avec striction du cordon, mutilations des doigts, amputation du membre inférieur gauche à mi-cuisse, foetus macéré.
Figure 5.7. Déformation de l’oligo-amnios
Ankylose et déformation des membres, dysmorphie (front fuyant, hypertélorisme, nez aquilin [aplati & large], pli sous orbitaire [épicanthus], rétrognathisme, oreilles bas implantées et larges).

Disruptions d’origine vasculaire ou ischémique

Des modifications du flux sanguin peuvent aboutir à des lésions destructrices d’origine ischémique. C’est le cas de certaines formes d’atrésie intestinale.

Malformations de causes inconnues ou multifactorielles


L’ensemble des mécanismes étiopathogéniques évoqués ci-dessus ne représente actuellement pas plus de la moitié des causes de malformations. Un grand nombre de malformations, dont certaines sont très fréquentes (fente labio-palatine, spina-bifida [figure 5.8]), demeurent de cause inconnue. Un certain nombre de malformations congénitales sont multifactorielles.
Exemple : la luxation congénitale de hanche, associant un déterminisme génétique (profondeur acétabulaire, degré de laxité ligamentaire) et des facteurs environnementaux (position intra-utérine).

Figure 5.8. Spina-bifida aperta lombo-sacré
Défaut de fermeture localisé et complet, mettant en communication le canal rachidien (visible à la partie supérieure du defect) avec l’extérieur.
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