2 . 2  -  Embolie

L’embolie est la circulation d’un corps étranger (exogène ou endogène) dans le courant circulatoire et son arrêt dans un vaisseau trop petit pour lui livrer passage. Le corps étranger prend le nom d’embole. Le point d’arrêt est déterminé par le lieu d’origine et par le diamètre de l’embole. Il en résulte que ce point se situe nécessairement dans une partie du système circulatoire sanguin où le calibre des vaisseaux va en diminuant : le système artériel (y compris pulmonaire).

À noter que les embolies sont également possibles dans le système circulatoire lymphatique, avec un rôle capital dans le processus métastatique.

2 . 2 . 1  -  Classification des embolies selon la nature de l'embole

Embole cruorique (thrombus sanguin)

Il correspond à la majorité des cas (95 %). Il s’agit d’un fragment de thrombus qui migre dans le courant circulatoire. Les thromboses les plus emboligènes sont les thromboses des veines des membres inférieurs et du pelvis, les thromboses cardiaques (risque augmenté si arythmie), les thromboses des anévrismes artériels, les thromboses artérielles à proximité d’une bifurcation (carotides).

Autres emboles, beaucoup plus rares

  • Gazeux : blessure vasculaire avec introduction d’air, accident de décompression.
  • Graisseux : il s’agit en fait souvent d’un embole de moelle osseuse à partir d’un foyer de fracture (figure 4.10) ou éventuellement de l’injection intraveineuse inappropriée d’une substance huileuse.
  • Athéromateux (dit « de cholestérol ») : par migration d’un fragment de plaque athéroscléreuse ulcérée.
  • Tumoral (néoplasique) : agrégat de cellules cancéreuses circulant dans le système lymphatique ou vasculaire sanguin, qui constitue le mode de dissémination à distance des tumeurs malignes (voir chapitre 9).
  • Corps étranger (matériel médical, cathéter, etc.).
  • Parasitaire, microbien (ex : embolie septique à partir d’une endocardite), amniotique.
Figure 4.10. Embolie pulmonaire de moelle osseuse
Le thrombus est bloqué dans une artère pulmonaire distale. Les cellules visibles dans la partie gauche de l’embole sont des cellules hématopoïétiques, mêlées à des adipocytes médullaires. La zone rosée relativement uniforme située à droite correspond à un thrombus récent.

2 . 2 . 2  -  Trajet des emboles

Trajet normal

L’embole s’arrête en aval de son point de départ dans un vaisseau de diamètre insuffisant pour le laisser passer.

  • À partir de thromboses des veines de la grande circulation (veines des membres inférieurs, plexus pelviens, veine cave inférieure) : l’embole remonte vers le cœur droit, et se bloque dans une branche de l’artère pulmonaire. Si l’embole est volumineux, il se bloque dans le tronc de l’artère pulmonaire ou dans l’artère pulmonaire droite ou gauche. Les emboles plus petits, souvent multiples, se bloquent dans des petites artères pulmonaires distales intraparenchymateuses.
  • À partir de thromboses des cavités cardiaques gauches (oreillette, ventricule) et des artères (aorte, iliaque, carotide) les emboles cheminent dans la grande circulation. L’embole s’arrête dans une artère des membres inférieurs, des reins, de la rate, du cerveau, du foie, etc.


Trajet anormal

Exceptionnellement, l’embole suit un trajet anormal : c’est l’embolie paradoxale.

  • L’embole court-circuite le système artériel pulmonaire et passe du système veineux (cœur droit) vers le système artériel (cœur gauche) en empruntant une communication anormale entre les cavités cardiaques (communication inter-auriculaire), souvent à l’occasion d’une inversion du flux au travers de la communication par augmentation de pression dans l’oreillette droite, lors d’une embolie pulmonaire.
  • Trajet rétrograde, par inversion du flux sanguin normal (cas de petits emboles néoplasiques).

2 . 2 . 3  -  Conséquences des embolies

Elles sont avant tout déterminées par le siège de l’embolie et par la taille de l’embole. Dans les embolies non cruoriques, la nature de l’embole peut avoir des conséquences particulières.

Embolie pulmonaire

  • Mort subite : par embolie massive dans le tronc de l’artère pulmonaire (l’interruption de la circulation entraîne l’arrêt cardiaque).
  • Insuffisance cardiaque droite aiguë si une seule artère pulmonaire ou grosse branche artérielle est occluse (figure 4.11).
  • Insuffisance cardiaque chronique (appelée « cœur pulmonaire chronique ») à la suite de multiples petites embolies pulmonaires distales souvent passées inaperçues (la réduction du lit vasculaire entraîne une augmentation des résistances pulmonaires et une hypertension artérielle pulmonaire).
Figure 4.11. Embolie pulmonaire : volumineux embole provenant d’une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs, bloqué au niveau d’une bifurcation artérielle pulmonaire

On considère que plus de 60 % des embolies pulmonaires sont cliniquement silencieuses : l’embole, de petite taille, touche une artère pulmonaire de petit calibre, sans conséquence en aval (pas d’infarctus). L’embole s’organise selon un processus similaire à celui décrit précédemment pour un thrombus et est incorporé à la paroi artérielle.

Embolie artérielle

Elle entraîne en règle générale l’apparition, en aval du point d’arrêt de l’embole, de phénomènes ischémiques aigus aboutissant à un infarctus (voir plus loin).

Selon la nature de l’embolie, certaines conséquences particulières sont observées plus fréquemment :

  • embolie graisseuse multiple (après une fracture du fémur, par exemple) : détresse respiratoire aiguë, lésions ischémiques cérébrales ;
  • embolie gazeuse : lésions d’ischémie cérébrale ;
  • embolie amniotique sévère : risque de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ;
  • embolies tumorales : développement d’une métastase au point d’arrêt des emboles ;
  • embolie septique : formation d’un foyer infectieux suppuré au point d’arrêt de l’embole.
3/7