3  -  Place de l'anatomie pathologique dans la recherche

Le pathologiste doit continuer d’évoluer, comme il l’a toujours fait, en enrichissant la sémiologie morphologique des nouvelles méthodes diagnostiques, mais il doit garder un raisonnement précis fondé sur la morphologie (tant macroscopique, que microscopique), pour établir ou réviser les arbres décisionnels.

3 . 1  -  Cryopréservation des tissus

La congélation d’échantillons est habituellement faite dans un but diagnostique (immédiat ou principe de précaution pour donner au patient une chance supplémentaire, fonction de l’évolution des connaissances), mais aussi pour la recherche et/ou la constitution d’une collection (tissuthèques, tumorothèques, centres de ressources biologiques).

La conservation des prélèvements cryopréservés nécessite une infrastructure lourde, garantissant en particulier la rapidité de congélation, le contrôle de la qualité des prélèvements congelés, et leur conservation dans des conditions satisfaisantes. L’utilisation de ces collections nécessite la conformité aux règles éthiques selon la loi (information du patient, gestion du consentement), aux procédures d’assurance qualité et à la transparence des règles d’organisation, de fonctionnement et d’utilisation des prélèvements conservés. Les échantillons cellulaires ou tissulaires, cryopréservés ou non, ne peuvent être utilisés ou utilisables que s’ils sont associés à des informations cliniques sur le malade, des informations morphologiques concernant le diagnostic porté sur le prélèvement et des informations sur les échantillons (nature, quantité, conditions de collecte, de préparation, de conservation et d’utilisation).

3 . 2  -  Techniques d'analyse en recherche

Au cours des deux dernières décennies, les techniques d’investigation morphologique se sont considérablement développées. La liste des techniques complémentaires pouvant être utilisée est longue et non exhaustive.

Certaines techniques peuvent avoir des applications dans le diagnostic de routine (micros-copie électronique, cytométrie en flux, morphométrie). D’autres restent actuellement du domaine de la recherche (microscopie confocale, microdissection, tissue array, techniques non morphologiques d’analyse du transcriptome ou du protéome, etc.).

Microscopie électronique

Cette technique, par l’utilisation de coupes tissulaires très fines (moins de 100 nm) et de grandissements très importants, permet une étude à l’échelon cellulaire (analyse des constituants d’une cellule, des jonctions intercellulaires, d’éventuels dépôts, inclusion etc.). Les prélèvements doivent être de petite taille (2 à 3 mm), des fixateurs spéciaux doivent être utilisés (glutaraldéhyde, puis acide osmique le plus souvent) avant l’inclusion dans une résine. Des techniques d’immunohistochimie peuvent être adaptées au microscope électronique (notamment par des systèmes de révélation utilisant des billes d’or colloïdal denses aux électrons).

L’utilisation du microscope électronique à visée diagnostique est actuellement très réduite (pathologies rares neuromusculaires, rénales ou de surcharge) et elle a été supplantée par l’immunohistochimie, qui permet d’obtenir des résultats plus précis, beaucoup plus rapidement et à moindre coût.

Histomorphométrie

Cette technique permet une évaluation quantitative de certains paramètres : étude de la masse osseuse, quantification de la quantité de tissu conjonctif fibreux, étude de caractères morphologiques cellulaires (taille des noyaux), quantification de résultats immunohistochimiques. Elle utilise des appareils semi-automatiques couplés à des ordinateurs.

Microscopie confocale à balayage laser

Le microscope confocal à balayage laser est un microscope à fluorescence dont le faisceau lumineux est généré par un laser. Les signaux transmis sont captés, numérisés et un logiciel permet de reconstituer les images. Le microscope confocal permet une analyse morpho-fonctionnelle des cellules et des tissus, par la quantification des intensités des marquages fluorescents et la détection de leur localisation, ou colocalisation précise au sein des constituants cellulaires.

Lames virtuelles

Ce sont des reproductions numériques d’une lame, obtenues par la juxtaposition de très nombreuses images, acquises automatiquement et successivement, à fort grandissement. Ces images numériques peuvent ensuite être facilement consultées par plusieurs pathologistes. C’est une technologie très utile pour l’enseignement, la relecture de cas lors de protocoles thérapeutiques ou en assurance qualité pour l’analyse de la reproductibilité diagnostique.

Cytométrie en flux

C’est l’étude des cellules en suspension entraînées dans un flux et interceptées par un faisceau lumineux émis par un laser. Le faisceau modifié est détecté, amplifié et converti en signaux électriques traités par un ordinateur. Les suspensions cellulaires peuvent provenir de liquides naturels ou d’épanchements pathologiques, du broyage de tissu frais ou congelé ou de la dissociation enzymatique de coupes épaisses (70–100 μm) de blocs de paraffine. L’analyse directe des constituants de la cellule permet de déterminer des paramètres à valeur pronostique en cancérologie : phase S, ploïdie. Des populations cellulaires peuvent être étudiées après incubation avec des Ac spécifiques couplés à un fluorochrome : une application possible est la détermination des antigènes membranaires caractéristiques des sous-populations cellulaires, normales ou tumorales dans le sang, la moelle osseuse, ou dans une suspension cellulaire issue d’un ganglion lymphatique.

PCR in situ

Elle combine, sur des coupes histologiques, une amplification de type PCR et une hybridation in situ. Cette technique, très sensible, est d’un maniement difficile, qui empêche encore actuellement son utilisation en routine.

Microdissection

Elle permet de réaliser des analyses moléculaires ciblées. Elle est notamment utilisée lorsque le prélèvement est très hétérogène, pour ne prélever sur une lame que les territoires ou les cellules que l’on souhaite analyser. Cette microdissection peut être soit manuelle, soit par faisceau laser.

Bloc de tissue microarrays et les techniques non morphologiques

Le bloc de tissue microarrays est un bloc de paraffine comportant des carottes de 0,6 à 4 mm de diamètre, alignées dans un ordre, repéré dans un bloc receveur (figure 1.28). Ces blocs, comportant de nombreuses tumeurs, permettent de valider facilement de nouveaux marqueurs.

Figure 1.28 : Bloc de tissue microarray (en bas, à gauche) à partir duquel sont réalisées une coloration HE et une étude immunohistochimique avec des anticorps anti-KIT et anti-CD34 (à droite)

L’analyse de la signature moléculaire d’une lésion, fondée sur l’étude du transcriptome (étude à grande échelle des ARN extraits des tissus par biopuces ou PCR quantitative) est facilitée par les puces à ADN et le développement de puces dédiées avec un nombre restreint de gènes.

L’analyse du protéome avec des appareils de spectrométrie de masse de type SELDI-TOF (surface enhanced laser desorption/ionization time of flight) se développe, avec pour principe de séparer les protéines par leurs propriétés chimiques et leur masse moléculaire avant d’analyser les protéines d’intérêt.

3 . 3  -  Epidémiologie, les registres

Par l’utilisation du codage systématique des lésions, les bases de données anatomopathologiques (système informatisé de gestion de laboratoire) constituent une base fiable, facilement exploitable pour l’épidémiologie (fréquence, prévalence des maladies). Ces données ne peuvent être exploitées que de manière anonyme et en accord avec la CNIL. Les pathologistes sont souvent sollicités pour participer à des enquêtes à l’échelon national (institut de veille sanitaire) sur une pathologie donnée.

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