1. 3 - Cartilage préarthrosique (cartilage sénescent)

Au cours du vieillissement :

– il existe une synthèse de moins bonne qualité des protéines non collagéniques, notamment des protéoglycanes, ce qui tend à diminuer le contenu hydrique ;

– le nombre de chondrocytes décroît lentement et ils répondent moins bien aux stimuli.

     Ces anomalies se traduisent par des fissurations macroscopiques du cartilage qui surviennent au cours du vieillissement. Néanmoins, les modifications biochimiques du cartilage sénescent sont différentes de celles du cartilage arthrosique. On ne comprend que partiellement les relations qui lient le vieillissement et l’arthrose.

1. 4 - Cartilage arthrosique

     L’arthrose est caractérisée par une dégradation du cartilage associée à des remaniements de l’os sous-chondral, une production d’ostéophytes et des épisodes limités d’inflammation synoviale. C’est donc une maladie de l’articulation et pas seulement une maladie du cartilage (figures 5.1 et 5.2).

1. 4. 1 - Qu’observe-t-on macroscopiquement et à l’échelon microscopique dans une articulation arthrosique ?

     Tout dépend, bien sûr, du stade de la maladie. Il semble que l’on puisse la diviser en trois stades qui se succèdent, sachant
que sur une surface cartilagineuse, les lésions ne sont pas forcément toutes au même stade évolutif. Cette distinction est donc forcément caricaturale.


a. Stade initial

     Au stade initial, le cartilage est oedématié. Cette réponse à l’agression initiale du tissu peut être assimilée à une tentative de réparation du cartilage, sous l’effet de facteur de croissance chondrocytaire, qui va échouer pour des raisons encore mal comprises. Il y a surproduction de protéoglycanes qui entraînent une hyperhydratation néfaste, aboutissant au ramollissement du cartilage. Il est possible que la dissociation précoce des fibres collagènes liée à ce phénomène soit un point clef dans la physiopathologie de la maladie.

     Très rapidement, s’installe une synthèse défaillante avec des protéoglycanes de taille inférieure et synthèse d’un néocollagène (de type I), dont les propriétés biomécaniques sont moins bonnes.

     Cette activité anabolique va également se traduire par la production d’ostéophytes sous l’influence de facteurs de croissance tels que le TGFb. L’os sous-chondral riche en facteurs de croissance pourrait jouer un rôle dans la tentative de réparation des lésions cartilagineuses.


b. Stade intermédiaire

     Le stade 2 est caractérisé par l’apparition de fissures superficielles. Le premier phénomène est une hyperactivité catabolique du chondrocyte (destruction autocrine) et, par intermittence, de la membrane synoviale qui largue des enzymes et des cytokines délétères dans le liquide synovial (destruction paracrine). La destruction de la matrice est le fait d’enzymes protéolytiques (métalloprotéases et agrécanases) et glycolytiques produites sous l’effet de cytokines pro-inflammatoires. L’hyperactivité enzymatique déborde les capacités d’inhibition des inhibiteurs enzymatiques.

     Le second phénomène est une sidération des capacités anaboliques du chondrocyte. Certaines cytokines (IL-1 et TNF, par exemple) commandent l’inhibition de la synthèse des composants naturels du chondrocyte.

     Le troisième phénomène est un défaut comportemental de la cellule. Le chondrocyte peut se différencier en un fibrochondrocyte synthétisant des composants normalement absents ou présents en faible quantité : néocollagène de type I, versicane, fibronectine et autres protéines non collagéniques. Par ailleurs, il existe un réenclenchement du cycle de maturation cellulaire qui amène à une prolifération du chondrocyte puis à son hypertrophie et enfin à sa mort par apoptose.

     Finalement, défaut de réponse anabolique, déséquilibre entre enzymes et leurs inhibiteurs, mort cellulaire par nécrose ou par apoptose du chondrocyte s’additionnent et contribuent à la dégradation de la matrice extracellulaire. Cette
matrice, par ailleurs de mauvaise qualité, résiste moins bien aux pressions cycliques, ce qui autoentretient la maladie.


c. Stade final


     À un stade avancé, la destruction gagne les couches profondes mettant à nu l’os sous-chondral.

     Il persiste des chondrocytes hypertrophiques, ou en voie d’apoptose, ainsi qu’un tissu fibrocartilagineux.

     Beaucoup d’inconnues persistent quant au rythme de la destruction et à ses variations spatio-temporelles. L’activation de la membrane synoviale, par les débris du cartilage et/ou les microcristaux libérés dans la cavité synoviale, pourrait contribuer à la chondrolyse. De même, les altérations de l’os sous-chondral contribuent également à pérenniser la maladie.

1. 4. 2 - Qu’est-ce qui active le chondrocyte et altère son comportement ?

     L’activation du chondrocyte est extrêmement complexe ; elle résulte de différents médiateurs : cytokines, phospholipides membranaires, monoxyde d’azote (NO), dérivés oxygénés. Une fois activé, le chondrocyte va lui-même produire en excès ces médiateurs pro-inflammatoires. Cependant, on ignore pourquoi certaines arthroses sont peu évolutives et pourquoi certaines sont, au contraire, très rapidement destructrices.

1. 4. 3 - Qu’est-ce qui initie la maladie ?

a. Facteurs mécaniques

      L’arthrose est sans doute initiée sous l’influence de plusieurs facteurs de risques combinés à une susceptibilité propre du cartilage à développer une arthrose. On comprend, dès lors, qu’un facteur mécanique de surcharge par exemple n’entraîne une arthrose que tardivement dans la vie à un stade où le cartilage devenu sénescent est susceptible de développer des lésions arthrosiques.

      Une surcharge mécanique sur une articulation normale ou une charge mécanique normale sur une articulation anormale sont des facteurs d’arthrose. L’expérimentation démontre que des pressions trop élevées sur des fragments de cartilage entraînent un défaut d’anabolisme.

      En réalité, le stimulus mécanique « anormal » peut être transmis au chondrocyte, puis être traduit en un signal qui l’engage à modifier son comportement par l’intermédiaire des mécanorécepteurs membranaires, véritables « radars » qui détectent et informent la cellule de toute forme de changement péricellulaire. D’autres hypothèses se sont fait jour. La fragilisation du réseau des fibres de collagène sous l’effet de la surcharge pourrait démasquer les sites d’attaque enzymatique. Cette fragilité pourrait être en partie génétique, affectant certains collagènes du cartilage (types II, IX ou XI). Mais il est possible que les altérations initiales touchent aussi l’os sous-chondral avec la survenue de l’équivalent microscopique de fracture de fatigue du réseau des fibres de collagène.


b. Phénomènes biochimiques « intracartilagineux »

     Ainsi une maladie mécanique va entraîner une maladie biochimique « intracartilagineuse », comme décrit précédemment.

Fig. 5.1. Mécanismes pathogéniques de l’arthrose.
Fig. 5.2. Facteurs de risque de l’arthrose.

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