3 - Physiopathologie

     De manière un peu artificielle, il est habituel de distinguer l’ostéoporose primitive, plus fréquente chez la femme (capital osseux plus faible, ménopause, plus grande longévité), des ostéoporoses secondaires, plus fréquentes chez l’homme (cause retrouvée dans environ 50 % des cas). Bien entendu, les causes peuvent être intriquées.

3. 1 - Physiologie osseuse

     Le squelette est composé d’os cortical (majoritaire dans la diaphyse des os longs) et d’os trabéculaire (majoritaire dans les vertèbres). En plus de sa fonction de soutien, de protection de l’organisme et de levier pour les muscles, le tissu osseux a une fonction métabolique, notamment pour maintenir l’homéostasie calcique. Il existe un remaniement constant de ce tissu (remodelage osseux), beaucoup plus important dans l’os trabéculaire. Le remodelage osseux comporte schématiquement : une phase d’activation, une phase de résorption assurée par les ostéoclastes, suivie d’une phase de formation assurée par les ostéoblastes. À l’état normal, il existe un équilibre permettant d’adapter la formation à la résorption ; ceci aboutit au renouvellement et à la réparation du tissu osseux. Dans les situations de déséquilibre, augmentation de la résorption (ménopause) ou diminution de la formation (corticothérapie), il existe une perte osseuse. En pratique, les deux mécanismes sont souvent intriqués.

      La résistance mécanique des pièces osseuses dépend en grande partie de la DMO. Cependant, d’autres facteurs, souvent regroupés sous le terme de « qualité osseuse », aboutissent de façon indépendante à une fragilité osseuse : altération de la microarchitecture osseuse (amincissement des travées osseuses, diminution de leur nombre et de leur connectivité, de leur répartition spatiale…), anomalies du collagène de type I, géométrie osseuse… Actuellement seule la DMO est accessible en pratique courante.

3. 2 - Physiopathologie de l’ostéoporose

     À partir de quarante ans environ, il existe une perte osseuse minime dans les deux sexes, prédominant en secteur trabéculaire d’environ 3 % tous les dix ans. À la ménopause, la perte osseuse s’accélère en raison de la carence oestrogénique avec une perte osseuse initiale rapide de l’ordre de 2 % par an pendant une dizaine d’années. Chez 25 % des femmes, cette perte osseuse peut être encore plus importante, dépassant 2,5 % par an jusqu’à 5 % à 8 %. La perte osseuse est ensuite plus lente, égale dans les deux sexes, pour s’accélérer à nouveau après soixante-quinze ans. En moyenne, la perte osseuse trabéculaire chez la femme entre vingt et quatre-vingts ans est de 40 % et de 25 % chez l’homme.

La carence oestrogénique joue, dans les deux sexes, un rôle déterminant dans les mécanismes de la perte osseuse liée au vieillissement. L’arrêt brutal à la ménopause de la sécrétion oestrogénique ovarienne est responsable, chez la femme, d’une accélération du remodelage osseux, notamment de la résorption, ayant pour conséquences l’amincissement des corticales et des travées osseuses, ainsi que la perforation des travées et la diminution de leurs connexions. Ces mécanismes expliquent la baisse de la DMO et l’altération de la microarchitecture corticale et trabéculaire.

Chez l’homme, la diminution progressive et non brutale de la sécrétion androgénique testiculaire liée au vieillissement, ainsi qu’un moindre amincissement des corticales, expliquent la perte osseuse trabéculaire linéaire et une moindre altération de la microarchitecture osseuse. Cependant, la survenue d’un hypogonadisme entraîne une perte osseuse.

L’hyperparathyroïdie secondaire correspond à l’augmentation réactionnelle de la sécrétion de parathormone en réponse à une hypocalcémie, souvent causée par une insuffisance en vitamine D par manqued’exposition solaire et diminution de la capacité de synthèse liée au vieillissement. Elle entraîne une augmentation du remodelage osseux qui se traduit par une perte osseuse corticale et trabéculaire. La correction de la carence en calcium et en vitamine D permet de prévenir ce phénomène.

L’héritabilité de la variabilité du pic de masse osseuse est de l’ordre de 80 % et le risque de survenue d’une ostéoporose est élevé chez les descendants d’un sujet ostéoporotique.

Une activité physique régulière, « en charge », augmente le gain de masse osseuse au cours de la croissance et contribue à préserver le capital osseux à l’âge adulte. À l’inverse, l’immobilisation ou l’alitement prolongé induisent une perte osseuse.

3. 3 - Facteurs de risque de fracture ostéoporotique

      Comme cela a été souligné précédemment, la diminution de la DMO est le déterminant principal du risque de fracture ostéoporotique. Les études épidémiologiques montrent qu’une diminution d’un écart type de la DMO par rapport à la moyenne pour l’âge multiplie par deux le risque de fracture. Cependant, lavaleur de la DMO, ou sa variation sous l’effet d’un traitement, ne permet d’expliquer qu’une partie de ce risque et il existe un important chevauchement des valeurs de DMO entre les sujets ayant et ceux n’ayant pas de fracture. Environ la moitié des fractures ostéoporotiques surviennent chez des patients qui ont simplement une ostéopénie en DXA. Il existe donc d’autres facteurs de risque de fracture à prendre en compte comme les facteurs de qualité osseuse, notamment l’étude de la microarchitecture, déterminant indépendant du risque fracturaire. L’étude de la microarchitecture osseuse nécessite la réalisation d’une biopsie osseuse et n’est donc pas accessible pour tous les patients. Des méthodes non invasives utilisant des tomodensitomètres (pQCT) ou des IRM de haute définition sont en cours d’étude sur les os périphériques.

     Pour le clinicien, un certain nombre de facteurs cliniques doit être pris en compte :

– un antécédent de fracture ostéoporotique personnel, quel qu’en soit le site, augmente significativement le risque de survenue d’une nouvelle fracture, indépendamment de la valeur de la DMO, et cette augmentation est proportionnelle au nombre initial de fractures ;

– le vieillissement est un facteur de risque fracturaire primordial, indépendant de la DMO. Chez le sujet âgé, le risque de survenue d’une fracture ostéoporotique, en particulier d’une fracture de l’extrémité supérieure du fémur, est étroitement lié au risque de chute ;

– la survenue d’une chute est un facteur de risque majeur de fracture, particulièrement chez les personnes âgées. Parmi les facteurs de risque de chute, on peut citer les déficits neuromusculaires et les troubles de l’équilibre et de la marche, la diminution de l’acuité visuelle, l’utilisation de médicaments psychotropes, les altérations des fonctions cognitives et la démence.

     En pratique, la décision thérapeutique est guidée par une évaluation du risque individuel de fracture ostéoporotique. Ce risque repose sur la prise en compte des facteurs de risque suivants :

– âge ;
– densité minérale osseuse basse ;
– antécédent personnel de fracture ostéoporotique ;
– antécédent de fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez les
parents du premier degré ;
– corticothérapie ancienne ou actuelle ;
– maigreur : IMC < 19 kg/m2 ;
– tabagisme
– mauvais état de santé ; plus de trois maladies chroniques ;
– hyperthyroïdie ;
– polyarthrite rhumatoïde ;
– cancer du sein ;
– augmentation du remodelage osseux : élévation des marqueurs de
résorption ;
– diminution de l’acuité visuelle ;
– troubles neuromusculaires ou orthopédiques ;
– risque de chute.

     La corticothérapie
, quel qu’en soit le motif, est à l’origine d’une perte osseuse dont l’intensité dépend de la dose reçue et de la durée du traitement, pouvant conduire à la survenue de fractures avec un niveau de DMO plus élevé que dans l’ostéoporose post-ménopausique. Outre les corticoïdes, les causes médicamenteuses d’ostéoporose sont les anti-aromatases (cancer du sein), les antiandrogènes (cancer de la prostate)… La liste de ces médicaments est susceptible de s’allonger dans les prochaines années. La recherche d’une cause d’ostéoporose secondaire est importante, tout particulièrement chez l’homme : corticothérapie, hypogonadisme, hyperparathyroïdie primitive, surconsommation alcoolique (plus de trois unités par jour), tabagisme, hémochromatose génétique, maladies de l’appareil digestif (gastrectomie, résections intestinales étendues, entérocolopathies inflammatoires, syndromes de malabsorption, maladie coeliaque…), maladies inflammatoires chroniques en dehors de toute corticothérapie (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathies…), hyperthyroïdie (ou un traitement trop dosé en hormones thyroïdiennes), anorexie mentale, mastocytose.

     Un score évaluant le risque fracturaire individuel à dix ans, reprenant une partie de ces facteurs de risque clinique (avec ou sans mesure de la DMO), vient d’être validé par l’OMS et devrait simplifier la décision thérapeutique. L’outil de calcul est disponible en ligne :

http://www.shef.ac.uk/FRAX/tool.FR.jsp?locationValue=12


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