5 - Anomalies des gammaglogulines

5. 1 - Hypogammaglobulinémie (γ-globulines < 5 g/l)

Cette anomalie doit faire évoquer le diagnostic de :
– déficit immunitaire B primitif : hypogammaglobulinémie constitutionnelle ou agammaglobulinémie (maladie de Bruton) qui se manifeste par des infections récidivantes bactériennes, tout particulièrement néonatales ;
– déficit immunitaire B secondaire : syndrome lymphoproliferatif (leucémie lymphoïde chronique, ou lymphome malin non hodgkinien), ou myélome, en particulier le myélome à chaînes légères ;
– carences nutritionnelles : les malabsorptions ou le kwashiorkor ;
– perte excessive des γ-globulines par fuite rénale, entérocolopathie exsudative ou lors des dermatoses évoluées et chez les grands brûlés ;
– immunosuppression acquise : réalisation récente de plasmaphérèse, traitements par immunosuppresseurs.

5. 2 - Hypergammaglobulinémie diffuse ou polyclonale

Elle se traduit par une augmentation des γ-globulines dite en « dôme » (on notera parfois que la migration se fait également sur les β-globulines avec le typique bloc β-γ). Il s’agit d’une stimulation polyclonale des lymphocytes B quel qu’en soit le mécanisme, qui peut être :
– une affection hépatique chronique : cirrhose alcoolique (augmentation plus importante des IgA avec bloc β-γ), hépatites auto-immunes chroniques (hyper-IgG et IgA), cirrhose biliaire primitive, cirrhose post-hépatite, etc. ;
– une infection bactérienne chronique (abcès profond, endocardite, ostéomyélite, tuberculose, dilatations des bronches, etc.) ;
– une infection parasitaire : trypanosomiase, leishmaniose, etc. ;
– une infection virale, tout particulièrement par le VIH ;
– une maladie auto-immune : lupus érythémateux disséminé (environ 50 % des cas), maladie de Gougerot-Sjögren (60 %), polyarthrite rhumatoïde (50 %) sclérodermie, sarcoïdose, etc. ;
– une maladie tumorale : lymphome, leucémie myélomonocytaire ;
– une autre pathologie : certains médicaments et le diabète insulinodépendant.

5. 3 - Pic d’aspect monoclonal

La présence d’un pic à base étroite et symétrique qui migre dans la zone des γ-globulines lorsqu’il s’agit d’une IgG ou, plus rarement, dans la zone des β-globulines lorsqu’il s’agit d’une IgA, est évocatrice d’une dysglobuline monoclonale. La clonalité doit être confirmée par l’immunofixation. Deux types de sécrétions monoclonales peuvent survenir :
– immunoglobuline de structure le plus souvent normale mais en quantité augmentée (immunoglobuline complète, IgG, IgA ou IgM ou plus rarement IgD ou IgE) ;
– fragment d’immunoglobuline : soit d’une chaîne légère (dénommée, dans les urines, protéine de Bence Jones), soit d’une chaîne lourde.
Cette immunoglobuline monoclonale, identifiée par sa chaîne lourde et/ou sa chaîne légère, est synthétisée par un clone de lymphocytes B ; elle est le témoin d’une prolifération lymphocytaire B clonale qui peut être bénigne ou maligne. Cette immunoglobuline peut avoir des effets propres en raison de particularités physicochimiques :
– augmentation de la viscosité sanguine ;
– précipitation à froid : dénommée cryoglobulinémie, observée en particulier lors des hémopathies (leucémie lymphoïde chronique, maladie de Waldenström), elle peut être responsable d’un purpura pétéchial, infiltré avec lésions nécrotiques en cocarde, d’un syndrome de Raynaud ;
– précipitation dans les tubules rénaux ;
– dépôt dans les tissus responsable d’une amylose AL ;
– action autoanticorps : anticorps anti-myéline (anti-MAG) responsable de neuropathie périphérique ou activité facteur rhumatoïde, hémolytique, etc.
Le problème posé par une dysglobulinémie est sa signification.

5. 3. 1 - Gammapathie monoclonale de signification indéterminée

La gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS, Monoclonal Gammopathy of Undetermined Significance pour les Anglo-Saxons) est la plus fréquente des gammapathies monoclonales ; sa prévalence augmente avec l’âge : 0,5 % à trente ans, 2 % à cinquante ans, pour atteindre 10 % à plus de quatre-vingts ans.
Porter un diagnostic de MGUS impose la réalisation d’examens complémentaires afin d’éliminer une hémopathie satellite, surtout un myélome multiple (cf. chapitre 21).
La gammapathie de signification indéterminée est caractérisée par :
– une gammapathie monoclonale à taux faible (< 30 g/l) ;
– un patient strictement asymptomatique, la découverte étant le plus souvent fortuite ;
– une faible plasmocytose médullaire (< 10 %) ;
– une protéinurie de Bence Jones absente ou présente à taux très faible ;
– l’absence de lésion osseuse associée, d’anémie, d’hypercalcémie ou de néphropathie.
Dans le temps, la gammapathie peut rester stable ou évoluer vers une hémopathie maligne, le plus souvent un myélome, rarement une maladie de Waldenström, un lymphome malin non hodgkinien, une leucémie lymphoïde chronique. Le risque de progression vers une hémopathie maligne est de l’ordre de 1 % par an et de 10 % à dix ans. Il est d’autant plus important que le pic est initialement élevé, que l’isotype de l’immunoglobuline n’est pas G, que le rapport des chaînes légères kappa/lambda (FLC assay) est anormal. Les patients avec MGUS nécessitent donc d’être suivis indéfiniment.
L’EPS peut être répétée à six mois puis de façon annuelle. La surveillance sera ensuite adaptée en fonction de l’existence ou non de facteurs de risque de progression au diagnostic (pic de plus de 15 g/l, Ig non Ig G, rapport FLC anormal), de l’évolution de la gammapathie — stabilité ou augmentation progressive.


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