1. 3 - Fonction myocardique dans l’état de choc

1. Ischémie

La réduction de la perfusion coronaire est en général minimisée par l’augmentation de la pression aortique diastolique, secondaire à la vasoconstriction périphérique. Les artères intramurales pénètrent perpendiculairement de l’épicarde au mur ventriculaire, rendant les zones sous-endocardiques sensibles à l’ischémie, indépendamment de l’existence d’une maladie coronaire sous-jacente.

2. Facteur « dépresseur » myocardique

Une dysfonction et une dilatation ventriculaire gauche peuvent s’observer dans les états de choc septiques ou hémorragiques. Elles sont indépendantes des conditions de charge, de perfusion, de l’état cardiaque antérieur, et impliquent un facteur humoral, non encore identifié.

3. Métabolisme anaérobie

À la diminution de l’apport en oxygène s’ajoute une augmentation des besoins en oxygène du myocarde, secondaire à l’hyperactivité â1-adrénergique et à l’augmentation de la postcharge. Ces conditions de métabolisme anaérobie provoquent une accumulation de lactates et de phosphates inorganiques, une sortie du potassium et une rentrée massive de sodium, une altération des fonctions myocytaires et de la compliance myocardique. Ainsi l’ischémie myocardique et la souffrance cellulaire progressent selon un cercle d’autoaggravation.

1. 4 - Consommation d’oxygène et métabolisme anaérobie

La fonction mitochondriale est obligatoirement aérobie. Les besoins en oxygène varient selon l’état métabolique du patient, les pathologies sous-jacentes, la fièvre, l’action des hormones endogènes et exogènes. L’oxydation des carbohydrates, des acides aminés, des acides gras, emprunte le cycle de l’acide citrique, voie finale commune du métabolisme aérobie. Un transfert d’électrons se produit entre la pyridine et les flavoprotéines et le transfert d’électrons final se fait vers l’oxygène, qui est alors transformé en eau, avec production d’ATP. Dans l’état de choc, le cycle de l’acide citrique est inhibé car il n’y a plus d’accepteur d’électrons (oxygène). Le shunt du pyruvate vers le lactate est activé comme une voie métabolique d’urgence, moins « rentable » (le métabolisme anaérobie d’une mole de glucose produit moins de 10 % de la quantité d’ATP produite par voie aérobie). La production de lactate est grossièrement proportionnelle au déficit en oxygène.

1. 5 - Mécanismes inflammatoires

De nombreux médiateurs de l’inflammation sont activés, notamment :


2. 1 - Corrélations clinicophysiopathologiques

La présentation clinique de l’insuffisance circulatoire aiguë dépend de l’âge, du terrain, de l’étiologie et de la durée du choc.

Tableau clinique
La confusion mentale est en partie liée à une réduction du débit cérébral. Les extrémités froides et pâles, les marbrures, la cyanose des extrémités, des lobes de l’oreille et de l’extrémité du nez témoignent d’une diminution du débit sanguin cutané. Une exception toutefois est le choc dit « chaud » de certains états septiques hyperdynamiques. La tachycardie et la tachypnée médiées (entre autres) par le sympathique témoignent de phénomènes d’adaptation visant à améliorer le transport en oxygène. L’oligurie témoigne de la redistribution du débit cardiaque. L’hypotension artérielle n’est pas un signe constant de l’état de choc.

2. 2 - Examens complémentaires

Aucun examen complémentaire n’est utile au diagnostic d’état de choc.

L’élévation des taux artériels de lactates est le signe cardinal biologique de l’état de choc.
L’hyperglycémie, fréquente à la phase initiale, est secondaire à l’augmentation de la sécrétion du glucagon et des glucocorticoïdes. Quand les stocks de glycogène sont déplétés, à la phase tardive de l’état de choc, l’hypoglycémie est la règle. L’hypertriglycéridémie est également fréquente, en raison de la stimulation sympathique de la lipolyse, et de la diminution de l’activité de la lipoprotéine lipase. En revanche, on observe fréquemment une hypocholestérolémie, traduisant la consommation du cholestérol dans la voie de synthèse du cortisol.
Les réductions sévères du débit cardiaque s’accompagnent d’une augmentation du gradient artérioveineux du pH et de la PaCO2, avec acidose hypercapnique au niveau du sang veineux mêlé quelle que soit la valeur de la PaCO2. Elle s’explique principalement par la réduction de l’excrétion pulmonaire et l’augmentation de la production de CO2 au niveau des tissus non perfusés.
L’insuffisance rénale, les perturbations du bilan hépatique et de l’hémostase sont des anomalies biologiques qui témoignent de défaillances d’organe compliquant l’état de choc.
Enfin, les taux circulants de catécholamines, des facteurs natriurétiques, de rénine, d’angiotensine, d’aldostérone, des glucocorticoïdes, de vasopressine sont en général augmentés.

3. 1 - Pression artérielle

Depuis l’avènement des méthodes de mesure au lit du patient du débit cardiaque et des pressions de remplissage, la pression artérielle n’est plus le seul indice de surveillance. En effet, des baisses importantes de la pression artérielle systolique ne s’accompagnent pas forcément d’une réduction de la perfusion tissulaire, et vice versa. De plus, le bruit de Korotkof, dû à l’éjection pulsatile du ventricule, est très diminué quand le volume d’éjection est diminué ou la résistance artérielle brachiale augmentée. En conséquence, la mesure sphygmomanométrique sous-estime la valeur réelle de la pression artérielle. Par ailleurs, dans les états de choc, l’augmentation du gradient physiologique entre l’aorte proximale et les artères périphériques (parfois très largement supérieur à 40 mmHg) indique que la pression intra-artérielle radiale reflète davantage la pression murale au site ponctionné, que la pression artérielle aortique.

3. 2 - Autres variables hémodynamiques

La diurèse horaire reflète la redistribution du débit cardiaque et l’adaptation du volume intravasculaire.
La pression veineuse centrale et la pression de l’oreillette droite reflètent les pressions de remplissage du ventricule droit, et la pression capillaire pulmonaire celle du ventricule gauche. Le rapport de la pression artérielle systémique ou pulmonaire au débit cardiaque détermine la résistance vasculaire systémique ou pulmonaire. Les modifications de pressions veineuses reflètent à la fois l’état de la capacitance veineuse et de la fonction ventriculaire. Quant aux volumes ventriculaires systolique et diastolique, à la fraction d’éjection ventriculaire, et aux pressions correspondantes, ils reflètent la performance cardiaque.

3. 3 - Débits sanguins et index de perfusion

Concernant les méthodes de mesure quantitative des débits sanguins, les plus usuelles sont les méthodes de mesure du débit cardiaque. La perfusion périphérique peut être estimée par la température cutanée, les marbrures, ou par la mesure transcutanée de tension en oxygène. Le taux artériel de lactate représente un indice fiable, utilisable en routine, de la sévérité de l’hypoperfusion tissulaire. Néanmoins, dans les états de chocs, l’altération de la clairance du lactate contribue à l’augmentation des taux sanguins, et lorsque les conditions hémodynamiques sont rétablies, les taux de lactate sont augmentés par le phénomène de recirculation.


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