3  -  Relation hôte parasite et pathogénicité


Relation hôte parasite (variations entre le porteur sain de parasites et le malade).

Le conflit plus ou moins pathogénique entre le parasite et son hôte peut, cliniquement et biologiquement, s’étendre du portage sain de parasites (ou de champignons) par l’hôte à la maladie chronique avec des épisodes cliniques plus ou moins aigus et répétés. L’équilibre nécessaire à la survie du parasite et de l’hôte est fragile et cette « paix armée » définie par Sergent (à propos du paludisme) dans la relation entre le parasite et son hôte dépend de facteurs propres aux parasites et de ceux résultant des défenses de l’hôte. Les parasites sont diversement virulents et la pathogénicité reste en partie liée à la quantité de parasite ou de champignon et à leur pouvoir de contourner les défenses que l’hôte va leur opposer. L’hôte parasité en plus d’une réceptivité qui lui est propre va engager contre son parasite des modes de défense aspécifique commune aux agressions par tous les pathogènes (réactions inflammatoires, allergiques…), et des réponses spécifiques (réactions immunes humorales et cellulaires dirigées contre une forme parasitaire ou le parasite dans son ensemble).

  • La symptomatologie est en rapport avec certaines localisations et leurs implications métaboliques qui créaient une gradation du risque pathogène : les ectoparasites sont relativement bien supportés, les parasites du tube digestif le sont moins, ceux de la cavité générale moins encore, mais les parasites des tissus différenciés sont souvent gravement pathogènes, les parasites intracellulaires les plus évolués étant les plus sévères.
  • La spécificité parasitaire est le résultat dans le temps d’une adaptation du parasite aux conditions de vie dans son hôte : un parasite « récent »,peu adapté, peu spécifique va cliniquement entraîner une maladie bruyante et grave, alors qu’un parasite mieux adapté, plus spécifique engendrera une maladie mieux supportée, chronique et tenace. La gravité entre les divers parasites restant à la base fonction de leur agressivité spécifique.

La pathogénicité des parasites dépend de la diversité de ces derniers, de leurs localisations, migrations, métabolismes, aux différents stades de leur développement.

Rarement isolés différents types d’action sont souvent impliqués :

  • L’action spoliatrice : le parasite vivant aux dépens de son hôte est spoliateur par définition. Les spoliations souvent mineures s’expriment davantage si les parasites sont nombreux (anémie ankylostomienne) ou lorsqu’ils détournent à leur profit certaines substances (anémie de Biermer par spoliation en vitamine B12 dans le cas de la bothriocéphalose).La spoliation sanguine est le résultat de gaspillage (ankylostomes hématophages broutant la muqueuse duodénale),d’hémolyse (hématozoaires du paludisme) , agénérative centrale (pan cytopénie des leishmanioses viscérales). La spoliation intestinale est rarement directement en cause (tænias, ascaris)
  • L’action mécanique-traumatique fréquente est fonction de la taille des parasites, de leurs localisations, et leurs éventuelles migrations ectopiques. Elle peut être microscopique (éclatement de globules blancs pour les leishmanies et de globules rouges dans le cas de l’hématozoaire, des cellules rétiniennes par le toxoplasme), ou macroscopique bruyante comme l’occlusion lymphatique (filariose lymphatique), biliaire (douves) ou intestinale par un paquet d’ascaris, la migration ectopique ou la perforation d’un ver, ou encore la compression par un kyste hydatique, l’agression duodénale par les ankylostomes.
  • L’action traumatique bactérifères : tout parasite perforant une muqueuse ou le revêtement cutané peut constituer une porte d’entrée microbienne (amibes et abcès amibien, filaire de Médine et perforation au niveau des malléoles).
  • L’action irritative : elle peut être réflexe (spasmes intestinaux de l’intestin agressé , diarrhées, épisodes de toux au passage de formes vermineuses larvaires…) mais elle va surtout à plus long terme entraîner la formation de granulomes inflammatoires autour des œufs ou larves parasitaires (dermatite parasitaire et granulomes inflammatoires des bilharzies et larva migrans) et/ou des foyers de scléro-fibrose (filarioses, bilharzioses), restant suspect dans la genèse de complications néoplasiques (bilharziose urinaire et cancer de la vessie, opisthorchiose et cancer hépato-biliaire).
  • L’action toxique due à l’émission d’excrétion/sécrétion toxiques d’arthropodes dans les plaies de piqûre ou de produits métabolisés par le parasite et qui auront des actions allergisantes voir anaphylactiques, histolytique comme les amibes nécrosantes, hémolytique dans le cas du paludisme ou nécrotique dans quelques parasitoses à tiques. L’action toxique est souvent majorée à la mort du parasite suite à un traumatisme ou au traitement (fissuration ou rupture d’un kyste hydatique, lyse sous thérapeutique des microfilaires) avec de fréquents phénomènes allergiques ou anaphylactiques.
  • L’action infectieuse : coexistence entre un parasite et un microbe, est parfois mise à juste titre en évidence dans le couple bilharzies-salmonelles ou la salmonelle enchâssée dans le schistosome échappe à la thérapeutique curative complète, elle est plus discutable dans la relation entre l’appendicite et l’oxyure.
  • L’action immunodépressive, allergique voir anaphylactique est celle de tout corps étranger pénétrant un organisme qui se défend.
  • Notion de complexe pathogène : Ces modes d’actions souvent multiples plus ou moins spécifiques d’un parasite, se mêlent à ceux d’autres agents infectieux parasitaires, bactériens ou viraux, qui sur un fond de nutrition déficient, définissent des complexes pathogènes malheureusement interactifs impliqués dans tous les phénomènes morbides et mortels propres aux pays en voie de développement. (quelques associations morbides et mortelles : paludisme et rougeole, bilharzioses et salmonelloses, parasitisme et malnutrition, opportunistes parasitaires et mycosiques et immunodépression rétrovirale ou thérapeutique ….)
  • Réactions excessives de l’hôte : Certaines réactions excessives de l’hôte à l’infestation parasitaire peuvent être pathogènes. Il peut s’agir de processus cellulaires, tissulaires et immunologiques :

    • Processus cellulaires : ils mobilisent , macrophages, éosinophiles, histiocytes intervenant par exemple dans l’anémie normo ou hypochrome, associée éventuellement à une pancytopénie et sous dépendance comme dans le cas du paludisme de phénomène de séquestration splénique et splénomégalie.
    • Processus tissulaires : ils s’expriment par les granulomes réactions autour d’un œuf (bilharzioses) ou d’une larve (toxocarose) modifiant les fonctions tissulaires, évoluant éventuellement vers des calcifications (vessie et uretères dans la bilharziose uro-génitale) ou par des développement scléro-fibreux excessifs (éléphantiasis des filarioses lymphatiques) et dans certains cas par une implication dans les phénomènes de cancérisation (bilharziose urinaire et cancer de la vessie).
    • Processus plus directement immunopathologiques : ils impliquent antigènes, anticorps et complexes immuns circulants participant à la formation de métaplasies réactionnelles (paragonimose) , de granulomes, de phénomènes allergiques et anaphylactiques.
  • Facilitation (Favorisation) parasitaire et Echappement (Evitement) : Le parasite co-évoluant avec son hôte s’organise pour assurer sa survie (adaptation ) par différents moyens : une très forte fécondité comme dans le cas des taeniases (T. saginata peut produire plus de 100 millions d’œufs par an !), la polyembryonie au stade larvaire souvent (rédies des schistosomes dans le mollusque, une résistance particulière au milieu extérieur (l’œuf d’ascaris peutsurvivre plusieurs années),une longévité de plusieurs années (plus de dix ans pour P.malariae, l’anguillule, les bilharzies ou les filaires),et des adaptations métaboliques et immunologiques à leurs hôtes.
    Cette facilitation de la survie parasitaire s’ajoute à des phénomènes d’évitement ou échappement parasitaire afin de contourner les défenses aspécifiques et spécifiques que peut lui opposer son hôte. La forme parasitaire intracellulaire est la plus puissante, elle peut mettre en jeu différents mécanismes ( utilisation de récepteurs cellulaires, inhibition de la fusion phagosome-lysosome et des enzymes lysosomiaux, détoxification des composés oxygénés, « évasion » du lysosome, modifications et ou modulations des molécules du CMH,de la sécrétion des cytokines,de l’activité du complément ou de l’apoptose des macrophages…) , mécanismes différents de ceux des formes parasitaires extracellulaires (effets d’isolement dans le tube digestif, enkystement, variations antigéniques de surface, et immunomodulation comprenant la stimulation de production d’interféron gamma, la libération d’antigènes solubles, l’hydrolyse des immunoglobulines, la « fabulation » consistant à se couvrir d’antigènes de l’hôte ou l’inhibition du complément…). Ces différents modes de défense du parasite face à son hôte jouent un rôle dans l’équilibre entre l’hôte et son parasite et expliquent les diverses expressions cliniques entre le portage sain de parasites et les tableaux cliniques éventuellement mortels,conséquence d’un déséquilibre à l’avantage du parasite.
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