1. Kératite aiguë
C’est une atteinte cornéenne qui s’accompagne d’ulcération(s) superficielle(s).
Elle se manifeste par :
• une baisse d’acuité visuelle, très variable suivant la localisation de l’atteinte cornéenne par rapport à l’axe visuel,
• des douleurs oculaires superficielles importantes,
• un larmoiement
• une photophobie
• un blépharospasme
L’examen à la lampe à fente retrouve : des érosions et des ulcérations de la cornée, une diminution de transparence de la cornée, souvent localisée au niveau de l’ulcération, et un cercle périkératique (voir paragraphe Examen clinique) ; la chambre antérieure est de profondeur et d’aspect normaux.
a) Kératite à adénovirus
Elle peut compliquer une conjonctivite à adénovirus (voir plus haut « Conjonctivite ») : on parle de kératoconjonctivite à adénovirus ou kératoconjonctivite épidémique.
Elle est caractérisée par des petites ulcérations disséminées (« kératite ponctuée superficielle » fluo +).
L’évolution est toujours favorable, mais elle peut laisser des opacités dans les couches antérieures du stroma cornéen qui peuvent mettre plusieurs mois ou plusieurs années à régresser et s’accompagner pendant ce délai d’une baisse d’acuité visuelle.
Le traitement est le même que pour la conjonctivite à adénovirus.
b) Kératite herpétique
Il s’agit d’une ulcération cornéenne d’aspect typique, de forme arborescente, en feuille de fougère = « ulcère dendritique », parfois plus étendue, moins typique, « en carte de géographie ».
Le traitement réside dans les antiviraux par voie générale (Zelitrex) pouvant être associés à des antiviraux locaux en collyre ou en pommade (ex. : aciclovir en pommade) pendant 1 à 2 semaines.
Les kératites herpétiques peuvent être aggravées de façon majeure par une corticothérapie locale qui peut au maximum entraîner une perforation cornéenne : d’où la règle absolue de ne jamais prescrire une corticothérapie locale sans avoir éliminé une kératite herpétique, et de façon plus générale toute ulcération cornéenne.
L’évolution est le plus souvent favorable sous traitement, mais le risque est celui des récidives, ainsi que de l’évolution vers une kératite profonde par atteinte cornéenne stromale pouvant laisser une baisse d’acuité visuelle définitive.
c) Kératites zostériennes
Le zona ophtalmique peut se compliquer :
• soit de kératites superficielles, contemporaines de l’épisode aigu du zona, directement liées à l’atteinte virale ;
• soit secondairement d’une kératite neuroparalytique, grave (kératite dystrophique secondaire à l’anesthésie cornéenne).
Par ailleurs, dans le zona ophtalmique, un traitement par valaciclovir (Zelitrex) instauré précocement, dans les 3 premiers jours, permet de réduire la durée des douleurs zostériennes ; il est associé à un traitement local par protecteurs cornéens.
d) Kératites bactériennes, parasitaires et mycosiques
Il s’agit souvent de la surinfection bactérienne d’une ulcération traumatique (coup d’ongle, branche d’arbre) ou d’une ulcération bactérienne survenue sous une lentille de contact (+++) qui évoluent vers un abcès de cornée.
Elles sont caractérisées par la présence d’une plage blanchâtre d’infiltration cornéenne, colorée par la fluorescéine, parfois un niveau liquide purulent dans la chambre antérieure = hypopion (« ulcère à hypopion »).
Un prélèvement est requis au niveau de l’abcès pour examen direct, mise en culture et antibiogramme.
Le traitement doit être instauré précocement : collyres antibiotiques administrés plusieurs fois par jour qui peuvent être suffisants dans les formes vues tôt et peu sévères. Pour les abcès importants, il est préférable d’hospitaliser le patient et d’instaurer un traitement par des « collyres fortifiés » (collyres à forte concentration obtenus à partir de préparations pour injections intraveineuses) toutes les heures.
L’évolution peut être défavorable :
• soit à la phase aiguë :
-par l’extension postérieure de l’infection aboutissant à un tableau d’endophtalmie,
- ou par une perforation cornéenne ;
• soit à distance par une taie cornéenne cicatricielle responsable d’une baisse d’acuité visuelle définitive si elle siège dans l’axe visuel.
En cas de survenue chez un porteur de lentilles de contact, il faut se méfier d’une kératite amibienne et effectuer des prélèvements pour un traitement adapté en milieu hospitalier.
e) Kératite sur syndrome sec
Comme nous l’avons vu plus haut, le syndrome sec oculaire peut entraîner l’apparition d’une kératite ponctuée superficielle.
f) Kératite d’exposition
Lors d’une paralysie faciale, la mauvaise occlusion palpébrale est responsable d’une exposition cornéenne responsable de la survenue d’une kératite.
Le traitement réside dans les protecteurs cornéens en prévention.
Ces kératites peuvent nécessiter une tarsorraphie (suture des deux paupières réduisant la fente palpébrale par la mise en place de points de suture), permettant d’assurer la protection de l’épithélium cornéen par la conjonctive palpébrale.