La transformation martensitique peut être induite soit thermiquement (en abaissant la température en dessous de Ms), soit mécaniquement. L’application d’une contrainte peut provoquer la transformation martensitique à une température supérieure à Ms. Cependant, si la température est trop élevée, il y a compétition entre la transformation martensitique et la déformation plastique de l’austénite, dans ce dernier cas, la transformation martensitique ne se produit pas, le matériau suit un comportement mécanique classique. La température maximale pour laquelle il peut se produire une transformation sous contrainte d’austénite en martensite est notée Md (martensite deformation).
L’effet mémoire de forme (simple et double sens) est la propriété la plus connue de ces alliages, mais ce n’est pas la seule ; on peut citer la superélasticité et le comportement caoutchoutique de la martensite [ voir 8,12 (12) Norme AFNOR, Alliages à mémoire de forme : Vocabulaire et mesures. (Indice de classement : A 51-080.), Avril 1991.].
Dans le domaine de température où l’austénite est « stable » (T > Af), la transformation martensitique peut être provoquée sous contrainte [voir 8, voir 12,13 (13) Van Humbeeck J, Stalmans R, Chandrasekaran M, Delaey L, On the stability of shape memory alloys. In: Engineering aspects of shape memory alloys. London: Butterworth-Heinemann; 1990: 96-105.].
La superélasticité se manifeste par la récupération complète de la forme de l’échantillon lorsque la contrainte appliquée cesse. L’énergie est stockée de façon non dissipative et peut être récupérée complètement (Figure 5).
La contrainte s’exerce d’abord dans le domaine de déformation élastique de l’austénite (a), la loi de Hooke s’exprime : la contrainte est proportionnelle à la déformation (la force de rétraction élastique entre deux atomes voisins est directement proportionnelle à la variation de la distance interatomique). Puis la contrainte atteignant une valeur critique (σc), il y a formation de martensite induite sous contrainte (b). Contrairement à la martensite engendrée thermiquement où toutes les variantes sont possibles, les variantes de la martensite formées mécaniquement sont uniquement celles qui sont favorisées par la contrainte et l’échantillon peut se déformer de façon importante. Si la contrainte cesse, il y a réversion totale de la martensite vers l’austénite jusqu'à une déformation nulle (c) puisque à la température de l’essai, c’est la structure austénite qui est stable.
Le principal intérêt de cette propriété est la grande possibilité de déformation dans un domaine « élastique » alors que la contrainte varie. C’est essentiellement cette propriété qui est utilisée en orthodontie et en endodontie : le « plateau » de charge de la courbe peut correspondre à la déformation de la lime endodontique négociant les courbes d’un canal radiculaire ; le « plateau » de décharge de la courbe peut correspondre aux forces délivrées au niveau des dents après insertion et ligature des arcs orthodontiques, c’est le début du déplacement dentaire provoqué.
La propriété de mémoire de forme est l’aptitude d’un échantillon ayant subit une déformation importante à l’état martensitique, donc un changement de forme notable, à récupérer sa forme initiale à l’état austénitique, dont il a gardé le « souvenir », par chauffage à température supérieure à Af [voir 8,voir 12,voir 13,14 (14) Morgan NB, Friend CM, A review of shape memory stability in NiTi alloys. J Phys IV. 2001; 11:325-332.].
Soit un échantillon sous forme austénitique, lors du refroidissement (T < Mf), celui-ci se transforme en martensite et toutes les variantes (équiprobables) induites s’accommodent de façon à conserver sa forme globale. Puis, l’échantillon est soumis à une contrainte.
Toutes les interfaces des variantes ont un caractère très mobile et se meuvent sous l’action de la contrainte appliquée. Ainsi, un objet peut être déformé par croissance de variantes de martensite orientées dans le sens de la déformation et disparition de celles qui ne le sont pas, tout en restant dans le domaine de déformation élastique (Figure 6). Les possibilités de déformation atteignent ainsi 6 à 8% alors que le mécanisme usuel de la déformation élastique des métaux (déplacement minime des atomes du solide autour de leur position d’équilibre) est très limité et atteint au mieux 0,5%.
Ce changement d’orientation des variantes permet d’obtenir la meilleure relaxation possible des contraintes. Lorsque la contrainte cesse, une faible partie de la déformation est recouvrée : elle correspond à un retour partiel des interfaces intervariantes. Il subsiste une déformation permanente car la martensite est stable à cette température. Puis, lors du chauffage, à une température au-dessus de Af, les variantes se transforment en une seule orientation de l'austénite ; l’objet recouvre alors sa forme originelle (Figure 7).
La mémorisation de la forme ne se fait donc que dans le sens martensite vers austénite, ce qui caractérise le phénomène d’effet mémoire de forme simple sens. Il existe également un effet mémoire double sens qui correspond à la capacité d’un échantillon « éduqué » par traitement thermomécanique à passer de manière réversible d’une forme haute température à une forme basse température.
Remarque : Nous avons supposé que lors du réchauffage, la contrainte appliquée est nulle. Si l'on s'oppose au retour à la forme initiale, le matériau est susceptible de développer une force et de retrouver néanmoins sa forme initiale, c'est-à-dire de développer un travail mécanique. Ce mécanisme est utilisé en orthodontie : certains alliages orthodontiques refroidis avec un spray réfrigérant (-40 à -50°C) sont très facilement déformables ; ils peuvent être adaptés rapidement en bouche à de très fortes malpositions. Le fil, réchauffé au dessus de Af par la température buccale voisine de 37°C, tend à reprendre sa forme initiale en déplaçant les dents avec une force constante. Leur action se poursuit sur une longue durée. L’arc reprend sa forme initiale aussi souvent qu’il est réchauffé après avoir été déformé.