2  -  Principes de prise en charge

2 . 1  -  Meilleur intérêt de l’enfant


Tous les actes et décisions médicales doivent avoir un seul objectif : le meilleur intérêt de l’enfant.

Sur le plan éthique, cette démarche sera guidée par les notions de non malfaisance et de bienfaisance.

Dans les services de réanimation néonatale, la situation clinique des nouveau-nés est très variable et doit faire l’objet de constantes évaluations. Il est loin d’être aisé de déterminer si la poursuite d’une réanimation est justifiée au nom des principes évoqués ci-dessus ou bien si au contraire, elle devient déraisonnable.

L’évolution de la situation clinique prendra en compte, autant que possible, le pronostic à long terme, c’est-à-dire les probabilités de survie à long terme sans handicap sévère, et la qualité de vie. Il faudra également tenir compte des « charges » liées à la réanimation, des souffrances de l’enfant, des contraintes générées par cette situation qui rejaillissent sur la famille, et de leurs conséquences sociales, matérielles au long cours (Notion de charge/bénéfice des anglo-saxons).

De plus, toutes les discussions qui découleront de ces différentes analyses sont biaisées par une part variable d’incertitude.

En d’autres termes, c’est la question du sens de la souffrance qui se pose, dans l’espoir d’une survie dont on ignore le « bénéfice ». Cela est particulièrement délicat quand il s’agit d’hospitalisations de longue durée, associé à un pronostic incertain, tant  sur la plan moteur que cérébral. Dans ce cadre, les évaluations répétées, avec l’ensemble des soignants et les parents permettent une approche plus réaliste et humaine, qui permettra la prise de la « moins mauvaise décision ».

2 . 2  -  La place des parents


Depuis 2002, l’information est un droit du patient. Mais, dans la situation décrite, le patient est le nouveau-né ; au plan éthique, le concept d’autonomie ne peut donc pas s’appliquer. En réanimation néonatale, ce sont les parents qui doivent bénéficier d’une information loyale et éclairée. Ainsi, ils pourront pleinement s’impliquer dans l’élaboration des décisions concernant leur enfant. C’est d’ailleurs en tant que titulaire de l’autorité parentale, donc supposés prendre les meilleures décisions pour leur enfant qu’ils sont associés à toutes les démarches.

Parfois, l’avis des parents et des soignants concernant l’intérêt de l’enfant semblent diverger, que ce soit pour poursuivre des soins, ou au contraire, pour les arrêter. Le plus souvent, les raisons évoquées pour la poursuite des thérapeutiques au-delà du raisonnable, sont d’ordre religieux, psychologiques ou culturels, voire d’incompréhension face à une médecine qui ne peut pas tout faire, ni tout prédire. Un temps supplémentaire est alors nécessaire afin que les parents, aidés par les professionnels s’occupant de leur enfant ou d’autres personnes (responsables religieux par exemple) puissent appréhender la réalité et collaborer avec l’équipe. Les demandes d’arrêts de traitements intensifs proviennent de familles pour lesquelles un handicap de leur enfant n’est pas « acceptable ».

Il est fondamental de laisser du temps pour que les parents puissent intégrer les informations, sans se laisser « déborder » par leurs émotions, que ce soit sur la force de leur attachement à cet enfant qui va peut-être mourir, ou la culpabilité, liée à l’implication dans la prise de décision, cette dernière se retrouvant dans tout accouchement prématuré.

2 . 3  -  « Zone grise » : réanimer ou non ?


Le seuil de viabilité, fixé par l’OMS est fixé à 22 semaines d’aménorrhée ou 500g. Il correspond à une définition clinique. Mais la morti-morbidité est extrêmement élevée. Elle diminue au fur et à mesure de l’augmentation de la gestation, mais est encore très importante. Les différentes études épidémiologiques menées dans les pays développés ont permis de dégager en France, un consensus, proche des recommandations suisses de 2011. Dans la plupart des pays, a été délimitée une zone intermédiaire d’une durée de deux semaines dite « zone grise » qui s’étend en France sur la période de 24 à 25 semaines, zone d’incertitude pronostique majeure. Les parents sont impliqués dans la décision, conformément à la loi. 

Cette attitude est fondée sur trois critères :

  • La connaissance des résultats publiés dans ce contexte (Evidence Based Medecine),
  • Les résultats du centre dans lequel est pris en charge l’enfant,
  • L’analyse très précise du dossier maternel.

Il existe cependant de grandes variabilités entre les pays et entre les centres. Ainsi, les conditions de naissance de l’enfant peuvent varier (hospitalisation avant la naissance dans une maternité de type 3 ou naissance inopinée soit dans une maternité dont le niveau de soins pédiatriques est adapté ou dans une autre maternité). Dans le premier cas, l’équipe obstétrico-pédiatrique a pu exposer aux parents les différents éléments à prendre en compte, discuter avec eux, les orienter, si besoin, vers d’autres interlocuteurs. Ces étapes permettent  de fournir une information éclairée, la plus complète possible et de s’orienter vers une décision commune de prise en charge ou d’abstention de thérapeutique active, qui sera transcrite de façon précise et explicite dans le dossier médical.

Dans le contexte de l’urgence d’un accouchement inopiné, les décisions sont beaucoup plus difficiles à prendre. Le poids du nouveau-né et son état clinique sont décisifs dans la prise en charge. Le plus souvent, dans le doute, une réanimation est entreprise ; les évaluations ultérieures permettront d’adapter la prise en charge.

« Dans le cadre de l’extrême prématurité, l’abstention de traitements de réanimation, décidée a priori sur des facteurs de risque majeurs, apparait plus souhaitable qu’une réanimation d’attente ».

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