2  -  Déroulement d'un essai thérapeutique

2 . 1  -  Objectif de l'essai

  • Répondre à une question principale.
  • Formulation de la question le plus clairement possible : Y a-t-il une différence significative et intéressante en pratique entre les traitements comparés, administrés aux doses prévues par le protocole, et cela dans les conditions de l’essai ?
  • Pour cela, définition, avec une précision croissante au fur et à mesure de la conception de l’essai, du problème posé :
    • quels traitements va-t-on comparer ?
    • sur quels malades ?
    • avec quels critères ?
  • Une recherche bibliographique préalable est indispensable pour situer l’objet de la recherche.

2 . 2  -  Nécessité de comparer un groupe « traité » et un groupe « témoin »

2 . 2 . 1  -  Constitution des groupes

  • Le seul moyen de rendre des groupes comparables en tout point est le tirage au sort.
  • L’affectation des malades à l’un ou l’autre des groupes par tirage au sort est la randomisation. Cette technique nécessite qu’aucun des traitements comparés ne soit inférieur aux autres, ce qui serait inadmissible sur le plan éthique.
  • Cette opération assure la comparabilité des groupes au départ de l’essai, ce qui est nécessaire pour porter un jugement de causalité.
  • Les techniques utilisées (table de nombre au hasard) permettent d’attribuer l’un ou l’autre des traitements.

2 . 2 . 2  -  Le double aveugle

Seule l’administration en double aveugle garantit complètement le maintien de la comparabilité en cours d’essai et une égalité de l’appréciation du critère de jugement.

2 . 2 . 3  -  Les erreurs à éviter

  • Comparer l’évolution chez deux groupes de malades alors que le choix du traitement est fait par le clinicien (influence du degré de gravité de la maladie, du degré de confiance que le médecin fait au nouveau traitement).
  • Comparer l’évolution chez des malades choisis avant et après l’apparition du nouveau traitement (témoins historiques), mais les conditions de diagnostic ou le recrutement des malades ont pu changer pendant ce temps.
  • Comparer des sujets situés dans des services hospitaliers différents, chaque service ou hôpital a son recrutement particulier.
  • Répartir les sujets en deux groupes en fonction de critères tels que le jour de consultation, la 1re lettre de leur nom, etc., car on risque d’avoir des différences d’un groupe à l’autre portant sur l’origine ethnique ou les habitudes de vie.
  • Prendre comme témoins les malades refusant le nouveau traitement. Il est probable qu’ils auront un comportement très différent des sujets coopérants.

2 . 3  -  Sélection des sujets « bons pour l’essai »

  • Critères d’inclusion :
    • caractéristiques générales des sujets (âge, sexe, antécédents…,
    • définition de la maladie et des formes cliniques faisant l’objet de l’étude.
  • Critères d’exclusion :
    • contre-indication à l’un des traitements : les malades doivent être capables de recevoir indifféremment l’un ou l’autre des traitements tirés au sort,
    • facteurs empêchant un suivi convenable, tout particulièrement en cas d’évolution longue (par exemple : résidence située loin du lieu de consultation, ou étranger ne parlant pas français).


=> Le tirage au sort du traitement administré doit être effectué après l’inclusion du sujet.

2 . 4  -  Définition des traitements

2 . 4 . 1  -  Traitements comparés

Le schéma thérapeutique doit être prévu de façon rigoureuse pour chacun des deux traitements.

S’il s’agit d’un traitement médicamenteux, il faudra préciser : les doses qui peuvent être fixes ou variables, les voies et formes d’administration.

S’il s’agit d’un traitement chirurgical, le protocole indiquera les gestes obligatoires et ceux laissés à l’appréciation du chirurgien.

S’il s’agit de radiothérapie, on précisera le type d’irradiation, la dose, la répartition dans le temps, les champs d’irradiation.

  • Le protocole précisera les conditions d’administration : à l’aveugle ou non, simple ou double aveugle.
  • Le tirage au sort doit être effectué :
    • après l’inclusion du sujet (c’est-à-dire après que le sujet ait été jugé, bon pour l’essai),
    • aussi près que possible du moment où l’on débute le traitement (pour être sûr qu’un sujet bon pour l’essai le soit encore lorsqu’on commence le traitement).

2 . 4 . 2  -  Traitements associés

Il faut en effet prévoir le traitement :

  • des effets secondaires et/ou complications éventuelles des traitements comparés,
  • des affections intercurrentes ou tares associées,
  • des manifestations évolutives, parfois tardives, de la maladie (par exemple: cancer et métastases ou récidive).


En pratique, il faut dresser une liste des traitements associés permis et une liste des traitements associés interdits.

2 . 5  -  Définition des critères de jugement

C’est une étape capitale et difficile qui conditionne l’intérêt des résultats.

La mesure des critères peut se faire de façon :

  • objective : dosages, mensurations, photographies, radiographies,
  • subjective : appréciation de la douleur, pathologie psychiatrique.


Le nombre de critères doit être aussi faible que possible.

Le moment de l’évaluation doit être prévu (avant et après l’essai, après seulement, mesure unique ou courbes de variations).

Les critères doivent être le plus possible :

  • précis (aptes à déceler des petites variations),
  • spécifiques (insensibles à d’autres effets que l’amélioration ou l’aggravation de la maladie ou des symptômes traités),
  • reproductibles et fiables, la part de subjectivité pouvant être réduite par différents procédés (transpositions sur une échelle quantitative d’un critère subjectif, interprétation du résultat lors de l’utilisation de l’aveugle faite par un observateur extérieur considéré comme étant plus objectif).

2 . 6  -  Nombre de sujets nécessaires

Il est habituellement fixé à l’avance pour permettre l’utilisation de tests statistiques.

  • Son calcul fait intervenir :
    • la différence attendue en ce qui concerne le critère principal de jugement (ex : différence entre les pourcentages de guérisons d’une maladie dans les 2 groupes, avec les traitements A et B). Il faut également indiquer le sens de cette différence B > A (comparaison unilatérale) ou B # A (sans idée a priori sur la supériorité d’un des traitements sur l’autre) (comparaison bilatérale),
    • la dispersion des résultats dans la population étudiée. Elle s’exprime par la variance du critère, que l’on peut connaître soit par les résultats d’études antérieures, soit par estimation d’après les premiers résultats de l’essai, sur 30 sujets environ.
  • Les risques d’erreurs :
    • Risque de première espèce (α) :
      • Probabilité de conclure à une différence qui n’existe pas réellement entre les 2 traitements étudiés. Ce risque est fixé en général à une valeur inférieure ou égale à 5 % par convention.
    • Risque de deuxième espèce (β) :
      • Probabilité de ne pas déceler une différence qui existe en réalité. La valeur de ce risque n’est que rarement indiquée, alors qu’il est aussi important que le précédent. Cette valeur est en général 5, 10, ou 20 %. Le risque d’erreur de deuxième espèce permet de calculer la puissance d’un test statistique qui est égale à 1 - β. La puissance d’un test est la mesure de sa capacité à détecter les différences.
    • Il faut noter que le choix de α et β est fait au début de l’essai, de sorte que les valeurs soient les plus faibles possibles, en tenant compte du fait que leurs variations se font en sens contraire :
      • si α augmente, β diminue, et la puissance (1 - β) augmente,
      • si α diminue, β augmente, et la puissance (1 - β) diminue.
  • Le nombre de sujets nécessaires est d’autant plus grand que :
    • la différence à déceler est petite,
    • la dispersion des résultats est grande,
    • les risques d’erreur sont faibles.

2 . 7  -  Durée de l’essai

Elle dépend de la nature de la maladie, du traitement et du nombre de sujets nécessaires.

On peut réduire cette durée :

  • soit en modifiant les exigences de l’essai (différence à déceler plus grande, risques d’erreur plus élevés), ce qui diminuerait le nombre de sujets nécessaires ;
  • soit en réalisant un essai multicentrique, encore dénommé essai coopératif. Cela est utilisé par exemple si la maladie est rare et qu’un seul expert ne dispose pas de suffisamment de malades pour terminer l’essai dans des délais acceptables.
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