2
-
Aspects immunologiques
2
.
1
-
Le rejet
La transplantation d'un organe allogénique est avant tout caractérisée par une réponse immunitaire contre l'organe, qui conduit au rejet. Il existe schématiquement trois types de rejets :
2
.
1
.
1
-
Le rejet hyperaigu
Le rejet hyperaigu survient dans les heures qui suivent la transplantation. Il survient essentiellement en transplantation rénale et semble plus rare en transplantation cardiaque ou hépatique. Il est lié à l'existence d'anticorps préformés qui se fixent sur l'endothélium du greffon lors de la revascularisation et entraînent la fixation et l'activation du complément, l'activation de l'endothélium qui exprime à sa membrane des molécules d'adhérence et des molécules pro-coagulantes. La conséquence en est au niveau du rein la thrombose des artères et la nécrose hémorragique du greffon nécessitant la transplantectomie d'urgence. Il n'existe pas de traitement curatif. Le seul traitement est préventif. Comme la grande majorité des anticorps responsables du rejet hyper aigu sont les anticorps anti HLA, la prévention repose sur la recherche d'anticorps anti HLA chez les patients en liste d'attente et la réalisation d'un cross match juste avant la transplantation (test de cytotoxicité entre les lymphocytes d'un ganglion du donneur et le sérum du receveur potentiel. On ne transplantera que si ce test est négatif. Cf. plus bas.
Les anticorps anti-HLA apparaissent essentiellement dans trois circonstances : après une transfusion sanguine, lors d'une grossesse même non menée à terme et lors d'une transplantation. Il importe donc, chez tout patient transfusé atteint d'une insuffisance rénale et susceptible d'être un jour transplanté, de rechercher l'apparition d'anticorps anti-HLA dans les semaines suivant la transfusion et de garder le sérum positif en sérothèque en vue de réaliser le cross match. La recherche d'anticorps anti-HLA se fait contre un panel de cellules (au moins 25) censé représenter la population générale. Le test standard utilisé est un test de lymphocytoxicité en présence de complément et détecte donc les anticorps d'isotypes IgM et IgG. Les résultats sont exprimés en pourcentage de cellules lysées. Les patients sont considérés comme immunisés lorsqu'il existe au moins une cellule lysée et hyperimmunisés lorsque plus de 75 % des cellules sont lysées. Il est bien entendu plus difficile de trouver un greffon compatible pour un patient hyperimmunisé et ces patients bénéficient de priorités pour l'attribution d'un greffon sans incompatibilités HLA. Il importe de différencier les anticorps anti-HLA des auto-anticorps, généralement des IgM, qui reconnaissent des structures membranaires lymphocytaires et non endothéliales. De nouvelles techniques Elisa et/ou de cytométrie de flux permettent de mieux analyser les spécificités des anticorps anti-HLA et sont en cours d'évaluation.
Le cross match consiste à rechercher, juste avant la greffe, la présence dans les différents sérums du receveur d'anticorps dirigés contre les antigènes HLA du greffon que l'on se propose de transplanter. L'idéal serait d'effectuer le test avec l'endothélium du donneur. Pour des raisons évidentes de facilité de recueil de cellules, le test est effectué avec les lymphocytes du donneur. C'est un test de lymphocytotoxicité dépendant du complément, détectant la présence d'IgM ou d'IgG. La présence d'IgG dirigés contre les lymphocytes T du donneur est une contre-indication à la greffe car elle s'accompagnerait de la survenue d'un rejet suraigu. Lorsque les anticorps sont des IgM, la réaction est négativée en présence de déthiotreitol qui rompt les ponts disulfures de la molécule IgM et la greffe n'est généralement pas contre-indiquée (dans ce cas les anticorps détectés sont le plus souvent des anticorps anti-lymphocytes et non des anticorps anti-HLA).
2
.
1
.
2
-
Le rejet aigu cellulaire
Le rejet aigu cellulaire est dû à la reconnaissance par les lymphocytes T du receveur des antigènes allogéniques du donneur. Les lymphocytes s'activent, prolifèrent, envahissent le greffon pour en anéantir la fonction. Le rejet aigu cellulaire nécessite une immunisation et met donc plusieurs jours à survenir (plus de 5 jours). Il prend une expression différente selon l'organe et est inéluctable en l'absence de traitement immunosuppresseur. Actuellement, grâce aux traitements immunosuppresseurs, les épisodes de rejet aigu surviennent dans moins de 20 % des transplantations, n'entraînent que des altérations modestes de la fonction des organes, généralement bien contrôlées par une modification du traitement immunosuppresseur (bolus de méthylprednisolone essentiellement). Le rejet aigu cellulaire survient essentiellement dans les 3 premiers mois avec un pic de fréquence dans le premier mois. Néanmoins il peut s'observer à tout moment en cas d'arrêt du traitement immunosuppresseur (non-compliance). Il est diagnostiqué par la ponction biopsie de l'organe greffé et les lésions observées font l'objet de classifications internationales (par exemple classification de Banff pour le rein).
2
.
1
.
3
-
Le rejet chronique
Le rejet chronique est une entité mal définie qui correspond à une dégradation progressive de la fonction du greffon associée à la survenue d'une fibrose, d'une atteinte des vaisseaux artériels dont la lumière se rétrécit progressivement (vasculopathie du transplant). Les mécanismes moléculaires de ce rejet chronique, qui limite la durée de vie des organes transplantés, sont mal connus. Il s'agit probablement d'une réponse immunitaire chronique, à bas bruit, initiée par une présentation indirecte des alloantigènes, et dirigée contre les structures vasculaires, et particulièrement endothéliales, du greffon. Les processus de réparation des dommages liés à cette agression font appel à la synthèse de facteurs de croissance, comme le TGF-ï?¢, qui induisent la fibrose et le rétrécissement progressif de la paroi des vaisseaux.
2
.
2
-
Mécanismes de la réaction allogénique
La réponse allogénique est particulièrement intense puisque l'on considère que 5 à 10 % des lymphocytes T sont activés par les antigènes allogéniques, tant in vitro lors de la culture mixte lymphocytaire qu'in vivo au cours de la réaction de rejet, alors que la fréquence des précurseurs T vis-à-vis d'un antigène de l'environnement (par exemple une protéine virale) est de 10-4 à 10-5. Les principaux alloantigènes sont les antigènes du complexe majeur d'histocompatibilité, donc chez l'homme les antigènes HLA (Human Leucocyte Antigens).
Plusieurs théories ont été émises pour expliquer la force de la réponse allogénique.
2
.
2
.
1
-
Activation T
L'activation des lymphocytes T qui se produit lors d'un phénomène de rejet de greffe est strictement identique à celle se déroulant lors de n'importe quelle autre réponse immunitaire, et implique une succession de signaux, reçus de l'environnement de la cellule, aboutissant à la prolifération lymphocytaire.
2
.
2
.
2
-
Infiltration du greffon
Les lymphocytes activés infiltrent le greffon par un processus en cascade faisant intervenir, les molécules d'adhérence d'une part, les chimiokines d'autre part. L'expression des molécules d'adhérence varie au niveau des cellules endothéliales dans les phénomènes inflammatoires, ce qui favorise le recrutement de leucocytes par ailleurs attirés par les chimiokines. Chaque sous population leucocytaire exprime à sa membrane des récepteurs de chimiokines différents. Cette multiplicité explique la sélectivité du recrutement leucocytaire en fonction du gradient de chimiokines présentes à la surface de l'endothélium du greffon. Par exemple, en présence de chimiokines synthétisées sous l'influence de l'interféron g, seuls les lymphocytes ayant à leur membrane un récepteur de ces chimiokines seront activés.
L'infiltration du greffon comporte 4 étapes successives :
- La capture et le roulement. L'interaction entre les sélectines endothéliales P et E et la molécule PSGL-1 à la membrane des lymphocytes T activés entraîne un roulement des lymphocytes T le long de l'endothélium du greffon avec un ralentissement puis un arrêt.
- L'arrêt et l'activation. L'arrêt permet un contact intime entre les surfaces endothéliales et lymphocytaires. L'endothélium du greffon activé par les lésions d'ischémie reperfusion, par les manipulations lors de l'acte chirurgical, a synthétisé des chimiokines qui sont fixées sur les protéoglycannes au pôle apical des cellules endothéliales. Les chimiokines peuvent donc se lier aux récepteurs membranaires lymphocytaires de chimiokines pour entraîner un nouveau signal de transduction intracellulaire (signal 5 ?) qui, par l'intermédiaire de nouvelles phosphorylations, va entraîner des modifications conformationnelles des intégrines LFA-1 et VLA-4, les faisant passer d'un état « non adhésif » à un état « adhésif ».
- L'adhésion forte est donc la troisième étape indispensable à l'infiltration du greffon. En son absence les lymphocytes se détachent de l'endothélium et retournent dans la circulation sanguine. Elle se fait par l'intermédiaire des liaisons LFA-1/ICAM-1 d'une part VLA-4/VCAM-1 d'autre part.
- Le passage transendothélial représente la quatrième étape.
- Il nécessite un réarrangement du cytosquelette lymphocytaire ainsi qu'une modulation de l'adhérence induite par les intégrines. Les signaux induits par les ligands de CD31 et des JAM accélèrent la migration.
2
.
2
.
3
-
Agression des cellules parenchymateuses
Les mécanismes en sont encore mal élucidés ; en particulier la part respective des lymphocytes T cytotoxiques spécifiques des alloantigènes du greffon (environ 1 % des cellules de l'infiltrat) et du reste de l'infiltrat (lymphocytes T « helper », NK, B, monocytes/macrophages, éosinophiles…). Néanmoins les lymphocytes T qui infiltrent les cellules parenchymateuses (« tubulite » en transplantation rénale) peuvent agresser les cellules par au moins deux mécanismes :
- un mécanisme sécrétoire faisant intervenir la perforine dont la polymérisation entraîne une perforation de la membrane de la cellule cible et le Granzyme B, enzyme protéolytique qui peut alors pénétrer dans la cellule et entraîner sa destruction ;
- un mécanisme non sécrétoire d'apoptose, la trimérisation et l'activation de la molécule Fas à la surface de la cellule cible par son ligand Fas L à la surface des lymphocytes T activés entraînant un signal de mort intracellulaire par l'intermédiaire de caspases.
2/6