- Pré-requis et Objectifs
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Cours
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1 - Le lupus érythémateux systémique
- 1.1 - Clinique
- 1.2 - Biologie
- 1.3 - Physiopathologie
- 2 - Bibliographie
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1 - Le lupus érythémateux systémique
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- Annexes
Les connectivites sont des maladies inflammatoires systémiques qui peuvent toucher tous les tissus et tous les organes. Les atteintes les plus fréquentes sont cutanées, articulaires et rénales. Une telle communauté de symptômes peut rendre difficile le diagnostic différentiel des connectivites. Ce sont les caractéristiques cliniques, comme le type et la topographie de l'atteinte cutanée ou articulaire, et leur association avec certaines atteintes viscérales, qui vont orienter le diagnostic vers une maladie particulière. Quand une connectivite est mono- ou pauci-symptomatique, le diagnostic clinique peut être très difficile, voire impossible. Quand la symptomatologie est riche, le diagnostic est plus aisé mais le pronostic est généralement plus sérieux, du moins à court terme. Dans bien des cas, les examens biologiques constituent une aide précieuse pour préciser un diagnostic différentiel cliniquement hésitant. Ils permettent d'abord d'authentifier le syndrome inflammatoire général et de déceler une éventuelle consommation de certaines fractions du complément. Dès le stade préliminaire des investigations biologiques, certains profils protéiques peuvent orienter le diagnostic vers une connectivite particulière. Les lésions inflammatoires sont la conséquence d'une réaction auto-immune systémique au cours de laquelle sont produits divers auto anticorps le plus souvent non spécifiques d'organes. La détection d'auto-anticorps dans le sérum est une opération indispensable qui permet de distinguer les connectivites les unes des autres. Ces maladies étant toutes de cause inconnue, aucune investigation complémentaire n'est à l'heure actuelle disponible pour une recherche étiologique. Dans certains cas cependant, la survenue de la maladie est favorisée par le terrain génétique, et le phénotype de certains antigènes HLA peut étayer un diagnostic. Enfin, les investigations complémentaires biologiques et anatomo-pathologiques permettent de reconnaître les complications viscérales et d'en évaluer la gravité. Afin de retracer le cheminement diagnostique du praticien, le cas d'une patiente ou d'un patient consultant pour une éruption cutanée et des douleurs articulaires sera étudié selon plusieurs modalités d'expression clinique et selon diverses associations symptomatiques. On déterminera ainsi dans quel cas il est légitime d'envisager le diagnostic de lupus systémique, de dermatomyosite, de polyolymyosite, de sclérodermie, de périartérite noueuse, et de syndrome de Gougerot-Sjögren.
Le LES se caractérise par des atteintes pluritissulaires polymorphes, erratiques, mal systématisées, souvent déconcertantes. Plus les manifestations sont nombreuses, plus le diagnostic est aisé, mais plus le pronostic est péjoratif, pouvant aller jusqu'à mettre en jeu la vie du patient. Au contraire, lorsque la maladie est mono- ou pauci-symptomatique, le diagnostic est hésitant, et il peut errer plusieurs mois, mais la vie du patient n'est pas menacée en l'absence d'atteinte d'un organe vital. Des critères ont été définis en 1982, et révisés en 1997 par l'« American College of Rheumatology », pour le diagnostic de la maladie.
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Il est admis que qu'au moins 4 critères doivent être présents chez un patient pour que le diagnostic puisse être établi avec certitude. Dans la majorité des cas le LED survient chez une femme jeune entre 20 et 30 ans. Les trois manifestations cliniques les plus fréquentes sont articulaires, cutanées et rénales. Chacune de ces atteintes a des caractéristiques qui permettent de la rattacher à la maladie lupique. La présence de certains anticorps antinucléaires et une diminution du complément dans le sérum permettent de confirmer le diagnostic.
C'est l'appareil le plus fréquemment touché, puisqu'une atteinte articulaire ou osseuse est observée au moins une fois au cours de la maladie chez 95 % des malades. Les atteintes articulaires, présentes chez 60 % des patients, constituent schématiquement 2 tableaux selon leur allure évolutive :
Le LES peut aussi se compliquer d'ostéonécroses aseptiques indépendamment de la corticothérapie qui peut aussi les favoriser. Ces infarctus osseux frappent électivement la tête et les condyles fémoraux, les plateaux tibiaux. Ils peuvent survenir en dehors de toute poussée de la maladie et se traduisent par une douleur mécanique d'apparition brutale. La résonance magnétique nucléaire révèle les anomalies plus précocement que la radiologie standard. Les lésions de vascularite auxquelles on a pu attribuer l'ostéonécrose du lupus n'ont jamais été observées par les anatomo-pathologistes. Cette complication, d'autre part, survient souvent en l'absence d'un syndrome des anti-phospholipides favorisant les thromboses vasculaires: autant dire que l'on n'en connaît pas l'étiologie. Les muscles peuvent aussi être affectés par le LES. Les patients se plaignent de myalgies d'horaire inflammatoire et l'on constate souvent une élévation modérée des enzymes musculaires dans le sérum. Lorsqu'elle est pathologique, la biopsie musculaire montre une atrophie des fibres avec parfois une vascularite et un infiltrat lymphoïde.
Systémiques :
- Fièvre, malaise, anorexie, nausées, perte de poids | 95 % |
Ostéo-articulaires :
- Arthralgies, myalgies - Polyarthrite non érosive - Déformation des mains - Myopathies, myosites - Nécrose ischémique des os | 95 % 95 % 60 % 10 % 40 %, 5 % 15 % |
Cutanées :
- Éruption malaire - Lupus discoïde - Photosensibilité - Ulcérations buccales - Alopécie - Vascularites - Panniculites | 80 %
50 % 15 % 70 % 40 % 40 % 20 % 5 % |
Hématologiques :
- Anémie hémolytique - Leucopénie - Lymphopénie - Thrombopénie - Anticoagulant circulant - Splénomégalie - Lymphadénopathie | 85 %
10 % 65 % 50 % 15 % 15 % 15 % 20 % |
Neurologiques :
- Psychoses - Comitialité - Migraines - Neuropathies périphériques | 60 %
10 % 20 % 25 % 15 % |
Cardiaques et pulmonaires :
- Pleurésie - Péricardite - Myocardite - Endocardite - Effusions pleurales - Fibrose interstitielle | 60 %
50 % 30 % 10 % 10 % 30 % 5 % |
Rénales :
- Protéinurie, cylindres urinaires - Œdème des membres inférieurs - Hypertension artérielle | 50 %
50 % |
Gastro-intestinales | 45 % |
Thromboses | 15 % |
Avortement spontané | 30 % |
Oculaires | 15 % |
Les signes cutanés varient de l'érythème en ailes de papillon (vespertilio) siégeant sur les ailes du nez, les pommettes, le front et le menton (15 % des éruptions cutanées), aux ulcérations semblables à des morsures de loup (lupus). L'érythème est déclenché par l'exposition aux rayons ultra-violets B plus qu'aux rayons ultra-violets A. A cause de cette photosensibilité, l'éruption ne se limite généralement pas au visage, mais peut s'étendre à toutes les zones cutanées exposées au soleil.
Environ 15 % des malades ayant un LES ne présentent pas de vespertilio, mais un lupus discoïde chronique (LDC) caractérisé par des lésions papulo-squameuses très infiltrées, à évolution centrifuge, qui peuvent laisser des cicatrices indélébiles. Il existe aussi des LDC isolés, non accompagnés de signes systémiques. Seulement 5 % d'entre eux évoluent vers le LES. Une forme particulière, le lupus cutané subaigu, s'individualise aussi bien cliniquement que biologiquement: les lésions érythémato-papuleuses extensives, souvent squameuses, ont un contour polycyclique et ont tendance à confluer. Après leur disparition, elles laissent souvent une dépigmentation avec parfois une atrophie épidermique. Le lupus cutané subaigu est fréquemment associé aux anticorps anti-Ro/SSA et à un déficit en fraction C2 du complément.
D'autres lésions non spécifiques du lupus peuvent siéger sur d'autres parties du corps, notamment les membres. Ce peuvent être des lésions érythémateuses d'apparence banale ou, plus rarement, des bulles, un érythème polymorphe en cocardes, une urticaire, des lésions lichénoïdes ou une panniculite.
En dehors des lésions propres du tissu cutané, la vascularite qui caractérise le lupus peut toucher les vaisseaux de la peau et entraîner des lésions nécrotiques. Les lésions, parfois discrètes, punctiformes, traduisent toujours l'évolutivité de la maladie. Il faut les rechercher au pourtour des ongles et à la pulpe des doigts et des orteils où elles apparaissent sous forme de taches purpuriques parfois ulcérées, souvent minuscules.
Des lésions muqueuses, notamment buccales, mais aussi nasales, génitales et rectales peuvent être observées. Elles ressemblent à des aphtes mais sont moins creusantes. Parmi les phanères, ce sont surtout les cheveux qui sont atteints. Une alopécie en plaque, plus rarement diffuse, peut accompagner les poussées et régresse après la fin de la poussée.
On observe le dépôt en bande d'immunoglobulines et de fractions du complément le long de la membrane basale dermo-épidermique. Ce « Lupus Band Test » (LBT) est particulièrement caractéristique du LES quand les dépôts sont constitués d'IgG et de C1q. Le LBT est positif dans plus de 75 % des cas lorsque la biopsie est réalisée en peau pathologique, et dans 50 % des cas en peau saine. La positivité est en faveur de l'évolutivité de la maladie. Des IgM, du C3 et d'autres fractions du complément peuvent se déposer mais ces dépôts sont moins caractéristiques du LES.
L'insuffisance rénale est rare puisqu'elle ne se manifeste que dans environ 10 % des cas de LES. En fait, l'atteinte rénale est probablement beaucoup plus fréquente, mais le plus souvent silencieuse sur le plan clinique, se limitant à une protéinurie (chez environ la moitié des patients atteints de LES). Lorsqu'elle doit se manifester, l'atteinte rénale est généralement présente dès la première poussée et peut révéler la maladie dont elle conditionne le pronostic. Il n'y a pas de corrélation entre la gravité de l'atteinte générale et celle de la néphropathie. L'atteinte rénale se traduit par une hypertension artérielle, une augmentation de la créatininémie, une protéinurie et une hématurie microscopique avec une hyperleucocyturie. Il est utile de la caractériser pour déterminer le traitement à appliquer. Une ponction-biopsie rénale est indiquée lorsque le patient a une hypertension artérielle apparue dans le contexte du lupus ou des signes biologiques de souffrance rénale : protéinurie ou hématurie non expliquée par une cause urologique, élévation de la créatinine sérique. Les lésions histologiques observées après ponction-biopsie rénale sont rarement évolutives. Elles sont hiérarchisées par « classe » et ne changent en principe pas au cours de l'évolution du lupus, bien que certaines aggravations aient été observées (Tableau 3).
Clinique | Histologie | Traitement | |
Classe I
Normal |
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Classe II
Glomérulonéphrite mésangiale pure
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Classe III
Glomérulonéphrite segmentaire
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Classe IV
Glomérulonéphrite diffuse
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Classe V
Glomérulonéphrite extramembraneuse
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Classe VI
Glomérulonéphrite avec sclérose avancée |
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L'atteinte la plus fréquente est la pleurésie (50 % des cas), uni- ou bilatérale, parfois inaugurale, se manifestant par de la toux et des douleurs thoraciques. La ponction pleurale ramène un liquide inflammatoire riche en albumine et en cellules lymphoïdes, contenant parfois des anticorps antinucléaires. Leur détection ne s'impose généralement pas dans la mesure où ils sont présents avec une plus grande fréquence dans le sérum.
Plus rarement, on constate sur la radiographie et la tomodensitométrie du thorax, des infiltrats interstitiels dont la topographie varie au cours du temps. Les infiltrats de nature infectieuse sont de loin les plus fréquents au cours du LES. La nature lupique de lésions pulmonaires (20 % des cas) ne doit donc être admise qu'avec circonspection et lorsque les tests microbiologiques sont négatifs. Les infiltrats lupiques régressent en général rapidement grâce aux corticoïdes, mais on peut craindre dans certains cas l'évolution vers une fibrose interstitielle (5 % des cas) et l'insuffisance respiratoire chroniques qui ne seront plus sensibles à la corticothérapie. Les épreuves fonctionnelles respiratoires montrent un syndrome restrictif et une diminution de la capacité de transfert de l'oxyde de carbone qui s'aggravent au fil du temps. Une hypertension artérielle pulmonaire est de survenue exceptionnelle au cours du LES.
Le cœur : Des trois tuniques cardiaques, c'est le péricarde qui est le plus souvent touché (30 %) des cas. Comme la pleurésie, la péricardite peut être latente, n'entraîne pas de tamponnade, régresse rapidement sous corticoïdes et n'évolue pas vers la constriction. La myocardite (10 % des cas), liée à une vascularite coronaire, est très rare. Elle se traduit par des troubles du rythme, une tachycardie et finalement par une insuffisance cardiaque. Depuis l'utilisation des corticoïdes, l'endocardite verruqueuse de Libman-Sacks est devenue l'exception. Elle touchait essentiellement les valves mitrales et aortiques.
Les vaisseaux : 20 % environ des patients éprouvent un syndrome de Raynaud aux doigts, mais aussi aux orteils et, plus rarement, au nez. Ces troubles vasomoteurs peuvent entraîner une gêne fonctionnelle, mais habituellement pas de nécrose des extrémités. La capillaroscopie montre une augmentation de la taille des capillaires mais aucun signe propre à la sclérodermie.
Les gros troncs vasculaires comme la crosse aortique ne sont en principe pas atteints. En revanche, surtout si un syndrome des anticorps anti-phospholipides est associé, des thromboses artérielles ou veineuses, centrales ou périphériques peuvent survenir.
Au cours du LES, peuvent survenir des atteintes du système nerveux central et du système nerveux périphérique.
Le système nerveux central : la manifestation la plus fréquente est la céphalée, parfois d'allure migraineuse (25 % des cas). La deuxième manifestation par ordre de fréquence (20 % des malades) est la comitialité généralisée, avec des signes électro-encéphalographiques d'épilepsie essentielle. Cette comitialité est parfois accompagnée de troubles psychiques. Les crises peuvent être indépendantes des poussées de lupus.
Des troubles moteurs d'origine centrale, tels qu'une hémiplégie, une monoplégie, ou une paraplégie due à une myélite transverse, peuvent apparaître de façon brutale (15 % des cas). Ils accompagnent généralement une poussée de LES et sont généralement de mauvais pronostic. D'exceptionnelles thrombophlébites du sinus longitudinal supérieur ont été observées.
Le système nerveux périphérique est aussi souvent touché (15 % des cas). Les atteintes peuvent inclure les nerfs crâniens comme les nerfs oculomoteurs. La neuropathie périphérique se traduit généralement par une multi- ou une mononévrite due à une vascularite des vasa nervorum. Elle peut être confirmée par une biopsie neuromusculaire éventuellement guidée par un électromyogramme préalable.
Les phénomènes de vascularite responsables de l'ensemble des troubles neurologiques, aussi bien centraux que périphériques, peuvent faire partie d'un syndrome des anticorps anti-phospholipides; dans ce cas, on pourra trouver des anticorps anti-cardiolipine et anti-bêta 2-GP1 dans le sérum.
Un syndrome méningé peut survenir exceptionnellement à l'occasion d'une poussée. Le LCR est inflammatoire, avec essentiellement des éléments lymphocytaires. Le diagnostic différentiel avec une origine infectieuse peut être difficile. La normalité du taux de CRP sérique est en faveur d'une méningite purement inflammatoire entrant dans le cadre de la maladie lupique.
Le LES peut se compliquer de manifestations psychiatriques isolées qui inaugurent parfois la maladie. Il peut s'agir d'un syndrome dépressif, d'un délire, d'une désorientation, d'hallucinations ou d'une psychose paranoïde ou schizoïde. En l'absence d'autres signes cliniques évocateurs de la maladie, ou de syndrome inflammatoire, le diagnostic peut être très difficile.
Il faut inclure dans les atteintes neurologiques, les complications oculaires. Ce sont, avant tout, des conjonctivites et des épisclérites, mais, outre des paralysies oculomotrices dues à une neuropathie périphérique, on peut observer une vascularite rétinienne. Elle se traduit par des exsudats cotonneux typiques de la rétinite dysorique. Ils sont non spécifiques du LES et sont souvent associés à des hémorragies (5 % des cas). Plus rarement, le fond d'œil révèle une thrombose de l'artère centrale de la rétine ou d'une artère cilio-rétinienne.
Le foie : Le diagnostic différentiel entre une hépatite auto-immune et une hépatite lupique est parfois très difficile. Les signes cliniques et biologiques de la cytolyse hépatique sont les mêmes quelle que soit l'étiologie. Une élévation isolée des transaminases sériques est observée chez 40 % des malades. L'association d'autres signes cliniques caractéristiques du LES, comme une atteinte cutanée ou rénale, peut permettre de clarifier le diagnostic. En leur absence, les investigations biologiques peuvent aussi orienter vers une étiologie: une hépatite auto-immune de type I s'accompagne d'anticorps anti-muscle lisse, une hépatite auto-immune de type II, d'anticorps anti-LKM-1. Dans les deux cas on peut détecter aussi des anticorps anti-nucléaires, mais en principe jamais d'anticorps anti-ADNn ni d'anticorps anti-Sm. Au contraire, au cours des atteintes hépatiques du LES ces derniers auto-anticorps sont souvent détectés, et si les anticorps caractéristiques des hépatites auto-immunes sont présents, c'est en général à des taux très modérés. L'histologie hépatique n'est pas toujours d'une grande aide pour le diagnostic différentiel.
Le tube digestif : les atteintes du tube digestif au cours du LES sont plus souvent d'origine iatrogénique, liées à la prise d'anti-inflammatoires, que spécifiques de la maladie. Les malades éprouvent dans 30 % des cas des nausées, des douleurs abdominales et de la diarrhée. Les symptômes liés à une vascularite sont très rares et variables selon la topographie. En cas d'atteinte d'un gros tronc artériel, un syndrome pseudo-chirurgical peut survenir, aboutissant dans des cas exceptionnels, à une perforation intestinale. Une microvascularite peut entraîner un syndrome de malabsorption.
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Une splénomégalie et des adénomégalies sont palpées dans 15 % des cas.