Une douleur abdominale est aiguë s’il s’écoule moins d’une semaine entre le début des symptômes et la première consultation. Toute douleur abdominale aiguë peut être le symptôme d’une urgence chirurgicale mettant en jeu le pronostic vital. Des investigations, au moins cliniques, voire une surveillance en hospitalisation s’imposent jusqu’à ce que l’on puisse soit poser un diagnostic, soit avoir éliminé avec certitude une affection nécessitant un traitement en urgence.
A. Anamnèse
1. Analyse de la douleur
Siège : la douleur viscérale pure (distension d’un organe, ischémie) est transmise par le système nerveux autonome et n’est donc pas systématisée à un quadrant de l’abdomen. Lorsqu’il peut la localiser, le malade la situe en général sur la ligne médiane : épigastre, ombilic ou hypogastre. La douleur pariétale consécutive à l’inflammation d’un organe ou du péritoine en regard est transmise par le système nerveux central. Elle est donc plus facilement localisée par le malade à un ou plusieurs quadrants de l’abdomen. Les foyers inflammatoires sous-phréniques (abcès, hémopéritoine) donnent une douleur projetée à la face postérieure de l’épaule homolatérale.
Irradiations : certaines irradiations douloureuses orientent d’emblée vers l’atteinte d’un organe. L’irradiation douloureuse à la pointe de l’omoplate droite oriente vers une origine hépato-biliaire, l’irradiation transfixiante d’une douleur épigastrique vers une origine pancréatique, l’irradiation vers les organes génitaux externes vers une affection urologique…
Mode d’installation : une douleur brutale, dont on peut préciser le moment exact de survenue, oriente vers une perforation, une embolie ou une rupture (anévrisme, grossesse extra-utérine…). Une douleur d’installation rapide, en quelques minutes et maximale en quelques heures oriente vers un obstacle, une ischémie ou une torsion. Les douleurs ’installation progressive en quelques heures voire quelques jours évoquent plutôt un foyer inflammatoire ou infectieux ou une obstruction.
Facteurs d’exacerbation ou de soulagement : lorsqu’un foyer inflammatoire intra-abdominal irrite le péritoine, la douleur est exacerbée à la marche, à l’inspiration profonde et est calmée par le décubitus. La douleur ulcéreuse est soulagée par l’alimentation. En cas d’obstruction ou d’occlusion intestinale, la douleur est calmée temporairement par les vomissements.
Facteurs déclenchants : il faut chercher la prise d’alcool (pancréatite, hépatite alcoolique), de médicaments (AINS, aspirine…), un voyage récent notamment en pays tropical.
Signes associés : altération de l’état général, signes infectieux, troubles du transit, nausées, vomissements, signes urinaires ou gynécologiques, hémorragie digestive haute ou basse peuvent accompagner la douleur et orienter le diagnostic.
2. Terrain, antécédents
L’analyse du terrain et des comorbidités permettent d’orienter le diagnostic étiologique. Les douleurs abdominales dites non spécifiques sont des diagnostics de l’adulte jeune ; les affections gastriques et pancréato-biliaires se rencontrent vers 40-60 ans alors que les affections ischémiques ou tumorales sont plus l’apanage des sujets âgés. Ulcère, ancréatite alcoolique, coliques néphrétiques se voient plus souvent chez l’homme alors que les affections biliaires, les infections urinaires et les hernies étranglées sont des diagnostics plus fréquents chez les femmes. L’alcoolisme expose à la pancréatite aiguë et à l’hépatite aiguë. On cherchera soigneusement une prise médicamenteuse notamment d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (risque d’ulcère ou de gastrite aiguë, aggravation d’un sepsis), d’anticoagulants (risque d’hématome des muscles de la paroi abdominale antérieure, du psoas ou de la paroi du tube digestif) ou de corticoïdes qui peuvent masquer les signes locaux et généraux associés à la douleur.
B. Examen physique
État général : pouls, tension artérielle, fièvre, signes de choc.
Inspection : elle cherche un ictère, une pâleur des conjonctives, une cyanose. On inspecte l’abdomen à la recherche de cicatrice abdominale, d’une hernie, d’un ballonnement abdominal, de l’absence de mouvement respiratoire.
Palpation : c’est le temps le plus important de l’examen. Elle cherche une douleur provoquée, une défense ou une contracture abdominale, elle s’assure de la vacuité des orifices herniaires et de l’absence d’éventration. Une douleur à la décompression signe une irritation péritonéale.
Percussion : elle différencie une matité déclive (ascite, hémopéritoine) d’un globe vésical. En cas de ballonnement, elle cherche un tympanisme en faveur d’une occlusion intestinale ou d’un pneumopéritoine.
Auscultation : un silence auscultatoire de l’abdomen oriente vers une occlusion par strangulation, une ischémie intestinale ou un iléus paralytique. Des bruits hydro-aériques intenses sont en faveur d’un obstacle incomplet (syndrome de Koenig). L’auscultation cherche également un souffle abdominal observé parfois en cas d’anévrisme de l’aorte ou de masse hypervascularisée. Les touchers pelviens sont systématiques devant toute douleur abdominale aiguë. Le TR évalue la prostate, le contenu rectal et cherche une douleur ou un bombement à la palpation du cul-de-sac de Douglas témoignant d’une inflammation péritonéale.